AFP, 5 mai,Téhéran – La justice conservatrice iranienne s’est livrée à une exceptionnelle critique des agissements de la police, comparant le traitement subi par certains prisonniers à celui infligé par des soldats américains dans la prison irakienne d’Abou Ghraib, a rapporté la presse jeudi.
Le chef de la justice, l’ayatollah Mahmoud Hachémi Chahroudi, cité par plusieurs journaux, a aussi appelé les policiers à se garder d’employer la force pour extorquer des aveux de suspects ou pour faire respecter le port du foulard islamique.
« Il leur arrive (aux policiers) de faire des choses comme mettre un sac sur la tête des prisonniers, ce qui rappelle ce que les Américains font aux terroristes à Abou Ghraib », a déclaré l’ayatollah Chahroudi.
Ces mises en cause sont d’autant plus retentissantes que les mauvais traitements d’Abou Ghraib ont été érigés en Iran en symboles d’une duplicité du discours américain sur les droits de l’Homme.
« On ne plaisante pas avec la détention, ni la dignité et la réputation des gens », a insisté l’ayatollah. « Avez-vous vu comment ils embarquent les gens dans une voiture ».
La justice iranienne a singulièrement multiplié depuis plusieurs mois les signes d’attention portée aux dénonciations de violations des droits de l’Homme, surtout quand elles viennent d’Iran et non de l’étranger.
« On ne peut pas utiliser des moyens de pression pour faire avouer à quelqu’un quelque chose qu’il n’a pas fait », a dit l’ayatollah Chahroudi.
Quelques jours plus tôt, quatre internautes arrêtés puis libérés fin 2004 en même temps qu’une vingtaine d’autres lui avaient écrit pour se plaindre d’avoir été soumis à des « pressions physiques et morales » pour leur extirper des confessions.
« Les policiers voulaient nous forcer à avouer des relations sexuelles illégitimes avec des collègues femmes, ils voulaient faire avouer à une collègue qu’elle avait eu des relations sexuelles avec Mohammad Reza Khatami (le frère du président) et Mohammad Ali Abtahi (ancien vice-président) », a rapporté l’un d’eux Hanif Mazroui.
L’ayatollah Chahroudi a réprouvé la dérive des interrogatoires dans lesquels des suspects de délits financiers sont questionnés sur « leur moeurs, leur famille, des photos et des voyages ».
Il a dénoncé la pratique policière qui consiste à convoquer, interroger et arrêter les gens sans mandat de la justice.
« De tels agissements sont contraires à la constitution, aux principes de l’islam et même aux principes juridiques internationaux », a-t-il déclaré.
Il a désapprouvé l’emploi de la force pour faire observer le code vestimentaire islamique, quelques jours après que la police eut annoncé une nouvelle campagne contre celles qui ne portent pas correctement le foulard.
« On ne résoudra pas le problème du voile par la prison », a-t-il dit. Selon lui, la répression « sera exploitée par l’ennemi étranger et l’opposition contre-révolutionnaire ».
Une lumière particulière est projetée sur les exactions de la police depuis que son commandant, Mohammad Baqer Qalibaf, a démissionné pour se présenter à la présidentielle du 17 juin.
Mais, dans un système de décision hétérogène, la justice est aussi régulièrement désignée comme ayant sa part aux violations des droits de l’Homme dénoncées par les organisations internationales.
Elle a fourni de nombreuses marques publiques de souplesse récemment. Mais le Canada, par exemple, continue de s’indigner que la lumière ne soit pas faite sur la mort en détention de la photojournaliste Zahra Kazemi. Et des parlementaires européens se sont plaints en avril de l’absence de réponses de la justice aux questions qu’ils lui ont posées.