Le Monde, Paris, 9 février – L’Iran reste le principal obstacle à la réconciliation entre l’Europe et les Etats-Unis, qui semblait en bonne voie après les déclarations de la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, mardi 8 février à Paris. A Bruxelles, Mme Rice s’est montrée critique à l’égard de l’initiative européenne et a soutenu qu’il fallait faire preuve de dureté face à l’Iran, mais que pour l’heure « nous n’avons pas de date limite ».
L’Iran, principal obstacle à la réconciliation Europe-Etats-Unis. Après l’amorce de réconciliation sur l’Irak, la gestion de l’épineux dossier du nucléaire iranien devient, avec l’embargo sur les livraisons d’armes à la Chine, le principal obstacle à l’ouverture du « nouveau chapitre » dans les relations transatlantiques prôné par les Etats-Unis.
Au lendemain de ses déclarations parisiennes conciliantes à l’égard des Européens, la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, a accusé mercredi à mots couverts le trio Allemagne-France-Royaume-Uni de mollesse dans les négociations visant à faire renoncer définitivement Téhéran à se doter de l’arme atomique.
A peine arrivée à Bruxelles pour préparer la visite très attendue du président George W. Bush le 22 février, elle s’est plainte que Berlin, Paris et Londres n’aient pas assez clairement agité la menace de sanctions des Nations unies en cas de tergiversations continues des Iraniens. « Les Iraniens ont besoin d’entendre que s’ils ne veulent pas accepter l’offre que les Européens leur font, [… »> alors, le renvoi devant le Conseil de sécurité poindra », a déclaré Mme Rice à la télévision américaine Fox News.
« PARLER D’UNE VOIX TRÈS FORTE »
« Je ne crois pas que quiconque ait dit cela aussi clairement qu’il aurait dû le faire aux Iraniens », a-t-elle regretté, dans une allusion implicite aux trois interlocuteurs européens de Téhéran. « La communauté internationale doit être sûre de parler d’une voix très forte aux Iraniens sur le fait que la mise au point d’une arme nucléaire sous le couvert d’énergie atomique civile sera inacceptable », a ajouté la nouvelle patronne de la diplomatie américaine.
Les Etats-Unis accusent l’Iran de chercher à acquérir l’arme atomique sous le couvert du développement d’un programme nucléaire civil et les négociations engagées par les Européens avec Téhéran ont été une préoccupation majeure de la première tournée de Mme Rice en Europe et au Proche-Orient. Washington, qui n’a jamais exclu l’option militaire à l’égard de la République islamique, n’a jusqu’ici soutenu que du bout des lèvres la démarche franco-germano-britannique sur ce dossier.
La nouvelle secrétaire d’Etat américaine a renouvelé mercredi la conviction de son pays, depuis le début de la controverse, que l’Iran devait être renvoyé devant le Conseil de sécurité des Nations unies pour violation des normes internationales en matière de non-prolifération.
« Que les Américains aient toujours pensé qu’il fallait aller devant le Conseil de sécurité, ce n’est pas nouveau », a réagi un diplomate européen, relativisant la portée des critiques de Mme Rice.
PAS DE POURPARLERS DIRECTS
La secrétaire d’Etat américaine avait assuré mardi à Paris que les Etats-Unis « appréciaient les efforts faits par l’UE » sur le dossier iranien. Dans le même temps, elle avait rejeté l’idée d’une implication de Washington dans des pourparlers directs avec Téhéran. « Tout le monde sait ce que les Iraniens ont besoin de faire. Ils doivent simplement le faire », avait-elle déclaré à la presse.
Cette déclaration prenait déjà la forme d’un contre-pied au souhait exprimé par le ministre français des affaires étrangères, Michel Barnier, qui avait souligné que les Européens « ont besoin de la confiance et du soutien des Etats-Unis » pour mener à bien leurs négociations avec les Iraniens à Genève.
Les Européens se sont toujours défendus de toute naïveté face à l’Iran et ont d’ailleurs décidé de l’avertir que certaines de ses activités pourraient contrevenir, au moins dans l’esprit, à son engagement de suspendre l’enrichissement de son uranium, selon des diplomates.
Interrogée sur le temps que Washington était disposé à laisser aux Européens pour poursuivre ces négociations, la secrétaire d’Etat a précisé que « nous n’avons pas de date limite ou de calendrier ». Mme Rice, qui s’exprimait lors d’une conférence de presse au siège de l’Otan, à l’issue d’une rencontre avec ses homologues de l’Alliance, a ajouté que Washington était « en consultation étroite avec les Européens sur la manière dont les négociations se déroulent, si des progrès sont effectués ».
« Je pense qu’une solution diplomatique est à notre portée », a-t-elle ajouté, en rappelant cependant que le président George W. Bush « ne retirait jamais aucune option de la table ».
Divergences américano-européennes sur l’Iran
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