The Sunday Telegraph, 20 février – De Colin Freeman et Philip Sherwell à Washington – Les dirigeants extrémistes religieux dIran ont émis une nouvelle fatwa (ou décret religieux) sans précédent, autorisant le recours aux armes atomiques contre les ennemis.
Montrant une fois de plus le durcissement de la détermination de Téhéran au sujet de la question nucléaire, les influents religieux musulmans ont pour la première fois remis en question la position traditionnelle de la théocratie dont la loi de la Sharia interdit lusage des armes nucléaires.
Un mollah hautement placé a déclaré quil était « tout simplement naturel » de détenir des bombes nucléaires comme « contre-mesure » vis-à-vis des autres puissances nucléaires, probablement en référence à lAmérique et à Israël.
Cette déclaration est particulièrement inquiétante dans le sens où elle est prononcée par Mohsen Gharavian, disciple de lultraconservateur ayatollah Mohammad Taghi Mesbah-Yazdi, généralement considéré comme lecclésiastique le plus proche du nouveau président dIran, Mahmoud Ahmadinejad.
Surnommé « Professeur Crocodile » en raison de son conservatisme rigoureux, le groupe de layatollah Mesbah Yazdi est opposé à pratiquement tout rapprochement avec lOccident quelle quen soit la nature et aurait influencé le refus du président Ahmadinejad de négocier au sujet du programme nucléaire de lIran.
Ces commentaires, qui constituent la première déclaration publique de la cabale cléricale de Yazdi au sujet du nucléaire, pourraient signifier que les extrémistes religieux du pays commencent à préparer une justification théologique à la possession, et si nécessaire lusage, de bombes atomiques.
Ces propos sont parus dans Rooz, journal en ligne dirigé par les membres du mouvement réformiste fracturé dIran, qui les a obtenus auprès de lagence de presse IraNews qui a cité Mohsen Gharavian.
Rooz a rapporté que Mohsen Gharavian, enseignant dans une école religieuse dans la ville sainte de Qom, avait déclaré : « Pour la première fois, lutilisation darmes nucléaires ne constituera pas de problème en vertu de la Sharia ».
Il a également déclaré : « Alors que le monde entier est armé de bombes nucléaires, il est permis dutiliser ces armes comme contre-mesure. Selon la Sharia également, seul lobjectif importe ».
Mohsen Gharavian na pas précisé quels types d « objectifs » justifieraient une frappe nucléaire, mais on pense que toute intervention militaire des États-Unis serait considérée comme une raison suffisante. Layatollah Mesbah Yazdi a donné auparavant une justification de lusage de tueurs kamikazes contre les « ennemis de lIslam » et pense que lAmérique est résolue à détruire la République Islamique et ses valeurs. Ce dernier aperçu des opinions de la théocratie intervient au moment où les USA signalent un changement de stratégie vis-à-vis de lIran, après la décision plus tôt ce mois-ci de renvoyer le pays devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies en raison de la reprise de ses recherches nucléaires interdites.
Tandis que Washington a bien fait comprendre quune frappe militaire contre les sites nucléaires de lIran serait le « dernier recours », les hauts responsables à la Maison Blanche ont également pour objectif un changement provenant de lintérieur du pays, en finançant les groupes dopposition iraniens.
La secrétaire dÉtat, Condoleezza Rice, a déclaré que ladministration Bush demanderait 75 millions de dollars en plus au Congrès pour aider à soutenir le mouvement pro démocratie fracturé en Iran ainsi que des émissions par satellite en langue farsie.
Cette déclaration est lannonce publique évidente que Washington a adopté une approche à deux volets avec lIran, combinant la recherche diplomatique dune condamnation internationale unie de son programme nucléaire illicite à une campagne visant à saper le statut du régime.
Cette nouvelle tactique consiste à préconiser un changement de régime par des moyens pacifiques, bien que cette expression ne soit pas encore formulée en tant que politique officielle des États-Unis. Washington a lespoir quune chaîne satellite diffusée en Iran encouragera les dissidents nationaux, tels que les chauffeurs de bus grévistes actuellement, dont la manifestation est la plus importante de la part de lopposition organisée depuis celles des étudiants en 1999 et 2003.
Mme Rice a dévoilé ce changement de tactique une semaine après la visite à Washington dune délégation dofficiels britanniques qui a vivement recommandé une politique occidentale coordonnée en utilisant la télévision satellite et Internet pour encourager lopposition interne. Le département dÉtat était précédemment hésitant à adopter cette stratégie à deux volets.
Comme la rapporté le Sunday Telegraph la semaine dernière, les stratégistes du Pentagone mettent à jour des plans pour une politique de « dernier ressort » : le bombardement des sites nucléaires iraniens afin dessayer dempêcher le régime de se procurer la bombe atomique.
La grève des bus, pendant laquelle près de 1000 conducteurs ont été emprisonnés, a été déclenchée à lorigine par un conflit social au sujet de salaires impayés. Mais la vigueur de la réponse de lÉtat montre la nervosité du régime dAhmadinejad à légard de la dissidence interne.
On dit en Iran que Massoud Osanlou, leader du syndicat des chauffeurs de bus, a été arrêté à son domicile par des membres du Bassij, milice en faveur du régime, qui lui aurait coupé une partie de la langue en guise davertissement pour son silence.
Mais le conflit risque déjà de décevoir la classe ouvrière, parmi eux les travailleurs municipaux, qui avait donné son soutien à Ahmadinejad et qui avait voté en sa faveur en raison de sa promesse daméliorer le sort des pauvres en Iran.