IranNucléaireIran : « Une coalition économique de volontaires »

Iran : « Une coalition économique de volontaires »

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The Wall Street Journal, 26 septembre – de Ilan Berman commentaire -Il est parfaitement évident dans la crise nucléaire iranienne que désormais la balle est dans le camp de Washington.

Le 31 août est arrivé puis est parti, et avec lui l’ultimatum international pour que Téhéran stoppe l’enrichissement d’uranium. Les ayatollahs d’Iran, cependant, n’ont montré aucun signe d’affaiblissement de leurs ambitions nucléaires. « La nation iranienne n’acceptera à aucun moment l’intimidation, l’invasion et la violation de ses droits », a déclaré le président radical iranien, Mahmoud Ahmadinejad, sur un ton de défi devant ses partisans. En réponse, l’administration Bush a signalé son engagement à chercher des mesures punitives contre la République islamique. En pratique, toutefois, Washington n’a pas encore sérieusement pris en compte la dimension économique de la crise actuelle, ni exploré les leviers financiers par lesquels l’Iran peut être combattu.

Ceci représente une omission sérieuse, parce que l’économie de l’Iran est profondément susceptible à la pression étrangère sur au moins trois fronts. Tout ce dont nous avons besoin, c’est la volonté politique adéquate pour exploiter ces faiblesses.

Le premier point faible de l’Iran est sa dépendance à l’investissement étranger. Aujourd’hui, bien qu’étant une superpuissance authentique grâce à l’énergie, produisant près de 3,9 millions de barils de pétrole par jour, la République islamique a pourtant besoin d’une participation internationale soutenue. Des études indiquent que le régime de Téhéran a actuellement besoin d’1 milliard de dollars par an pour maintenir son niveau actuel de production de pétrole, et d’1,5 milliard de dollars pour l’augmenter. Sans cela, l’Iran pourrait rapidement devenir un importateur d’énergie. Ce qui est certain, c’est que cette somme est dérisoire comparée aux dizaines de milliards de dollars que l’Iran a récoltés ces dernières années, grâce au prix élevé du pétrole dans le monde (pas moins de 50 milliards de dollars en mars 2006). Mais, en perturbant le flot d’investissements étrangers en Iran, les USA et leurs alliés peuvent forcer le régime à puiser dans ses réserves en devise forte, réduisant les ressources qu’il a à sa disposition pour faire avancer son programme nucléaire, ou pour financer l’intégrisme dans la région.

La seconde faiblesse de l’Iran provient de sa hiérarchie économique centralisée. Malgré son intérêt de pure forme pour les réformes fiscales et la prospérité populaire, la vaste majorité des richesses du régime est détenue par un très petit nombre de personnes. La famille étendue de l’ancien président iranien Ali Akbar Hashemi Rafsandjani, qui contrôle pratiquement toutes les mines de cuivre en Iran, le commerce lucratif de pistaches du régime et un certain nombre d’affaires industrielles et d’import-export rentables, n’est qu’un exemple parmi d’autres. Les très nombreux fonds caritatifs de la République islamique, connus sous le nom de Bonyads et qui contrôlent plus de 30% du PIB (et pas moins de deux tiers du PIB non pétrolier du pays) constituent un autre groupe d’acteurs économiques clés. En empêchant leur accès aux marchés mondiaux et en restreignant leur capacité à s’engager dans le commerce, la communauté internationale peut instantanément capturer l’attention de ces dirigeants.

De loin, le plus grand défaut de la cuirasse de l’Iran, est sa dépendance à l’essence venant de l’étranger. Aujourd’hui, l’économie socialiste archaïque de l’Iran (où un gallon d’essence se vend toujours à 40 cents), est devenue le talon d’Achille principal du pays. L’Iran consomme actuellement plus de 64,5 millions de litres d’essence par jour, 40% provenant de sources étrangères (parmi elles l’Inde, la France, la Turquie et les Etats du Golfe). Cette habitude est coûteuse ; l’Iran va dépenser plus de 3 milliards de dollars (et peut-être même 8 milliards de dollars) dans l’importation d’essence cette année seulement. Et avec une réserve nationale de seulement 45 jours disponible, l’approvisionnement soutenu venant de l’étranger est vital au fonctionnement du régime. Tout ceci suggère qu’un embargo étendu sur l’essence contre la République islamique pourrait rapidement bouleverser le secteur industriel iranien et, potentiellement, galvaniser les troubles sociaux dans les rues iraniennes par la même occasion.

Mais l’Occident semble peu enclin à mettre en œuvre de telles mesures. Déjà, l’Iran a commencé à appliquer de sérieuses contre-mesures économiques, transférant ses actifs financiers en Europe vers la Chine et vers l’Asie du sud-est et entamant une privatisation à grande échelle de ses fonds gouvernementaux. Plus significatif encore, le régime iranien a récemment approuvé un nouveau budget fiscal qui prévoit la halte des importations d’essence et l’institution d’un rationnement de l’essence à compter de cet automne. L’objectif de tous ces efforts est on ne peut plus clair : limiter toute influence économique extérieure potentielle.

Malheureusement, la diplomatie internationale a fait jusqu’à maintenant le jeu de l’Iran. Dans le meilleur des cas, une action sérieuse du Conseil de Sécurité de l’ONU va prendre des semaines, voire des mois, à prendre forme, donnant aux ayatollahs le temps précieux pour avancer à grands pas dans leur programme nucléaire. De plus, si et lorsqu’elles vont finalement émerger, les sanctions de l’ONU seront catégoriquement limitées dans leur portée, afin de ne pas offenser deux des principaux partenaires stratégiques de l’Iran, la Russie et la Chine. Ainsi, elles ont peu de chances de beaucoup offenser les ayatollahs d’Iran par là même.

En s’accrochant à cette politique défectueuse, l’administration Bush court au désastre. Au lieu de se reposer sur les Nations Unies, la Maison Blanche doit penser à former une autre sorte de groupe : une « coalition [économique »> de volontaires » capable de mettre en application les leviers financiers spécifiques qui ont le plus de chances de modifier le comportement de l’Iran, et le faire sans plus attendre.

L’enjeu ne peut être plus important. Si les Etats-Unis et ses alliés internationaux manquent de se servir rapidement de leur influence économique actuelle pour faire entrave aux ambitions nucléaires de l’Iran, ils n’auront bientôt plus que deux choix : accepter l’émergence d’un Iran atomique ou l’usage de la force militaire pour empêcher ceci de se produire.

M. Berman est vice-président chargé de la politique à l’American Foreign Policy Council et auteur de « Tehran Rising: Iran’s Challenge to the United States » (Rowman & Littlefield, 2005).

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