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Les négociations entre les Européens et l’Iran sur le nucléaire se crispent

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Le Monde, 4 mai – En ouvrant, lundi 2 mai, la conférence de New York sur le réexamen du traité de non-prolifération nucléaire (TNP), Kofi Annan a mis les 189 nations signataires du TNP face à leurs responsabilités « La vérité est que l’actuel régime -de non-prolifération- n’a pas suivi le rythme de la technologie et de la globalisation, a déclaré le secrétaire général des Nations unies, et de nombreux événements ces dernières années le menacent d’obsolescence » , a-t-il poursuivi dans une allusion aux programmes nucléaires de deux pays signataires, l’Iran et la Corée du Nord (qui n’est pas représentée à New York).

Enjoignant les Etats membres à « mettre de côté la rhétorique et la politique » , M. Annan a estimé que la communauté internationale devait agir pour restaurer le TNP, avant que « le fossé entre promesse et performance devienne trop large » . Pour le secrétaire général de l’ONU, il est urgent de « renforcer la crédibilité du traité, en particulier face au premier retrait annoncé par un Etat -la Corée du Nord- » . Le TNP ne sera pas crédible « si davantage d’Etats développent les phases les plus sensibles du cycle de combustible nucléaire et se dotent de la technologie de produire une arme en peu de temps » , a encore souligné M. Annan.

ÉTAPE PRÉALABLE

Le propos semble parfaitement adapté à la situation de l’Iran, dont le principal négociateur sur le dossier nucléaire, Hassan Rohani, a annoncé, samedi 30 avril, l’intention de Téhéran de reprendre, dans les prochains jours, des activités nucléaires au « centre de conversion » de l’uranium d’Ispahan.

La « conversion » est une étape préalable à l’enrichissement : elle vise à transformer du minerai d’uranium en hexafluorure d’uranium, lequel est ensuite introduit à l’état gazeux dans des centrifugeuses. Faiblement enrichi, l’uranium sert de combustible pour des activités nucléaires civiles, alors que fortement enrichi, il permet de produire la matière fissile nécessaire à la fabrication d’une bombe.

Il est probable que les Européens considéreraient la simple reprise de la conversion comme une remise en question de l’accord de Paris, par lequel l’Iran a accepté, en novembre 2004, de suspendre ses activités d’enrichissement, et d’ouvrir des négociations avec les pays de la troïka européenne (Allemagne, France, Royaume-Uni).

Telle est la position de Joschka Fischer, ministre allemand des affaires étrangères, qui a déclaré, lundi, que la reprise des activités nucléaires de l’Iran « conduirait à l’arrêt des discussions » avec les Européens.

Le fait de hausser le ton avant une échéance diplomatique sur le dossier nucléaire est une tactique dont les Iraniens sont coutumiers. La menace de M. Rohani fait suite au comité de pilotage des négociations entre la troïka européenne et l’Iran, qui s’est réuni, vendredi 29 avril, à Londres, sans résultat notable autre que les « quelques progrès » dont M. Rohani a fait état, un constat qui a pour but de justifier la poursuite des discussions.

Les Iraniens sont cependant mécontents de la lenteur de ce processus. Ils réclament l’autorisation de reprendre rapidement un programme d’enrichissement limité, avec une unité pilote. Pratiquement, il s’agirait de reprendre l’utilisation expérimentale de 3 000 centrifugeuses dans l’usine de Natanz.

ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

Soucieux de ne pas provoquer une rupture, les Européens ont réclamé un délai pour faire examiner ces propositions par leurs experts. Les Iraniens soupçonnent la troïka européenne de vouloir gagner du temps, ce qui n’est pas faux.

Les Européens veulent que le processus de négociations reste sur les rails au moins jusqu’à l’élection présidentielle iranienne du 17 juin, tablant sur une possible victoire de l’ancien président Hashémi Rafsandjani, réputé plus conciliant sur le dossier nucléaire. Un tel calcul est jugé hasardeux par certains spécialistes de l’Iran : l’élection de M. Rafsandjani n’est pas acquise et rien n’annonce l’émergence d’un courant politique iranien enclin à abandonner définitivement la capacité d’enrichissement de l’uranium.

« Nous ne renoncerons jamais à cette capacité, c’est une question de fierté et de souveraineté nationale. Aucun parti, aucune personnalité iranienne ne pourrait renoncer au droit à l’enrichissement. En Iran, beaucoup de gens estiment que notre pays serait finalement dans une meilleure position si nous étions en dehors du TNP » , souligne un diplomate iranien.

Dans cette négociation, les Iraniens estiment avoir marqué des points en ayant obtenu la levée de l’opposition américaine à la candidature de l’Iran à l’OMC (Organisation mondiale du commerce), et à l’éventuel achat d’Airbus (dont certaines pièces des moteurs sont fabriquées par General Electric) par Téhéran. Mais ils ne veulent pas pour autant abandonner leur « droit » à l’enrichissement. Les négociateurs iraniens font le calcul qu’en reprenant des activités nucléaires sur le seul site d’Ispahan, ils montreront leur détermination sans risquer de faire capoter les négociations.

Ce pari est aléatoire et, de toute façon, les Etats-Unis n’accepteront pas que l’Iran conserve la moindre capacité d’enrichissement. Un compromis euro-iranien semble donc de plus en plus incertain. En cas de rupture, l’étape suivante serait celle du Conseil de sécurité de l’ONU.

A ce stade, les autorités iraniennes font preuve d’assurance, confiantes dans le fait que la Russie et la Chine ne s’associeraient pas à une demande américaine de sanctions, soutenue ou non par les Européens.

Laurent Zecchini

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