Reuters, Téhéran, 16 octobre par Edmund Blair La seule chose qui a étonnée Abdolreza Tajik lorsque les autorités iraniennes ont fait fermer le journal réformiste où il travaillait était quil avait survécu aussi longtemps depuis lélection de Mahmoud Ahmadinejad en tant que président lannée dernière.
Mais lorsque lordre de fermer Sharq est tombé en septembre, ses suspicions selon lesquelles le gouvernement dAhmadinejad (qui se répand en injures contre lOccident et qui jure de revenir à des valeurs islamiques révolutionnaires) napprécie que peu les voix dissidentes ont été confirmées.
« Au moins quelques personnes au gouvernement pensent quil ne devrait y avoir aucune autre position que la leur », a affirmé Tajik à Reuters, rédacteur en chef politique de Sharq, depuis les bureaux vides autrefois vibrants dactivité du premier journal réformiste du pays.
Les critiques disent que cette fermeture fait partie dune campagne de restrictions graduelles contre les opposants politiques et de répression contre les activités culturelles considérées par les autorités comme encourageant les valeurs occidentales « corrompues ».
Ils affirment que les professeurs duniversité critiques ont été écartés, que les activistes étudiants se sentent menacés et que les journalistes de lopposition font face à une pression croissante.
Sharq a un petit tirage de seulement 130 000 exemplaires dans un pays denviron 70 millions dhabitants mais les opposants pensent quil a été visé parce quil gagnait en popularité.
« Ils ont eu peur de Sharq. Sharq était devenu un journal très populaire. Il attirait beaucoup de jeunes, détudiants et dautres personnes », a affirmé un haut responsable iranien qui a demandé à ne pas être identifié car ses commentaires pourraient lui causer des ennuis.
Le gouvernement nie de telles allégations, affirmant quil laisse libre cours à la critique de la presse et des autres. Le conseil de contrôle de la presse a déclaré avoir fermé Sharq parce quil avait refusé de remplacer son directeur accusé davoir publié des blasphèmes et davoir insulté des hauts responsables.
Les journalistes de Sharq nient de telles accusations et disent vouloir défier cet ordre. Mais ils savent quils font face à un combat pénible.
Le gouvernement a appelé la justice à prendre des mesures énergiques contre les journaux qui racontent des « mensonges » ; les journalistes avancent quils subissent une pression grandissante de la part des autorités, en particulier sils couvrent des sujets tels que le conflit nucléaire en Iran contre lOccident.
Selon les conservateurs, le gouvernement est préoccupé par la sécurité nationale. Les réformistes considèrent ceci comme un bâillon mis à la presse.
Les journaux à tendance conservatrice dominent la presse et lEtat contrôle la diffusion des médias en Iran. Les Iraniens à la recherche didées plus diversifiées se tournent vers les chaînes satellites, mais la police applique depuis juillet un décret contre les paraboles.
« Il (le gouvernement) craint la puissance des médias réformistes. Il ne veut pas une répétition de ce qui sest produit dans le passé », selon un haut responsable iranien.
UN SIGNE DE MAUVAIS AUGURE
La presse était le champ de bataille des réformistes lorsque le président Mohammad Khatami essayait de mener à bien son programme de changement pendant son mandat de huit ans qui sest achevé en 2005.
Les conservateurs, qui détenaient presque tous les rênes du pouvoir à lépoque, ont participé à cet effort en faisant fermer les journaux réformistes en masse, parfois quelques jours après leur lancement. Un grand nombre a rouvert sous dautres noms, ce que devrait faire Sharq selon certaines informations.
De telles mesures répressives nont pas encore eu lieu depuis larrivée au pouvoir dAhmadinejad et une poignée de quotidiens réformistes continuent dêtre publiés.
« Le gouvernement accueille la critique et le jugement des médias sur son travail », a affirmé en août le porte-parole du gouvernement, Gholamhossein Elham. « Il soppose à la censure, lautocensure et la pression gouvernementale contre les médias. »
Mais les critiques affirment que la fermeture dun journal aussi éminent est un signe de mauvais augure à la veille des élections en décembre des conseils municipaux et des membres de lAssemblée des Experts, organe clérical puissant dont, selon les craintes des réformistes, les partisans dAhmadinejad veulent semparer.
Certains avancent que Sharq était lié, en dépit du démenti de la direction, à lancien président Akbar Hashemi Rafsandjani, dignitaire religieux influent qui sest porté candidat aux élections de lassemblée ce mois-ci. Il a perdu contre Ahmadinejad aux élections présidentielles de 2005.
Lanalyste politique Mahmoud Alinejad a déclaré que le gouvernement avait agi contre Sharq même si le soutien aux réformistes était encore très faible parce que « quoi quils fassent à ce stade, il ny a aucun appel à un grand mouvement de protestation ».
Les activistes étudiants, autrefois en tête du mouvement de réforme, conservent un profil bas, ce que certains experts attribuent à un certain désenchantement dans les réformistes qui nont pas tenu leurs promesses lorsquils ont pris le contrôle du parlement et de la présidence.
Mais les étudiants affirment quils sont réduits au silence.
« Ils font pression contre les étudiants actifs, même ceux qui nont que des requêtes dordre social pour les étudiants, en les convoquant devant des commissions disciplinaires », a affirmé un activiste étudiant qui a demandé à rester anonyme, ajoutant que certains organismes étudiants avaient été contraints à la fermeture.
Certains professeurs duniversité critiques ont été contraints à une retraite anticipée, selon les opposants. Ahmadinejad a vivement conseillé aux étudiants de dénoncer les professeurs libéraux qui salissent la République islamique avec leur laïcisme.
Malgré tout, certains jugent que les inquiétudes autour de la répression sont exagérées.
« Nous avons un bien plus grand nombre de personnes laïques et libérales ici à renvoyer que de personnes parties en retraite », a affirmé Nasser Hadian-Jazy, professeur de science politique à lUniversité de Téhéran.
Mais beaucoup voient là une initiative concertée de faire disparaître tout ce qui touche à linfluence occidentale. Un diplomate européen a déclaré que même le programme déchange entre étudiants avec son pays en avait souffert. Ses compatriotes se sont rendus en Iran mais aucun Iranien na été envoyé en retour, ce quil attribue à la peur de ce quils pourraient apprendre dans un pays étranger.