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Un mystérieux financier iranien se lance à l’assaut de Vivendi

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Le Monde, 20 avril – Par Laurent Mauduit – L’assemblée générale des actionnaires de Vivendi Universal va s’ouvrir, jeudi 20 avril à Paris, sur une énigme : qui est donc Amir Jahanchahi, qui, avec le fonds Sebastian Holdings contrôlé par l’investisseur norvégien Alexander Vik, détient depuis peu 4 % des droits de vote du groupe ? Quelles sont ses intentions : infléchir la stratégie de l’entreprise, pousser à son démembrement ou réaliser une confortable plus-value ? La question intrigue le microcosme du capitalisme parisien.

A cela, il y a une raison : éminemment policé, M. Jahanchahi (45 ans) cultive aussi la manie du secret. Vivant tantôt aux Baléares, tantôt à Paris – toujours dans la même suite d’un grand hôtel près du Rond-Point des Champs-Elysées -, il n’a jamais cherché à se faire connaître. Vieux principe du gotha des affaires : il faut vivre caché.

M. Jahanchahi n’est pourtant pas un raider ordinaire. Descendant d’une grande famille de hauts fonctionnaires iraniens – son père a été ministre des finances du chah, un de ses oncles ministre de l’éducation, un autre gouverneur de la banque centrale -, il a obtenu en France le statut de réfugié politique, au lendemain de la révolution islamique, et mène depuis un combat contre le régime des mollahs. Il a même écrit un livre, dont le titre vaut profession de foi : Vaincre le troisième totalitarisme (éd. Ramsay, 2001). C’est cela sa vraie passion.

Et puis l’investisseur est peut-être moins mystérieux qu’il n’y paraît. Les batailles boursières auxquelles il a participé depuis dix ans attestent, en effet, d’amitiés, en affaires, qui n’ont guère évolué. La première bataille, c’est celle qui a lieu en décembre 1997 autour de Bouygues. A l’époque, l’industriel Vincent Bolloré s’invite au capital du groupe de BTP, dans l’espoir de mettre la main sur sa filiale TF1, mais, son offensive échouant, il doit se retirer un an plus tard, réalisant au passage une plus-value de 1,5 milliard de francs.

PROCHE DE M. BOLLORÉ

Dans les coulisses, l’affaire se révèle pourtant plus complexe, car M. Bolloré n’est pas le seul attaquant. Au même moment, un groupe d’investisseurs conduit par une banque américaine, Donaldson Lufkin & Jenrette (DLJ), prépare aussi une offre publique d’achat (OPA) sur Bouygues.

Or, qui sont ces investisseurs ? D’abord, le patron de DLJ est un banquier belge, Benoît Jamar, qui a créé un an plus tôt, en 1996, une petite structure immatriculée aux Caraïbes, dans les îles Turks et Caicos, et baptisée… Sebastian Holdings ! Et dans cette banque DLJ, qui est en réalité une sous-filiale américaine du groupe Axa, fondé par Claude Bébéar, qui travaille aussi à ce projet ? Guillaume Bébéar, le fils de Claude.

Et qui est l’un des inspirateurs du projet d’OPA, qui se veut amicale ? M. Jahanchahi ! Ayant arrondi sa fortune dans l’immobilier en France et surtout en Espagne, au début des années 1990, il cherche maintenant à l’investir au mieux.

Finalement, l’OPA de DLJ sur Bouygues ne sera pas lancée. Et Claude Bébéar affirmera qu’il était dans l’ignorance du projet de sa filiale… et de son fils. Très lié à l’époque à Claude Bébéar, M. Jahanchahi apprend en tout cas à mieux connaître M. Bolloré, qui fait partie du même réseau patronal, celui d’Entreprises et Cité.

On retrouve donc M. Jahanchahi quelque temps plus tard dans une autre grande affaire, celle qui conduit, au printemps 2002, à la chute de Jean-Marie Messier de la présidence de Vivendi. Une deuxième affaire… qui rassemble les mêmes acteurs : Claude Bébéar, qui est l’instigateur de l’offensive contre  » J2M  » ; M. Bolloré, qui, pendant un temps, rêve de prendre les commandes du groupe ; et aussi M. Jahanchahi, qui pour la première fois sort de sa réserve, en contactant de rares journalistes pour les alerter (par le biais d’un téléphone portable sécurisé) sur l’état calamiteux des comptes du groupe – une lucidité que ne partage pas encore la place de Paris.

Proche, au début, de Claude Bébéar, M. Jahanchahi s’est-il donc depuis rapproché de M. Bolloré ? On retrouve en tout cas quelques-uns des mêmes protagonistes, quand la bataille de Havas s’engage au printemps 2005.

Comment le patron du groupe, Alain de Pouzilhac, a-t-il pu ne pas le pressentir ? On se souvient de sa bévue : voulant repousser le raid de M. Bolloré, M. de Pouzilhac proclame que l’assaut est voué à l’échec car Havas s’est trouvé un allié, en la personne de M. Jahanchahi. L’allié apparaît tellement sûr qu’il est même choisi comme scrutateur pour l’assemblée générale du groupe, le 9 juin. Mais, la veille de l’assemblée, tout bascule : Sebastian Holdings passe un pacte d’actionnaires avec M. Bolloré, qui, du même coup, peut mettre la main sur le groupe.

Alors, dans le cas de la nouvelle bataille qui se profile autour de Vivendi, les mêmes amitiés vont-elles encore jouer ? Dans les milieux financiers, on se garde d’en jurer. Car, si d’aventure un raid devait avoir lieu sur le groupe de communication, ou si celui-ci était pressé de changer de stratégie, avec, à la clef, la cession de SFR, par exemple au britannique Vodafone, on devine que l’autre pépite de l’empire, Canal+, attiserait de nombreuses convoitises. Celles du groupe Lagardère, dont M. Jahanchahi a été, dans le passé, actionnaire. Mais, plus sûrement encore, celles de M. Bolloré, dont une des priorités, depuis son raid raté sur Bouygues, est de mettre la main sur une grande chaîne de télévision, et qui est lié, au sein d’Havas, à Sebastian Holdings par un pacte d’actionnaires.

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