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Dans les rues en Iran, le rôle du pays dans le conflit provoque mécontentement et anxiété

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The New York Times, Téhéran, 23 juillet – De Michael Slackman – Les gens sont très en colère ici à propos de ce qui se passe au Liban, mais ce n’est pas entièrement à cause des bombes, missiles et artillerie d’Israël.

« Bien sûr que je suis en colère », affirme Akbari, 30 ans, livreur. « Tous nos revenus vont en Palestine et au Hezbollah. »

Depuis des décennies, l’Iran est le premier patron du Hezbollah, a participé à la création de cette milice musulmane chiite puis lui a fourni de l’argent, du savoir-faire et des armes. Mais maintenant que le Hezbollah se retrouve engagé dans un conflit généralisé avec Israël, les dirigeants iraniens maintiennent catégoriquement qu’ils n’ont rien à voir avec les événements qui ont déclenché la crise.

La raison de cette affirmation est en partie que, dans le cas contraire, les Etats-Unis et l’Europe sanctionneraient certainement l’Iran. Mais les hauts responsables iraniens demeurent très prudents vis-à-vis de l’opinion publique. Dans des interviews réalisées samedi dans le centre de Téhéran, les personnes les unes après les autres ont toutes dit la même chose : l’Iran doit se préoccuper des problèmes de l’Iran et ne pas se laisser entraîner dans les batailles des autres.

« Nous, Iraniens, avons un dicton », a déclaré Ali Reza Moradi, 35 ans, portraitiste qui travaille dans une petite baraque en centre ville. « On doit d’abord sauver notre propre maison, puis notre mosquée. Beaucoup de gens pensent de cette façon. Le gouvernement doit d’abord aider son peuple, puis aider le peuple du Liban. »

Avec la chute du gouvernement sunnite en Irak et l’expulsion des Talibans en Afghanistan, l’influence régionale de l’Iran s’étend de plus en plus. Tandis que les capitales arabes sunnites du Caire, Amman, en Jordanie, et Riyad, en Arabie Saoudite, voient leur propre influence politique diminuer dans la région, l’Iran tente de combler ce vide. Le président Mahmoud Ahmadinejad est devenu extrêmement impopulaire parmi un grand nombre d’Arabes pour sa rhétorique sévère contre l’Occident et Israël. Et le rôle de l’Iran en tant que parrain du Hezbollah et du Hamas lui donne une influence sans égal sur les deux groupes radicaux qui mènent la danse dans la région, plus que les gouvernement eux-mêmes.

Mais le tableau en Iran est un peu plus nuancé. Bien que l’Iran détienne une des plus grandes réserves connues en pétrole, il ne peut raffiner suffisamment d’essence pour subvenir à ses propres besoins, c’est pourquoi les prix montent. M. Ahmadinejad a peut-être été élu sur un message économique populiste, mais dans la rue, les gens nous parlent de plus de souffrances, de chômage et de prix plus élevés.

Hamidreza Jalaipour, sociologue et ancien membre du gouvernement, a déclaré que sur ce point, les Iraniens pouvaient tomber d’accord mais qu’ils étaient aussi inconstants.

« Les Iraniens sont très sensibles et veulent que notre argent reste dans le pays et soit dépensé pour résoudre les problèmes des Iraniens », a affirmé M. Jalaipour. « Mais on ne peut pas compter sur ce qu’ils disent parce que leur opinion change rapidement, et si la guerre continue, ils pourraient dire autre chose. »

Néanmoins, la crise du Hezbollah se produit dans un contexte d’anxiété déjà intense. Un grand nombre d’Iraniens étaient déjà préoccupés par la possibilité de sanctions à cause du programme nucléaire de leur gouvernement. Les Iraniens se rassemblent derrière la position fortement décriée par leur gouvernement, selon laquelle l’énergie nucléaire est leur droit inaliénable. Et alors qu’ils auraient été enclins à tolérer une certaine isolation publique pour quelque chose qu’ils considèrent comme leur droit, ils sont beaucoup moins d’accord pour faire bloc en faveur du Liban, ont affirmé samedi un grand nombre de gens.

« Laissons-les se battre jusqu’à ce qu’ils en aient marre », a affirmé Reza Muhammadi, 33 ans, qui gère une petite épicerie en centre-ville. « Les pays arabes ne soutiennent pas le Hezbollah, mais mon pays oui ? Ils donnent ma part aux Arabes. »

M. Muhammadi dit qu’il travaille six jours par semaine de 7 heures à 22 heures pour nourrir sa famille. Ainsi, dit-il, il n’a aucune indulgence pour les engagements financiers de son gouvernement à l’étranger. « Un pourcent de notre budget a été approuvé par mon Parlement pour être destiné à la Palestine », dit-il. « Pourquoi ne devrais-je pas être en colère à ce sujet ? »

Dans une édition récente du quotidien Aftab-e Yazd, un lecteur a écrit : « Les émissions de radio et de télévision diffusent tellement de programmes à propos des pays arabes que je me demande parfois si c’est une télévision iranienne ou une télévision arabe. Une propagande aussi vaste et importante provoque une sorte d’indifférence et même un sentiment négatif à l’égard des nations arabes ».

Bien entendu, de tels sentiments ne sont pas universels. Il y a des gens comme Zahra Etefaghian, 51 ans, gérante d’une petite cafétéria près du musée des arts, qui a déclaré : « Nous devrions vraiment les soutenir et en assumer les conséquences. En ces temps difficiles, nous devons aider les Musulmans. »

Mais l’idée d’une action directe de l’Iran au Liban est officiellement découragée, voire niée. Jeudi, un groupe se faisant appeler le Quartier général pour la gloire des martyrs du mouvement international a annoncé qu’il avait une armée de 55000 hommes prêts à devenir des tueurs kamikazes et qu’il avait déjà envoyé 27 d’entre eux se battre aux côtés du Hezbollah au Liban.

Quelques jours plus tard, Mohammad Hejazi, commandant de la force d’autodéfense connue sous le nom de Bassij, a affirmé que l’annonce du départ de tueurs kamikazes potentiels au Liban « n’avait rien à voir avec les organisations officielles dans le pays ».

Tout le monde ici, semble-t-il, se donne beaucoup de mal pour dire que l’Iran n’a joué aucun rôle dans le déclenchement de cette crise, et pour affirmer que le Hezbollah est trop éloigné et trop indépendant pour être contrôlé par Téhéran.

« Les forces du Hezbollah ont fait un énorme travail et ont bien résisté », a déclaré Ali Akhbar Hasehmi Rafsandjani, ancien président du pays et président actuel du Conseil de discernement des intérêts de l’Etat, dans un discours public. Mais il a jouté : « il est trompeur de dire que l’Iran et la Syrie agissent de la sorte ».

Même une personnalité telle qu’Ali Akbar Mohtashamipour, un des fondateurs du Hezbollah au Liban, a commenté avec précaution le rôle de l’Iran dans le conflit actuel. « L’Iran ne peut pas jouer un rôle aussi crucial en raison de la distance », a-t-il dit au quotidien Etemad Melli récemment. « Par ailleurs, les pays arabes considèrent le problème de la Palestine et du Liban comme un problème arabe », a-t-il ajouté, suggérant que l’Iran, en tant que nation arabe, doit conserver ses distances.

Que l’Iran joue un rôle ou non dans la crise semble hors de propos pour les personnes interrogées samedi .

Ali Muhammadi tient un petit magasin de DVD de la taille d’un mouchoir de poche où il vend des DVD pour 1$ chacun. « Je ne pense pas que ce soit un problème important pour nous », dit-il à propos du conflit au Liban. « Je pense que le gouvernement doit d’abord se préoccuper de son peuple avant tout. »

Nazila Fathi a contribué à la rédaction de cet article.

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