IranIran (actualité)Le Printemps arabe et l’influence de l’Iran

Le Printemps arabe et l’influence de l’Iran

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par K.Weinstein

Le bulletin d’Amérique, 2 aout – La République islamique tente de profiter des révolutions arabes pour asseoir son influence. Aux dépens des peuples qui se révoltent.

Par Kenneth R. Weinstein* — Le Printemps arabe apparaît comme la revendication des peuples à la Liberté. Cependant, alors que l’OTAN piétine en Libye et que les Etats-Unis déçoivent par leur retrait, certaines puissances régionales moins bien intentionnées tentent d’étendre leur influence. La République islamique, depuis plusieurs années, n’hésite pas à agir à l’étranger et à l’encontre des intérêts occidentaux – en Irak, notamment. Désormais, sans craindre de mener une politique contradictoire, Téhéran a multiplié des initiatives discrètes mais pour le moins inquiétantes dans l’ensemble du Moyen-Orient.

Des Gardiens de la Révolution en Libye

Le Monde nous apprenait ainsi, il y a quelques semaines, que le Guide suprême iranien, Ali Khamenei, avait donné instruction à Al Qods – l’unité d’élite des Gardiens de la Révolution – d’apporter une assistance militaire au pouvoir de Khadafi. Depuis, une centaine de soldats se seraient introduits en Libye, afin d’y transférer des armes lourdes. Le chef des renseignements militaires iraniens, Hosain Taeb, aurait également dépêché à Tripoli une petite équipe d’officiers supérieurs des Gardiens de la Révolution afin de conseiller le régime libyen en matière de surveillance des communications et de renseignement. Les Iraniens auraient par ailleurs conseillé le pouvoir de Khadafi dans sa tactique de dissimulation de matériel militaire et de combattants en zones habitées, afin de rendre les bombardements plus risqués pour les forces de l’OTAN.

Pourtant, la République islamique n’entretenait qu’une relation glaciale avec Kadhafi depuis les années 70 et l’enlèvement en Libye de Moussa Al-Sadr, un chef religieux chiite libanais, imputé à celui-ci.

Mais l’occasion était sans doute trop belle pour que la République islamique se résigne à l’isolationnisme. Pour Téhéran, la fin semble justifier tous les moyens : un enlisement des troupes de l’OTAN en Lybie détournerait l’attention des Occidentaux des avancées nucléaires iraniennes – qui, selon certains services de renseignements, pourraient aboutir au nucléaire militaire d’ici deux ans.

La crainte d’une dynamique des révolutions

Il s’agit en définitive, pour les autorités iraniennes, de freiner le Printemps arabe et d’éviter tout nouveau précédent, c’est-à-dire une nouvelle victoire des soulèvements populaires, qui enverrait un puissant message d’espoir à leurs propres opposants en Iran – les militants de la « Révolution verte ». Joshua Muravchik écrivait ainsi il y a quelques mois pour le World Affairs Journal:

« Ces régimes reposent toujours sur un calcul de la peur – même si certains peuvent être populaires au début. Les individus qui ploient sous une règle autocratique ont peu envie de risquer leur mort ou la  douleur pour une cause désespérée. Ils sont plus susceptibles de prendre des risques s’ils croient que leur cause triomphera.»
C’est cette idée maitresse qui semble inciter le régime iranien à agir dans d’autres pays, notamment en maintenant la minorité Alaouite (chiite) au pouvoir en Syrie, partenaire historique et crucial de l’Iran au Moyen-Orient.

Du matériel de répression policière et des techniques de censure d’internet auraient ainsi été fournies aux forces de Bachar el-Assad. Le Général Aviv Kochavi, chef des renseignements militaires israéliens, a ainsi affirmé en juillet dernier que l’Iran et le Hezbollah apportaient une aide logistique et stratégique au régime Syrien pour écraser ses opposants. En effet, l’un comme l’autre craignent la perte d’un allié stratégique indispensable dans la région.

Influence en Egypte et au Bahreïn

Israël n’échappe pas aux actions iraniennes. A la frontière libanaise, le régime de Téhéran encourage certaines opérations de déstabilisation de l’ordre public de l’Etat hébreu – par exemple en planifiant les traversées sauvages de la frontière nord d’Israël au cours des journées de la Nakba et de la Naksa en mai et juin dernier.

Mais, plus encore, c’est le processus électoral égyptien que l’Iran tente d’influencer, naturellement en faveur des Frères Musulmans[1]. L’Iran soutiendrait ainsi l’appel à la convocation immédiate d’élections nationales formulée par le parti d’opposition le mieux organisé du pays. Or, la communauté international cherche à reporter ces élections pour laisser le temps aux partis modérés de s’organiser afin qu’une véritable diversité politique puisse apparaitre en Egypte et qu’une réelle liberté électorale puisse être enfin exercée.

Au Bahreïn, les opposants chiites ont été accusés en juillet de s’être retirés des négociations avec le parlement, suivant les ordres de Téhéran. Les opposants démentent cette accusation, justifiant leur retrait des négociations en indiquant l’absence des hauts cadres du régime sunnite lors des pourparlers, en particulier les membres de la famille royale. Cependant, indéniablement, le régime iranien, qui a depuis longtemps  fait savoir sa volonté de voir l’état du Bahreïn devenir sa nouvelle province, fait tout ce qu’il peut pour compromettre un quelconque accord avec la minorité Sunnite.

Ainsi, l’Iran entend bien profiter de ce Printemps Arabe pour assoir son influence au Moyen Orient. Plusieurs pistes pourraient être envisagées afin d’y répondre.

Dénoncer l’action du régime de Téhéran

L’objectif premier, véritablement décisif, est de mettre un terme à l’enlisement militaire, grâce un redoublement de l’effort de guerre, afin de renverser Kadhafi.

Mais l’action militaire devrait en outre être appuyée par des opérations de contre-propagande visant à informer la population libyenne de la responsabilité de l’Iran dans la répression menée par Khadafi et son rôle dans la stratégie de “boucliers humains”.

En Lybie comme en Syrie, de telles campagnes d’information populaire, visant à mettre en évidence la responsabilité de l’Iran dans les opérations de répression, permettraient de briser les liens que ces Etats pourraient entretenir à l’avenir avec le régime de Téhéran. Il s’agit là de prévenir l’émergence de collaboration, si la République Islamique se montre généreuse avec les nouvelles démocraties. Une population consciente du rôle de celle-ci dans ses souffrances passées ne saurait tolérer de telles alliances.

A plus long terme, offrir aux futurs régimes réformés du Moyen Orient un maximum d’opportunités économiques, ainsi qu’une assistance durable dans l’établissement et le maintien de nouvelles structures politiques s’avéreraient nécessaires. Cela permettrait, comme le soulignaient Kaye et Wehrey de la Rand Corporation, de saper l’influence du régime de Téhéran dans la région. En effet, ces auteurs soutiennent qu’une politique d’endiguement – analogue à celle menée lors de la Guerre Froide – devrait inclure davantage que des actions menées contre son adversaire : elle doit aussi créer un modèle politique qui soit à la fois alternatif et viable.

______________

*Kenneth R. Weinstein est Président et CEO de l’Hudson Institute. Ses articles ont été publiés dans de nombreuses revues: The New Republic, The Wall Street Journal ou encore Le Figaro ou le Bungei-Shunju (Japon). Francophile, il est Chevalier dans l’ordre des arts et des lettres. Il a été élève d’Allan Bloom à l’Université de Chicago, étudiant à Sciences Po’ (DEA d’études soviétiques) puis diplômé d’un PhD à Harvard, réalisé sur Pierre Bayle, un philosophe français du XVIIème siècle. Il tient un blog, Vue de Washington, pour Le Monde.fr.

http://lebulletindamerique.com/2011/08/02/le-printemps-arabe-et-linfluence-de-liran-par-k-weinstein/

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