MultimediaLa crise au Moyen-Orient : le rôle de l'Iran

La crise au Moyen-Orient : le rôle de l’Iran

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La crise au Moyen-Orient : le rôle de l'Iran

L’aggravation de la crise au Moyen-Orient et la montée de l’intégrisme islamique est sans doute l’un des défis les plus difficiles dans le domaine de la politique extérieure auquel l’Europe doit faire face. Cette crise pose également un double problème interne majeur à l’Europe : la propagation de l’extrémisme et la question de jeunes européens qui rejoignent les rangs des groupes tels que l’organisation de l’Etat islamique (Daech) ainsi que le flux de réfugiés vers l’Europe en raison de la poursuite de la crise dans la région.

Au cœur du débat actuel sur la stratégie à adopter et l’action à entreprendre pour trouver une sortie de crise, une question essentielle est posée, à savoir le rôle de l’Iran et si l’Occident doit s’associer avec Téhéran dans la lutte contre Daech, dans le but de trouver une solution en Syrie ou encore de mettre fin à la crise en Irak.

Nous avons interrogé l’ancien diplomate Nader Nouri, secrétaire général de la FEMO (Fondations d’Etudes pour le Moyen-Orient) sur ces questions. @FondationFemo

– L’Occident a-t-il des valeurs ou des intérêts communs avec l’Iran pour l’associer au  traitement de la crise dans la région?

Contrairement aux apparences, l’Occident n’a ni des valeurs convergentes avec l’Iran des mollahs, ni ne partage, dans la région, les mêmes intérêts que son régime. Cette illusion des choses est dictée par la précipitation suscitée par l’urgence et la gravité de la situation. C’est précisément dans ces moments sensibles qu’il faut éviter des simplifications erronées qui peuvent être dangereuses. Le régime iranien cherche à étendre dans toute la région son hégémonie et sa propre version de l’intégrisme islamiste. Il ne veut pas voir des valeurs comme la laïcité, la démocratie ou les libertés individuelles, s’y enraciner et se propager. Il s’agit d’un ensemble de valeurs que l’Etat islamique installé en Iran considère depuis toujours comme une menace à sa survie.

Plus important encore, l’Iran est la source d’instabilité dans la région depuis l’installation de la « République islamique » par Khomeiny, il y a plus de trois décennies. Il n’existe aucun exemple où il s’est mis du bon côté, celui du droit et de la stabilité. Dans la crise syrienne, il soutient Bachar Assad, au Liban, le Hezbollah, au Yémen, les milices houthis qui se sont rebellés contre un gouvernement légal. Sur le conflit israélo-palestinien, le régime de Téhéran a toujours été hostile à la solution de deux Etats et s’est opposé à l’Autorité palestinienne (de Mahmoud Abbas) tout en soutenant les groupes les plus extrémistes en fournissant argent et armes y compris des missiles.

Par conséquent, non seulement les valeurs sont divergentes; les intérêts sont encore plus éloignés les uns des autres. Rien ne peut  marier ces deux ensembles différents de valeurs et d’intérêts. 

Certains avancent pourtant que la région est déjà très instable. L’Iran est le seul pays relativement stable prêt à se battre contre Daech.

Il ne faut pas prendre ses rêves pour des réalités. Cet argument est sans fondement réel. Qualifier ce régime de stable équivaut à marcher inconscient sur un véritable marécage. Le régime est gangréné de l’intérieur par la corruption. L’infrastructure économique de l’Iran est dévorée par des années d’absence de politique digne de ce nom. Le mécontentement populaire a atteint des proportions inédites. La jeune génération veut le changement. Le régime se sent tellement mal et tellement menacé qu’il a peur de sa propre population. Il a peur de l’Internet. Il n’a jamais eu aussi peur de son opposition. La stabilité et le calme apparent du régime est à comparer avec celui du régime du Chah en 1978. Lors de sa visite en Iran en janvier 1978, le président américain Jimmy Carter avait décrit l’Iran du Chah comme d’un «îlot de stabilité » au milieu d’une mer agitée au Moyen-Orient. Un an plus tard, le shah fut contraint de fuir le pays et son régime fut renversé. 

Indépendamment de la situation des droits humains ou d’autres divergences, le monde ne doit-il pas s’engager avec l’Iran dans ce combat ? N’est-il pas vrai qu’aujourd’hui, Daech et l’extrémisme sunnite constituent le vrai danger?

Sur le fond, il n’y a aucune différence entre les extrémismes sunnite et chiite. L’ultime objectif de ces deux intégrismes est d’établir un califat islamiste sur Terre et de faire respecter les lois de la charia par la violence. L’un comme l’autre ne reconnait pas de frontières. L’agressivité et la violence sont deux caractéristiques communes aux extrémistes sunnites et chiites. La recherche d’éléments modérés dans les deux cas n’est que pure illusion. Mais l’extrémisme chiite est aujourd’hui plus dangereux parce qu’il est soutenu par un Etat en bonne et due forme.
Bien avant l’émergence de Daech, les mollahs iraniens ont innovés les prises d’otages et les fatwas de mort pour blasphème dans les relations internationales. Ils ont introduits les exécutions publiques, la lapidation, l’amputation, les flagellations en public dans le code pénal officiel de l’Iran. Le prosélytisme des mollahs iraniens à coup de terrorisme dans le monde musulmans, est devenu une référence et une source d’inspiration pour les extrémiste de tout bord ; chiites comme sunnites. Sans un régime fondamentaliste à la tête d’un Etat aussi structuré que l’Iran, le monde n’aurait jamais dû en arriver là dans cette région du monde. L’agressivité du ce régime n’a pas seulement inspiré mais a également provoqué les extrémistes rivaux auprès des sunnites. S’allier à Téhéran ne va que renforcer l’adversaire et entrainer davantage de confessionnalisation du conflit. Le résultat sera contreproductif. Tant que ce régime continue à sévir, il demeure une menace bien plus dangereuse pour la paix et la stabilité dans la région.

L’Occident peut-il, malgré tout, faire confiance à l’Iran et coopérer avec ses dirigeants?

Non, aucunement. L’Europe a fait confiance au régime lors des négociations nucléaires de 2003 à 2005 et considérait que l’Iran avait véritablement arrêté son programme d’armes nucléaires. Des années plus tard, Hassan Rohani, l’actuel président qui dirigeait à l’époque l’équipe des négociateurs du régime sur le nucléaire, se vantait d’avoir dupé ses interlocuteurs européens et obtenu la poursuite du programme nucléaire. Après l’invasion de l’Irak en 2003, l’administration américaine a estimé qu’elle pouvait cohabiter avec le régime de Téhéran en Irak. Mais ce dernier s’est progressivement infiltré dans tous les appareils de la sécurité de l’Irak, mis en place ses propres groupes paramilitaires, soutenu divers groupes terroristes et fomenté la guerre sectaire dans ce pays.

De plus, Khamenei, le Guide suprême, a affirmé récemment dans une déclaration publique que l’accord nucléaire ne signifiait pas un changement de sa politique régionale. Il a martelé que l’Iran continuerait à soutenir ses alliés dans la région. Rohani est allé encore plus loin en lançant que son gouvernement ne s’estimait pas tenu  par la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies concernant l’embargo sur l’armement : “nous allons acheter des armes là où nous voulons et vendre à quiconque nous souhaitons”. 

La politique agressive de Téhéran en Syrie, au Yémen, en Irak ou à Bahreïn est en partie due à sa position idéologique dont la quintessence est de répandre sa domination sur le monde musulman. Mais plus grave encore, cette politique est un pilier de sa survie. Voyons le résultat :
En Irak, l’ancien premier ministre Nouri al-Maliki a adopté, sous l’impulsion de l’Iran, une approche sectaire contre les Kurdes et les sunnites, ce qui a totalement aliéné les sunnites ouvrant ainsi la voie à la montée de Daech. Aujourd’hui, la Force Qods organise, finance et assure la formation et la conduite des milices chiites en Irak qui commettent les pires crimes  semblables à ceux de Daech. Partout où ils ont la possibilité, ils procèdent au nettoyage ethnique des populations sunnites, ce qui ne fait qu’aggraver la crise en fournissant un terrain fertile à Daech qui pourra ainsi recruter plus de gens. Téhéran tente actuellement par tous les moyens d’empêcher le premier minister irakien actuel, Heidar Abadi, de mettre en oeuvre son plan de réforme étatique. 

En Syrie, sans l’implication directe du régime iranien et de sa Force Qods, Bachar Assad aurait été incapable de réprimer l’opposition modérée, permettant l’émergence des forces extrémistes comme Daech. Toutes les factions du régime, y compris Hassan Rohani et son ministre des Affaires étrangères, Javad Zarif, ont publiquement exprimé leur soutien sans réserve à Assad. Par conséquent, ce serait une erreur stratégique relevant d’une naïveté dangereuse que de se résoudre à tolérer l’ingérence du régime en Irak selon la fausse idée qu’il combattrait Daech ou encore moins l’associer aux efforts pour trouver une solution à la crise syrienne.

Alors, quelle doit-être la solution?

Le premier pas vers une solution est de reconnaître la réalité, aussi dure qu’elle soit : le régime de Téhéran est le cœur du problème et non la solution.
La deuxième étape consiste à réaliser que ce régime est aujourd’hui plus vulnérable et fragile que jamais, d’où son besoin désespéré de chercher une meilleure relation avec l’Occident. Il faudrait en profiter pour tenir un langage ferme et exiger l’arrêt des activités de déstabilisations que mène ce régime dans la région.  La question de négociations sur le programme nucléaire a montré que ce régime est vulnérable face à une pression extérieure sérieuse.

Il faut également rappeler sans cesse aux dirigeants de Téhéran que leur bilan du respect des droits humains est inacceptable.
Sur un plan plus global, la lutte contre  les soit disant Etats  islamiques de Daech ou du Guide suprême iranien, le monde doit soutenir les musulmans démocrates et une autre vision de l’islam. La population iranienne avec sa riche culture est viscéralement opposée au sectarisme des mollahs. L’existence d’une opposition structurée qui s’appuie sur un islam démocratique et tolérant incarné par l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI) dont le programme politique déclaré inclut la séparation de la religion et de l’État, l’égalité des sexes, la tolérance religieuse, la coexistence pacifique entre les pays de la région et un Iran non-nucléaire est une opportunité qu’il ne faut pas laisser de côté .

L’Europe et l’Occident en général ne peut pas et ne veut pas se lancer dans un combat contre les musulmans. Il devrait choisir donc ces alliés non parmi les extrémiste mais aux côtés des vrais démocrates dans le monde musulman. La pièce manquante de la politique Occidentale dans la gestion de la crise moyen-orientale est l’absence d’une attention sérieuse accordée au désir de changement du peuple plurimillénaire iranien et la prise en compte de sa résistance.

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