IranIran (actualité)Une nouvelle politique pour l'Iran

Une nouvelle politique pour l’Iran

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Figaro, Paris, 15 juin – Par Maryam Radjavi *- Cela fait longtemps que les Iraniens ne montrent plus aucun intérêt pour les mascarades électorales du régime des mollahs. Mais la campagne présidentielle actuelle en Iran suscite plus que jamais l’opposition et le boycott de la population. Un scrutin illégitime auquel ne peuvent se présenter que ceux qui ont juré et prouvé leur fidélité au guide suprême et ont franchi le filtre antidémocratique du conseil de surveillance, nommé par ce même guide. Résultat : un choix entre quatre anciens généraux des gardiens de la révolution et quatre mollahs avec ou sans turban. Compte tenu de l’expérience acquise, plus personne ne pense qu’une élection illégitime, enfantera une réforme, une démocratie et la prospérité économique.

Le recours à des pasdarans impliqués dans la répression ou à des cartes grillées comme celle de Rafsandjani révèle l’impasse du régime en place. Nul n’ignore en Iran que Rafsandjani a été durant un quart de siècle, l’un des principaux responsables des crimes de ce régime ; tant pour son rôle dans la répression sanglante des prisonniers politiques des années 1980, le massacre des prisonniers en 1988, les meurtres en série des intellectuels, que pour la répression des mouvements insurrectionnels dans les années 1990. Son mandat a coïncidé avec l’apogée des assassinats des opposants à l’étranger. Le verdict du tribunal de Berlin ne laisse aucun doute sur son rôle dans la décision du quadruple assassinat d’opposants iraniens dans cette ville.

L’enquête judiciaire suisse sur l’assassinat de Kazem Radjavi (frère de Massoud Radjavi, président du CNRI) près de Genève en 1990 (sous la présidence de Rafsandjani) établit le rôle de treize diplomates et agents officiels de Téhéran. Un tribunal à Rome juge actuellement un terroriste iranien pour l’assassinat en 1993 de M. Naghdi, représentant du CNRI en Italie.

On peut donc s’étonner d’entendre en Occident que cette présidentielle débouchera sur le pragmatisme, la démocratie et les droits de l’homme supposés «islamiques», ignorant, quel qu’en soit le résultat, que c’est un régime affaibli et plus replié sur lui-même qui en sortira.

Chaque jour, un fossé infranchissable se creuse entre les Iraniens et la théocratie, de telle manière qu’en Iran les potences et les châtiments barbares en public sont désormais indispensables à la survie du régime. L’aggravation de la répression systématique et de l’arbitraire, le massacre des prisonniers politiques et la discrimination contre les femmes érigée en doctrine d’Etat ont agrandi ce fossé. De l’aveu d’un candidat, vingt millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté dans un Iran pourtant si riche. 70% de la population composée de jeunes n’ont aucun avenir.

L’existence de quatre grands mouvements insurrectionnels depuis le début de l’année iranienne, dont le dernier au Khouzistan dans le Sud a laissé 62 morts, montre que les Iraniens souhaitent un changement de régime et non le remplacement d’un mollah par un autre.

L’intégrisme moyenâgeux au pouvoir en Iran est un phénomène anachronique, en rupture totale avec la richesse de la culture iranienne et les réalités de ce début de siècle. Alors que le souhait des Iraniens, comme des autres nations de cette région, est d’avancer vers la paix et la démocratie, ce régime cherche à asseoir l’intégrisme en Irak, à développer l’instabilité et le terrorisme au Moyen-Orient, et à se doter de l’arme atomique. La nécessité d’un changement se pose donc plus que jamais en Iran même.

Pour qu’un tel changement s’accomplisse, on ne parle que de deux options : la guerre étrangère ou la complaisance. C’est cette même logique qui pousse les grands pays européens à négocier sur le programme nucléaire de Téhéran. Alors que la futilité des négociations et le profit qu’en tire le régime pour faire avancer son projet ne sont un secret pour personne.

A force de se voir offrir des concessions, les mollahs sont devenus si arrogants qu’ils menacent tantôt de rompre les négociations, tantôt de reprendre l’enrichissement d’uranium pour faire de la surenchère. N’est-ce pas un constat d’échec de la politique de complaisance ?

Si l’entente avec ce régime avait été possible, le peuple iranien aurait été le premier à l’adopter. Après la prise du pouvoir par Khomeyni, c’est la voie qui a été suivie, pacifiquement, pendant plus de deux ans par l’opposition démocratique pour empêcher la mainmise d’un pouvoir religieux fascisant. Mais la réponse n’a été qu’assassinats, emprisonnements et tortures. Depuis, les multiples appels lancés par la résistance à la tenue d’élections libres sous l’égide de l’ONU, n’ont reçu pour toute réponse que la poursuite de la répression.

Le bilan est affligeant pour les adeptes de la politique de complaisance, des deux côtés de l’Atlantique : la répression sans pitié du mouvement étudiant, la multiplication des pendaisons publiques, la prolongation d’une dictature intégriste qui sert de modèle aux courants extrémistes dans le monde et, pour finir, la monopolisation du pouvoir par les factions les plus fanatiques et l’élimination de l’aile dite modérée.

En un mot, «le dialogue critique» et «l’engagement constructif» ont été le chemin le plus long pour aller d’une dictature religieuse fractionnée vers une théocratie absolue monolithique.

Nombreux seront les déçus en Occident qui ignorent que dans une dictature religieuse, il ne peut y avoir de réforme économique sans réforme politique et sociale. Or toute réforme politique aurait pour conséquence la chute immédiate des mollahs. Ils sont d’ailleurs les premiers à le savoir et l’évitent à tout prix.

Malheureusement dans les marchandages de l’Occident avec ce régime, comme on a pu le voir il y a deux ans en France, ce sont les droits de l’homme et le droit des Iraniens à résister et à se libérer qui servent de monnaie d’échange, ces mêmes droits qu’ont défendus les Français contre l’occupation nazie. Taxer injustement de terrorisme les Moudjahidins du peuple qui constituent la force axiale de la résistance aux mollahs, revient à priver le peuple iranien de ce droit fondamental. Ces pressions de l’Occident sur l’opposition sont interprétées par la dictature comme une carte blanche pour la répression en Iran et un signe de faiblesse de la communauté internationale. De nos jours, alors qu’il est établi que l’accusation de terroriste contre la résistance iranienne est totalement infondée, les ténors de la politique de complaisance, partisans du statu quo en Iran, tentent de ternir l’image de l’opposition légitime et démocratique, pour qu’un régime honni devienne plus fréquentable.

J’ai souligné en décem bre 2005 au Parlement européen, que nous ne sommes pas obligés de choisir entre la complaisance et la guerre ; le changement démocratique en Iran par les Iraniens et leur résistance est à portée de la main. C’est aux Iraniens de déterminer leur destin. C’est la meil leure manière d’éviter une guerre. Un Iran indépendant, démocratique et laïque qui reconnaît l’égalité des sexes servira les intérêts du peuple iranien. C’est là que repose la garantie de la stabilité au Moyen-Orient et de la paix dans le reste du monde, y compris en Europe.

Nous ne demandons ni armes ni argent à l’Occident. Mais nous lui demandons de rester neutre entre d’un côté la résistance et le peuple et d’un autre la dictature en place. Nous l’appelons à ne pas entraver l’action de la résistance et à cesser de taxer de terrorisme le principal mouvement d’opposition.

Ces jours-ci, le débat sur l’avenir de l’Europe est à l’ordre du jour. J’invite l’Europe à remettre en question la politique menée jusque-là avec le régime des mollahs. C’est une nécessité. Au lieu de laisser les mollahs se targuer de sa protection, l’Europe pourrait ne plus renier ses valeurs. Au lieu de s’accrocher à quelques intérêts mesquins à court terme, elle devrait regagner sa place aux côtés du peuple iranien par une politique intelligente.

* Présidente du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI).

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