Le Monde, Genève, 26 mai – Lors d’une réunion, mercredi 25 mai à Genève, avec les représentants iraniens, les ministres des affaires étrangères allemand, britannique et français ont, pour le moment, désamorcé la crise sur le dossier nucléaire.
Depuis un mois, le ton était monté, les Iraniens menaçant de reprendre des activités d’enrichissement de l’uranium qu’ils avaient suspendues en vertu d’un accord conclu le 15 novembre 2004 à Paris. Les Européens, qui réclament l’arrêt définitif de ces activités sensibles, menaçaient pour leur part de saisir le Conseil de sécurité de l’ONU, ce qui signifie s’engager dans un processus de sanctions. Toutefois, avant d’arriver à Genève, les deux parties avaient décidé de « laisser les menaces à la porte de la réunion » .
Après trois heures de négociations, un accord a été trouvé. L’Union européenne (UE) fera d’ici le mois d’août des « propositions concrètes » de coopération à Téhéran, qui de son côté maintiendra le gel de toute activité de conversion de l’uranium. Cet accord provisoire est intervenu à la veille de la réunion du conseil général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui devait débattre, jeudi, de l’entrée de l’Iran dans cette organisation. Un haut responsable américain a fait savoir, mercredi à Washington, que son pays ne s’opposerait pas à l’adhésion de l’Iran.
A l’issue de la réunion de Genève, le chef de la délégation iranienne, Hassan Rohani, a confirmé l’engagement pris par les Européens de présenter des « propositions détaillées » pour un accord final. « C’est important pour nous car depuis le début, l’un de nos principaux motifs de préoccupation a été que les négociations se prolongent de manière excessive, s’est réjoui M. Rohani. En principe nous devrions poursuivre la suspension de l’enrichissement d’uranium. Nous pensons que nous devrions parvenir à un accord raisonnable dans un laps de temps relativement court » , a-t-il précisé en ajoutant qu’il devait soumettre aux autorités de Téhéran le résultat des discussions de Genève.
Les deux parties parlent de succès. Les Iraniens ont obtenu ce dont ils avaient le plus besoin : gagner du temps, au moins jusqu’après l’élection présidentielle du 17 juin. Ils ont, d’autre part, obtenu, à plus long terme, des propositions concrètes de coopération « difficiles à refuser » . « Nous voulions que les Européens s’engagent sur une date pour nous faire des propositions et c’est ce qu’ils ont fait, explique une source iranienne. Ce qui est encore plus important, c’est qu’ils ont fait de vraies propositions, assez sérieuses et détaillées pour que M. Rohani dise que la décision est devenue extrêmement difficile pour l’Iran » , dit-il.
Selon le ministre français, Michel Barnier, les futures propositions européennes « concernent notamment la mise en place en Iran d’un programme nucléaire, à fins exclusivement civiles » . En échange de la transparence sur le dossier nucléaire, et pour montrer que la sécurité de l’Iran « ne passe pas forcément par la bombe atomique » , les Européens devraient aussi proposer un mécanisme de sécurité.
« RELATIONS PRIVILÉGIÉES »
« Nous avons montré que l’Europe est capable de gérer une crise internationale avec des méthodes qui ne sont pas celles des Américains, estime un diplomate européen. Notre message à Téhéran était que l’insertion dans la communauté internationale passe par des relations privilégiées avec l’Europe et, au-delà, avec les Américains » .
Les Occidentaux espèrent que le prochain président iranien sera en mesure de conclure un accord définitif. Akbar Hachémi Rafsandjani, président de 1989 à 1997, auquel on donne à nouveau les meilleures chances à l’élection présidentielle, a estimé, jeudi, dans un entretien avec la télévision allemande ZDF, qu’un tel accord « est possible » . « Les négociations doivent être menées sur la base de la confiance. Nous devons convaincre les Européens que notre technologie nucléaire n’est utilisée qu’à des buts pacifiques » , a insisté l’ancien président iranien.