Le Monde, 15 avril – La présidence américaine a démenti, lundi 14 avril, l’existence de « pourparlers secrets » avec l’Iran sur son programme nucléaire militaire. Dans son édition dominicale, The Independant avait évoqué des « rencontres », menées par l’ex-numéro trois du département américain sous le président de Bill Clinton, Thomas Pickering. Celui-ci indiquait au quotidien britannique avoir, comme ses homologues iraniens, tenu les autorités régulièrement informées de ces contacts, que le président George Bush n’a « pas découragés ». Ces rencontres « purement privées », a rétorqué la Maison Blanche, n’avaient « aucun statut officiel » et « n’étaient pas un moyen de passer des messages ».
Ces entretiens avaient été rendus publics il y a près d’un mois. Dans la New York Review of Books du 20 mars, M. Pickering, le physicien nucléaire Jim Walsh et William Luers, président de l’UNA-USA (Association américaine pour les Nations unies), présentaient dans un article une proposition « pour sortir de l’impasse nucléaire américano-iranienne » qu’ils disaient issue de « rencontres tenues depuis cinq ans [entre »> d’anciens diplomates et experts américains [dont eux-mêmes »> et un groupe d’universitaires et de conseillers politiques iraniens ». Constatant que « le temps ne joue pas en faveur des Etats-Unis », ils proposaient que Washington offre à Téhéran de continuer à enrichir son uranium, mais « dans un programme multilatéral » dirigé par un consortium international. L’Iran devrait s’engager à signer le protocole additionnel du traité de non-prolifération nucléaire, cesser lui-même tout enrichissement d’uranium ou régénération de plutonium ainsi que toute recherche sans l’accord du consortium, et ne posséder que des centrales à eau légère (qui utilisent un uranium moins enrichi que les autres). Admettant « les risques potentiels » de leur proposition, les trois hommes concluaient que, du point de vue « coût-bénéfice », l’alternative est « pire » : le refus de négocier n’empêche pas l’Iran de poursuivre l’enrichissement de son uranium et il trouve des « contre-feux » aux sanctions.
CONSÉQUENCES DÉSASTREUSES
Selon Robert Malley, chargé du dossier Proche-Orient au groupe de réflexion International Crisis Group (que M. Pickering copréside), ce contact n’était qu’un « parmi les divers canaux » actifs à Washington sur le dossier iranien. Son existence était « connue des experts » et il ne constituait qu’une « piste deux » (« track two » en langage diplomatique, c’est-à-dire informelle, par opposition aux contacts secrets « piste un » ou « un et demi » officiels ou semi-officiels). Dès lors, pourquoi ce « canal » devient-il une « affaire » longtemps après avoir été rendu public sans démenti ?
Depuis le discours de M. Bush, le 10 avril, où il a déclaré que les Etats-Unis « agiront » si Téhéran poursuit son attitude hostile en Irak, Washington bruisse d’échos sur une reprise de l’affrontement, à la Maison Blanche, entre le « clan » du vice-président Dick Cheney, qui serait partisan de mener une attaque contre les sites nucléaires iraniens, et ses opposants, emmenés par le secrétaire à la défense, Robert Gates, et la secrétaire d’Etat, Condoleezza Rice. Un diplomate américain en poste à Bagdad estime cependant que « presque plus personne n’envisage sérieusement d’attaquer l’Iran ». Selon lui, l’ambassadeur américain en Irak, Ryan Crocker, et le général David Petraeus, chef des forces de la coalition, y sont également opposés. Ils estimeraient que, plus encore qu’un retrait militaire américain précipité, une action militaire contre Téhéran aurait des conséquences désastreuses en Irak.