AFP, Washington, 31 janvier – La stratégie américaine de pressions financières sur l’Iran pour faire plier Téhéran sur le dossier nucléaire révèle des divergences avec les Européens, notamment sur les aspects légaux des mesures prises à l’encontre de sociétés iraniennes.
Européens et Américains sont d’accord pour appliquer pleinement les sanctions de l’ONU contre les programmes nucléaire et balistique iraniens, mais les Etats-Unis voudraient aller plus loin et forcer les établissements financiers mondiaux à rompre tout lien avec l’Iran.
Le sous-secrétaire au Trésor chargé de la lutte contre le terrorisme et du renseignement financier, Stuart Levey, a effectué plusieurs visites en Europe ces derniers mois pour tenter de convaincre les grandes entreprises et les banques européennes de cesser d’investir en Iran.
Les Européens laissent faire, mais ne sont pas prêts à interdire à leurs banques tout lien avec l’Iran. Ils estiment que ce serait outrepasser l’esprit de la résolution 1737 du Conseil de sécurité de l’ONU adoptée en décembre pour sanctionner le refus de l’Iran de suspendre ses activités d’enrichissement d’uranium, selon plusieurs sources européennes interrogées par l’AFP.
« Nous allons faire le maximum pour que tout le monde respecte la résolution », indiquait récemment un haut responsable européen sous le couvert de l’anonymat. « Nous n’irons pas au-delà au niveau étatique ».
Certains responsables américains ont laissé poindre leur agacement mardi.
« Nous disons aux Européens qu’ils doivent en faire beaucoup plus que ce qu’ils font pour augmenter la pression sur l’Iran », a indiqué un haut responsable américain, cité par le New York Times dans un article intitulé « l’Europe résiste aux Etats-Unis sur la réduction des liens avec l’Iran ».
« La réponse européenne sur le volet économique est très faible », a ajouté ce responsable ayant requis l’anonymat.
Ce point de vue ne semble cependant pas refléter la position de l’ensemble de l’administration américaine, le porte-parole du département d’Etat, Sean McCormack, s’étant montré beaucoup plus conciliant à l’égard des Européens.
« Les soucis que les Européens expriment sont liés à leurs exigences légales », a-t-il déclaré mardi à la presse. « Je ne suis pas sûr que j’appellerais cela une résistance à discuter ou à coopérer sur ces mesures ».
Les ministres des Affaires étrangères de l’Union Européenne ont décidé la semaine dernière de « mettre en oeuvre dans leur intégralité et sans délai » les sanctions de l’ONU.
Une nouvelle réunion est prévue à la mi-février pour aboutir à un réglement communautaire, la procédure nécessaire pour rendre ces mesures obligatoire au niveau européen.
La résolution 1737 prévoit de suspendre toutes les exportations de matériels et technologies liés aux activités nucléaires et balistiques, ainsi que le gel des avoirs et la restriction des voyages à l’étranger de personnes physiques et morales iraniennes impliquées dans ces programmes.
Le Trésor américain a mis au ban début janvier la banque iranienne publique Sepah et interdit toute transaction entre des entités américaines et cet établissement, accusé de soutenir des achats militaires liés au programme nucléaire iranien.
En septembre, c’est la banque Saderat, accusée de soutenir des activités terroristes, notamment le Hezbollah, qui avait été interdite au système financier américain.
Or ces banques ne figurent pas sur la liste des organisations et des personnes visées par la résolution 1737. Pour justifier légalement cette mesure, le Trésor a d’ailleurs invoqué un décret présidentiel promulgué par le président George W. Bush en 2005 dans le cadre de la lutte anti-prolifération.