Iran Focus, Téhéran, 25 juin « Ahmadinejad ? Cest qui ? » Cétait la réaction typique au lendemain du premier tour des élections présidentielles en Iran, quand les Iraniens ont appris que les deux candidats du second tour étaient le vétéran de la scène politique layatollah Ali-Akbar Hachemi Rafsandjani et le quasi inconnu, maire ultra de Téhéran, Mahmoud Ahmadinejad.
La surprise de la semaine dernière a laissé place à un véritable choc vendredi, quand Ahmadinejad a battu lancien président et icône de la théocratie dans une victoire écrasante qui a consolidé la mainmise des religieux islamiques sur le pouvoir.
Avec les projecteurs qui se focalisent maintenant sur cette petite silhouette barbue flanquée dun costume gris usé, le passé obscur dAhmadinejad ne manque pas de créer une profonde anxiété en Iran et une inquiétude croissante à létranger sur la politique et lorientation du nouveau président.
Né dans le la ville de Garmsar, à lest de Téhéran, en 1956, Ahmadinejad est le quatrième des sept enfants dune famille de la classe ouvrière. Son père, qui était forgeron, a émigré avec toute la famille à Téhéran quand Ahmadinejad avait à peine un an. Il a grandi dans la rudesse des quartiers sud de Téhéran, où un cocktail de pauvreté, de frustration et de xénophobie à lapogée de la monarchie élitiste du chah fournissait un terreau à la montée de lintégrisme.
Après avoir terminé ses études secondaires, Ahmadinejad est entré à luniversité Elm-o-Sanaat en 1975 en vue de devenir ingénieur. Très vite le tourbillon de la révolution islamique conduite par layatollah Rouhollah Khomeiny la arraché de sa salle détude pour lamener à la mosquée où il a rejoint une génération dintégristes durs et purs entièrement dévoué à la cause de la révolution islamique à travers le monde.
Les étudiants militants de lUniversité Elm-o-Sanat à lépoque de la révolution iranienne étaient dominés par les intégristes islamiques ultraconservateurs. Ahmadinejad est vite devenu un de leurs dirigeants pour fonder lAssociation des étudiants islamiques dans cette université après la chute du chah.
En 1979, il est devenu le représentant des étudiants de Elm-o-Sanaat au « Bureau de la consolidation de lunité entre les universités et les séminaires théologiques » qui serait plus tard connu sous lappellation de BCU. Le BCU avait été mis en place par feu layatollah Behechti, qui était à lépoque le plus proche confident de Khomeiny et une figure clé de la direction religieuse. Behechti voulait que le BCU organise les étudiants islamistes pour contrer la montée rapide des Moudjahidine du peuple (OMPI) au sein des étudiants du pays.
Le BCU a joué un rôle central dans la prise de lambassade des Etats-Unis à Téhéran en novembre 1979. Les membres du conseil central du BCU, qui comprenaient notamment Ahmadinejad, Ibrahim Asgharzadeh, Mohsen (Mahmoud) Mirdamadi, Mohsen Kadivar, Mohsen Aghajari, et Abbas Abdi, étaient régulièrement reçu par Khomeiny en personne.
Daprès les autres responsables du BCU, quand lidée du raid contre lambassade américaine à Téhéran a été proposée au comité central du BCU par Mirdamadi et Abdi, Ahmadinejad a suggéré de faire aussi un raid sur lambassade de lUnion soviétique en même temps. Dix ans plus tard, la plupart des dirigeant du BCU se sont regroupé autour de Khatami, mais Ahmadinejad est resté loyal aux ultras.
Durant la répression des universités en 1980, que Khomeiny avait baptisé « la révolution culturelle islamique », Ahmadinejad et le BCU ont joué un rôle crucial dans les purges des enseignants et des étudiants dissidents, dont beaucoup ont été arrêtés puis exécutés. Les universités sont restées fermées pendant trois ans et Ahmadinejad a rejoint les gardiens de la révolution.
Au début des années 1980, Ahmadinejad a travaillé dans la « sécurité interne » des gardiens de la révolution en sy taillant une réputation dinterrogateur et de tortionnaire cruel. Daprès le site officiel Baztab, les alliés du président sortant Khatami ont révélé quAhmadinejad a été quelques temps un bourreau de la funeste prisons dEvine, où il a participé aux exécutions de milliers de prisonniers politiques dans les massacres des années 1980.
En 1986, Ahmadinejad est passé officier supérieur de la brigade spéciale des gardiens de la révolution. Il a été affecté à la Garnison Ramazan près de Kermanchah dans louest de lIran. La Garnison Ramazan était le QG des « opérations extraterritoriales » des gardiens de la révolution, un euphémisme pour les attentats terroristes de lIran à létranger.
A Kermanchah, Ahmadinejad a été impliqué dans les opérations terroristes du régime à létranger et a dirigé de nombreuses « opérations extraterritoriales du corps des pasdarans ». Avec la formation de la force délite Qods (Jérusalem), Ahmadinejad est devenu un de ses principaux commandants. Il a été le cerveaux dune série dassassinat au Moyen-Orient et en Europe, notamment celui du dirigeant kurde Abdorahman Ghassemlou, abattu par des officiers supérieur des gardiens de la révolution dans un appartement à Vienne en Autriche en juillet 1989. Ahmadinejad était un des principaux planificateurs de lattaque, selon des sources au sein des gardiens de la révolution.
Ahmadinejad a servi quatre ans comme gouverneur des villes de Makou et de Khoy dans le nord-ouest de lIran. En 1993, il a été nommé par le ministre de la culture et de lorientation islamique, Ali Laridjani, un collègue officier des pasdarans, comme son conseiller culturel. Quelques mois plus tard, il était nommé gouverneur de la nouvelle province dArdebil.
En 1997, le gouvernement fraîchement installé de Khatami a enlevé Ahmadinejad de son poste et il est retourné à luniversité de Elm-o-Sanaat pour enseigner, mais sa principale activité était dorganiser Ansar-e-Hezbollah, une milice islamiste ultra violente.
A son arrivée à la mairie de Téhéran en avril 2003, Ahmadinejad sest attelé à bâtir un réseau puissant dintégristes, Abadgaran-e Iran-e Eslami (littéralement ceux qui développent un Iran islamique). Travaillant étroitement avec les gardiens de la révolution, Abadgaran a réussi à gagner les élections municipales de 2003 et législatives de 2004. Ils doivent autant leur victoire à des taux de participation extrêmement faibles et à la déception général vis-à-vis de la faction modéré du régime, quà leur machine militaire et politique bien huilée.
Abadgaran se décrit comme un groupe de jeunes néo-intégriste islamique qui veut raviver les idéaux et la politique du fondateur de la théocratie, layatollah Khomeiny. Cest un des multiples groupes ultra conservateurs mis sur pied sur ordre de layatollah Khamenei pour battre la faction du président sortant Khatami après les élections législatives de février 2000.
Le bilan dAhmadinejad est typique de celui des hommes choisis par lentourage de Khameneï pour donner un nouveau visage à lidentité ultra de lélite religieuse. Mais derrière la mince façade, très peu doute que la République islamique sous ce nouveau président se radicalisera plus rapidement et avec une plus grande détermination, entraînant davantage de violations des droits de lhomme, un soutien continu au terrorisme et à des efforts redoublés pour produire larme nucléaire.