LHumanité, 26 janvier 2005 – La multiplication des déclarations inquiétantes conforte de fait le régime de Téhéran et sème la consternation dans lopposition iranienne.
La République islamique dIran sera-t-elle la prochaine cible du « combat du bien contre le mal » décrété par le président américain, George W. Bush, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 ? Les envolées lyriques du discours dinvestiture de son second mandat sur la « vocation » des Etats-Unis à « mettre fin à la tyrannie dans le monde » peuvent le faire craindre, surtout si on le rapproche des autres déclarations faites ces derniers jours par les plus proches collaborateurs du président. Ainsi de Condoleezza Rice, ancienne conseillère à la Sécurité nationale, devenue Secrétaire dEtat, qui na pas oublié la stratégie quelle a elle-même défendue et développée il y a deux ans pour assurer la primauté de lAmérique dans le monde : celle du recours à la « guerre préventive ». Or, dans la liste des Etats qui menacent la sécurité des Etats-Unis, elle a mis en bonne place lIran, à qui elle reproche de soutenir le terrorisme et, surtout, de vouloir se doter de larme nucléaire. Des menaces à peine voilées quont encore renforcées les déclarations faites vendredi par le vice-président Dick Cheney, pour qui « lIran est en tête de liste des pays potentiellement dangereux en raison de son programme nucléaire ». Il a ajouté comme « une des éventualités qui inquiètent certains » – sans préciser qui « cest que les Israéliens pourraient bien décider dagir les premiers et de laisser le reste du monde soccuper ensuite de réparer les dégâts ». Ce ne serait pas la première fois quIsraël sen prendrait à lIran : on se souvient que laviation israélienne avait détruit en 1981 la centrale nucléaire iranienne Osiris, et certains militaires israéliens ne cachaient pas, en 2003, quils auraient préféré voir les Etats-Unis sen prendre à lIran plutôt quà lIrak, jugé moins dangereux pour leur sécurité.
Du côté de la « cible » désignée, lIran, les réactions ont été jusquici plutôt sereines. Le ministre de linformation, Ali Younessi, affirme que « les Etats-Unis se livrent à une guerre psychologique et tentent de peser sur les discussions en cours avec lUnion européenne à propos du programme nucléaire iranien ». Il ironise sur les agents américains infiltrés : « Tant mieux sil y en a, a-t-il confié à la presse iranienne. Ce sont des poulets dont nos faucons vont soccuper. » Même réaction chez lambassadeur dIran à Paris, Sadegh Kharazi qui répondait vendredi soir à lHumanité, lors de linauguration dune exposition consacrée à Chiraz, à lhôtel de Ville dAsnières : Ce nest pas la première fois que les Etats-Unis nous menacent. Nous ne prenons pas cela très au sérieux car ils ont déjà assez de difficultés en Irak. Mais nous avons les moyens de nous défendre. Un accrochage ne nous fait pas peur, au contraire ! Ce serait même une bonne chose. Déjà ces menaces ont eu pour effet de ressouder lunité nationale, cela à quelques mois de lélection présidentielle de juin. »
Du côté de lopposition, on se montre au contraire consterné par lattitude des Etats-Unis. « Si les Etats-Unis veulent vraiment renverser le régime des mollahs, ils doivent nous aider à le faire au lieu de nous compliquer la tâche en nous mettant sur la liste des organisations terroristes », s’insurge un représentant du Conseil national de la résistance iranienne, reprenant l’argument développé le 15 décembre au Parlement européen par la présidente du mouvement, Myriam Radjavi. « Entre la complaisance avec le régime des mollahs dont font preuve depuis vingt ans le Européens et leur renversement par une guerre extérieure comme ce qui sest passé en Irak, il existe une troisième voie : le changement par le peuple iranien et sa résistance. »
Il est claire que les menaces américaines et israéliennes ne vont pas dans ce sens. Elles risquent au contraire de conforter un régime qui a échoué à se réformer de lintérieur et à souvrir, et qui pourrait trouver un nouveau souffle dans un réflexe patriotique de ses citoyens.
Françoise Germain-Robin