AFP: Par Laurent MAILLARD – Le président Mahmoud Ahmadinejad a repris toutes ses activités lundi après dix jours d’une crise politique à l’issue incertaine, qui l’a opposé aux ultra-conservateurs du régime abrités derrière le Guide suprême Ali Khamenei.
Le président, qui s’était retiré de toute activité publique depuis le 22 avril, a marqué son retour par une allégeance appuyée à l’ayatollah Ali Khamenei lors d’un conseil des ministres dimanche soir.
Le retrait de M. Ahmadinejad, jamais officiellement annoncé ni expliqué, était intervenu après que le Guide eut mis son veto au limogeage du ministre du Renseignement Heydar Moslehi.
M. Moslehi, considéré comme proche de l’ayatollah Khamenei et du courant ultra-conservateur qui invoque de plus en plus fréquemment le Guide pour s’opposer au gouvernement, avait auparavant lui-même limogé l’un de ses vice-ministres proche de la présidence.
Ces événements ont déclenché une violente campagne des ultra-conservateurs, qui ont sommé M. Ahmadinejad d’obéir aux décisions du Guide en acceptant le maintien de M. Moslehi, et de se séparer de son principal conseiller, Rahim Esfandiar Machaie, accusé de diriger une faction « déviationniste » visant à détruire le régime islamique.
Les deux camps ont lié la crise au contrôle du ministère du Renseignement, dans la perspective des législatives de 2012 lors desquelles les partisans du président ont annoncé vouloir présenter leurs propres candidats contre les conservateurs traditionalistes dominant le Parlement actuel.
L’ayatollah Khamenei a fini par intervenir en demandant samedi de mettre fin à une crise « qui fait le jeu des ennemis ».
M. Ahmadinejad a répondu dimanche en protestant de son obéissance au Guide, et en affirmant que, contrairement à ce qu’insinuaient ses adversaires ultra-conservateurs, il avait « toujours été sur le chemin du velayat-e faqih ».
Ce principe de « gouvernement du jurisconsulte » religieux, au coeur des institutions de la République islamique, instaure la prééminence de la religion sur la politique, et donc celle du Guide dans les affaires de l’Etat selon la lecture faite par les religieux conservateurs au pouvoir.
Refusant de polémiquer, M. Ahmadinejad a affirmé préférer « garder dans son coeur les raisons » de son geste, inédit dans les annales de la République islamique. « Nous ne permettrons jamais aux ennemis de tirer profit des problèmes intérieurs », a-t-il souligné.
Mais au delà de sa fidélité répétée à l’ayatollah Khamenei, il a plaidé pour « un président fort » constituant selon lui un « bouclier » pour le régime, en défendant « la grandeur du Guide, du pays, de la nation ».
Et il a lancé un avertissement voilé à ses adversaires conservateurs qui lui reprochent une dérive autoritaire et nationaliste au détriment des valeurs religieuses incarnées par le Guide: « Ceux qui ne peuvent pas reprocher ouvertement au gouvernement sa puissance dans la gestion des affaires du pays ont imaginé un nouveau jeu, mais ils ont fait une erreur ».
M. Moslehi n’a pas participé au conseil de ministre dimanche soir, officiellement retenu par un déplacement en province.
M. Machaie, bête noire des ultra-conservateurs qui lui reprochent son influence libérale et nationaliste sur M. Ahmadinejad, était en revanche présent, assis à la droite du président.
Lundi, la presse iranienne se gardait de tout commentaire sur l’issue de cette crise, qu’elle a presque totalement passée sous silence depuis le début. Les journaux conservateurs insistaient dans leurs titres sur l’allégeance de M. Ahmadinejad au Guide, tandis que les titres proches du gouvernement étalaient en une les photos montrant M. Machaie aux côtés du président.