Afrique Asie : décembre 2004 – La France, lAllemagne et la Grande-Bretagne, ont conclu dernièrement un marché surprenant avec le régime des mollahs à Téhéran : en échange dune suspension des activités denrichissement duranium, la troïka promet entre autres avantages de « combattre les activités des Moudjahidin du peuple » (OMPI), qualifié de « groupe terroriste ». La FIDH et la Ligue des droits de lhomme ont exprimé leur stupéfaction face à ce « marchandage inadmissible », qui méprise « tous les principes de droit international ».
Elles ne sont pas les seules à sen émouvoir. Le 10 novembre, des centaines de juristes se sont penchés sur la question, qui fut au centre des débats dune conférence internationale à Paris. LOMPI est-elle une organisation terroriste ?
Pour le professeur Eric David, président du Centre de droit international de luniversité libre de Bruxelles, « le régime iranien, par la politique de répression et de terreur quil fait régner en Iran, a instauré une situation assimilable à un conflit armé ». Il a ajouté quen « résistant à cette politique de violence institutionnalisée, lOMPI sidentifie à une « partie au conflit »; ses actions ne peuvent être assimilées à du terrorisme ».
Lord Slynn of Hadley, ancien juge à la Cour européenne de justice, a rappelé comme Jean-Yves de Cara, de luniversité Paris-V le statut de lOMPI comme « mouvement de résistance ».
Henri Labayle, ancien conseiller à la commission européenne, a contesté la validité de linscription de ce mouvement sur la liste européenne des mouvements terroristes et son applicabilité par le juge.
Le colloque a souligné notamment que linscription de lOMPI sur la liste du terrorisme de lUE, viole la nécessité de justifier les décisions administratives et les principes stipulés dans la déclaration du Conseil de lUE, le droit à la défense et à la présomption dinnocence. Cette inscription ignore de surcroît les faits établissant la nature non terroriste de lOMPI. Les juristes affirment que la reconnaissance par la troïka du maintien de lOMPI sur la liste en échange de la coopération nucléaire de lIran rend lillégalité de cette désignation encore plus claire. Cest pourquoi les participants ont réclamé le retrait du nom de lOMPI des listes noires européenne et américaine.
Dune part accuser de terrorisme les combattants de la liberté en Iran, tourne en dérision la véritable lutte contre le terrorisme. Dautre part, lacceptation par les Européens des termes dictés par les mollahs encourage la théocratie à intensifier la répression et les exécutions en Iran et à renforcer lexportation du terrorisme.
En maintenant la principale opposition iranienne sur la liste noire, lUE agresse le droit du peuple iranien de résister à loppression. Dautant plus que cette opposition représente une chance de transition rassurante pour le peuple iranien par son attachement à la démocratie, au pluralisme et à la séparation de la religion et de lEtat. Face à limpasse dans laquelle ce régime entraîne lIran, la démarche européenne ne fait quencourager loption interventionniste étrangère rejetée par la résistance et le peuple iranien tout entier. Maryam Radjavi, la présidente de la République élue de la résistance iranienne, invitée d’honneur à cette conférence internationale des juristes, a justement rappelé: Quand la logique de la Realpolitik remplace la logique du droit, la justice finit sacrifiée. »
Aladin Touran
Deux livres récents traitent de ce sujet : Moudjahidines du peuple : la résistance aux ayatollahs, par Mehdi Abrichamchi, éd. Picollec (367 p.) et Le Livre blanc pour la réparation ‘une injustice, sous la direction d’Yves Bonnet, éd. l’Harmattan (101 p.).