Le Monde, 28 septembre – Par Marie-Claude Decamps – A priori, la visite de Mahmoud Ahmadinejad à New York n’a rien eu d’un succès : lundi 24 septembre, son hôte, le doyen Lee Bollinger, l’a accueilli à l’Université Columbia en le traitant de « petit dictateur cruel et inculte ». Ensuite, les propos du président iranien selon lesquels « il n’y a pas d’homosexuels en Iran » ont suscité rires et huées. Enfin, son discours, le lendemain à l’ONU, annonçant que le dossier nucléaire était « clos », n’a pas soulevé l’enthousiasme.
A Téhéran, ce fiasco new-yorkais s’est pourtant mué en triomphe. La télévision a insisté sur « les foules immenses venues pour le président iranien, star des rencontres de l’ONU », comme l’a dit un commentateur iranien vantant son « l’esprit d’ouverture » face à la « grossièreté ». « En pénétrant avec intrépidité et courage dans la cage du lion, il s’est acquis une plus grande stature de héros encore aux yeux de la rue arabo-musulmane », écrit le quotidien Iran News.
De nombreux journaux, y compris ceux qui critiquent sa mauvaise gestion économique et ses dérives autoritaires, comme Aftab-e Yazd, salue le « sang-froid » de M. Ahmadinejad, « source de fierté pour tous les Iraniens face aux propos honteux du président de l’Université Columbia ». Deux cents députés ont publié un communiqué de soutien et les présidents de six universités ont écrit à M. Bollinger, protestant contre « l’insulte faite à un pays dont la culture et la civilisation ont 7 000 ans ».
« Les Américains ont fait le jeu de M. Ahmadinejad, résume un ex-député réformateur, joint par téléphone à Téhéran. Ici, le réflexe nationaliste fonctionne à plein et les conservateurs ont besoin des situations de confrontation pour maintenir la pression sur le pays. A quelques mois des législatives de 2008, en faisant d’Ahmadinejad la « victime des puissances arrogantes », ils lui ont fait un cadeau royal. »