AFP, Téhéran, 14 février – Le prix Nobel de la paix Shirin Ebadi a accusé la justice ultra-conservatrice iranienne lundi de tout faire pour empêcher les avocats des droits de l’Homme de défendre les prisonniers politiques et de vouloir imposer son autorité dans l’habilitation des avocats.
« Le juge et l’avocat sont chacun l’une des ailes de l’ange de la justice, mais l’une d’entre elles a été amputée », a déclaré Shirin Ebadi, elle-même avocate.
« Les avocats passent leur temps à entrer et sortir de prison, j’ai moi-même été en prison, on ne cesse de me convoquer », a-t-elle dit lors d’une conférence de presse au côté d’autres membres du Cercle des avocats des droits de l’Homme qu’elle dirige.
« Je subis des menaces depuis dix ans », a-t-elle dit. Elle a souligné faire l’objet d’une nouvelle convocation de la justice, et « le juge lui-même ne sait pas pourquoi ».
Elle a en particulier dénoncé l’impossibilité faite à un détenu de prendre un avocat spécialiste des droits de l’Homme: « Comment peuvent-ils décider quel avocat peut plaider une affaire et quel autre ne peut pas ? »
Shirin Ebadi a cité en exemple le cas de Roozbeh Mir-Ebrahimi, arrêté à l’automne, dans une vaste opération de la justice contre les journalistes internautes, et libéré à la fin de l’année.
« Ma famille a demandé à Mme Ebadi et M. Mohammad Seifzadeh de me défendre, mais on m’a dit en prison qu’avec l’accusation qui pesait sur moi, je risquais déjà 15 ans de prison et qu’avec eux (ces avocats) je prendrais 25 ans », a raconté Roozbeh Mir-Ebrahimi lors de la même conférence de presse.
« Mon interrogateur m’a forcé à les rejeter et à dire qu’ils ne faisaient que servir leurs propres intérêts », a-t-il rapporté.
« Je me suis fait piéger, ainsi que des gens comme moi, par ceux qui (…) se sont servis de nous comme de marionnettes », avait-il écrit dans une lettre de repentir publiée par la presse en même temps que celles de plusieurs autres internautes après leur libération.
Selon le Cercle des avocats, la justice prépare actuellement une loi mettant fin à l’indépendance du barreau. La loi prévoit que les avocats seront habilités à exercer non plus par la corporation, comme cela est le cas depuis plus de 50 ans, mais par un collège à la solde de la justice, composé en particulier de magistrats, selon le Cercle
Dans un communiqué, celui-ci estime que le texte aura un « effet destructeur pour l’indépendance des avocats et les droits des citoyens à se défendre ».