IranIran (actualité)Iran : les pasdarans dans la mire des États-Unis

Iran : les pasdarans dans la mire des États-Unis

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Le Figaro, 16 août – Par Delphine Minoui – En envisageant de placer les gardiens de la révolution (pasdarans) sur la liste des organisations étrangères terroristes, les États-Unis visent un des organes les plus puissants et les plus opaques de la République islamique d’Iran. À Washington, un responsable du gouvernement américain a, hier, indiqué que cette décision permettrait d’entraver les activités économiques et financières des pasdarans, accusés d’aider les groupes rebelles chiites en Irak. Selon le New York Times, le président George W. Bush s’apprête à signer un décret en ce sens. Si cette décision était confirmée, les pasdarans rejoindraient sur la liste noire américaine 42 entités terroristes allant d’al-Qaida au Hamas.

« On ne peut pas nier l’importance du pouvoir des pasdarans, qui s’étend de l’industrie de l’armement jusqu’à des pans entiers de l’économie du pays », remarque le politologue égyptien Mustafa Labbad, spécialiste de l’Iran et rédacteur en chef de la revue Sharghnameh. « Mais si les Américains pensent en finir ainsi avec le programme nucléaire iranien, c’est une erreur stratégique car ce n’est pas ça qui freinera Téhéran dans ses ambitions », ajoute-t-il.

Les pasdarans, qui jouent le rôle d’armée idéologique du régime, ont été créés au lendemain de la révolution islamique de 1979. Ils n’ont cessé, depuis, de renforcer leur pouvoir. À l’époque, l’ayatollah Khomeiny fonda cette puissante force parallèle pour créer un contrepoids à l’armée régulière, soupçonnée de ne pas être acquise à sa cause. Les pasdarans jouèrent un rôle important dans la défense du pays contre Saddam Hussein. En parallèle, la force spéciale Qods, qui leur est liée, se chargea de la formation du Hezbollah au Liban et de la brigade chiite irakienne Badr. Les gardiens de la révolution disposent de leurs propres services de renseignements et supervisent les bassidjis, des miliciens islamiques qui représentent une force de mobilisation rapide en cas de manifestation.

AHMADINEJAD FUT UN GARDIEN DE LA REVOLUTION

En 1988, à la fin de la guerre Iran-Irak, de nombreux pasdarans rejoignirent des secteurs importants de l’industrie. « Aujourd’hui, ils ont la haute main sur la fabrication d’armes et sur le programme de missiles. Ce sont eux, également qui supervisent, en grande partie, le programme nucléaire », indique Mahan Abedin, chercheur au Centre d’étude sur le terrorisme, basé à Londres.

Des cadres du pouvoir sont, également, d’anciens pasdarans, notamment Mahmoud Ahmadinejad, le président ultraconservateur, Ali Laridjani, le négociateur du dossier nucléaire, et plusieurs ministres et députés.

D’après Mahan Abedin, « le projet américain reflète la volonté de certains faucons de Washington de renforcer la pression sur Téhéran, accusé de soutenir des groupes terroristes et de chercher à se doter d’une arme nucléaire ». Ces derniers mois, Washington a multiplié les messages de fermeté à l’égard de l’Iran : appels aux banques européennes à suspendre leurs lettres de crédit en faveur de Téhéran, déploiement de porte-avions dans le golfe Persique et, plus récemment, annonce de ventes d’armes à l’Arabie saoudite. L’initiative américaine viserait également, selon Mustafa Labbad, « à faire plier les autres membres du Conseil de sécurité de l’ONU, qui peinent à se mettre d’accord sur un troisième volet de sanctions ». C’est aussi, selon lui, « un moyen de mettre la pression sur des sociétés européennes qui ont signé des contrats avec les pasdarans ».

D’après de nombreux experts, ce projet est voué à l’échec. « L’Iran, qui se revendique comme une puissance régionale, ne renoncera pas pour autant à son programme nucléaire », prédit Mustafa Labbad. D’après lui, « il n’est pas dit que les États-Unis aient le droit de s’en prendre à une structure qui dépend de l’État iranien. De plus, l’Iran subit déjà un embargo américain, donc cela fait bien longtemps que Téhéran a appris à contourner les pressions internationales ». Selon Mahan Abedin, « la structure des pasdarans fonctionne de façon suffisamment opaque pour pouvoir continuer, d’une façon ou d’une autre, ses activités ».

Pour lui, la décision américaine serait « immature », au moment où l’ambassadeur américain à Bagdad vient d’entamer des discussions avec son homologue iranien sur la question de la sécurité en Irak. « Hassan Kazemi-Qomi, l’ambassadeur d’Iran à Bagdad, est un ancien pasdaran, tout comme une grande partie de son staff. Mettre les gardiens de la révolution sur la liste des organisations terroristes, c’est se priver de la possibilité de prolonger les pourparlers avec Téhéran », note Mahan Abedin.

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