Boris Mabillard
Iran vendredi 3 février 2012 – Les Moudjahidin du peuple refusent d’être déportés de leur camp d’Achraf vers celui de Liberty, au nord de Bagdad, qui, selon eux, tient plus d’une prison que d’un lieu d’asile
Déception pour les résidents du camp d’Achraf en Irak: l’heureuse solution a fait long feu. Le camp Liberty où 400 des 3400 Moudjahidin du peuple d’Achraf ont accepté d’être relogés au nord de Bagdad ne correspond pas, selon eux, à ce qui leur a été promis en décembre: surface plus petite, un mur d’enceinte de 3,60 mètres de haut, interdiction de sortir, visites restreintes sinon prohibées, conditions précaires. «Les Achrafiens sont des réfugiés qui ont accepté d’être relogés, mais on les traite comme des prisonniers qu’on veut déporter. C’est inacceptable!» explique Behzad Naziri du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI).
Après avoir menacé d’évacuer par la force au 31 janvier le camp d’Achraf, les autorités irakiennes ont accepté fin décembre la proposition de l’ONU. Un soulagement pour les Moudjahidin qui redoutaient que leur expulsion forcée d’Achraf ne soit l’occasion de violences programmées ou, pire, d’un massacre.
Accord non respecté
Selon les termes de l’accord agréé par toutes les parties, un premier contingent de Moudjahidin devait se rendre au camp Liberty, une sorte de test avant que le reste des habitants d’Achraf les rejoignent. Ainsi en janvier, les Irakiens ont été invités à réhabiliter l’ancienne base américaine Liberty pour qu’elle puisse accueillir ses nouveaux occupants dans de bonnes conditions, conformément à ce qui avait été prévu dans l’accord.
Selon une déclaration, mardi, du chef de la Mission d’assistance des Nations unies en Irak, Martin Kobler, Liberty est prêt désormais pour accueillir ses premiers résidents. Ce que contestent les Moudjahidin pour qui l’accord n’a pas été respecté. Selon eux, le camp n’a pas d’eau potable, il est insalubre et des dizaines de fois plus petit que ce qui avait été convenu. De plus, l’accès aux soins médicaux et aux visites ne leur est pas garanti, et ils ne pourraient pas emporter avec eux l’ensemble de leurs biens personnels et mobiliers. Enfin, ils ne pourront pas bénéficier de la permanence onusienne sur le site qu’on leur avait promise afin que leur sécurité soit garantie. Avec son mur d’enceinte infranchissable, Liberty ressemble à une prison.
Le Comité d’Achraf tentera ce vendredi d’interpeller Martin Kobler de passage à Genève pour s’entretenir avec les responsables de plusieurs agences onusiennes. Une manifestation est organisée cet après-midi à 13 heures place des Nations. Pour l’avocat genevois Nils de Dardel, Bagdad influencé par Téhéran veut saboter la recherche d’une solution humanitaire: «[Le premier ministre] Nouri al-Maliki menaçait de mort immédiate les Achrafiens avec Liberty, où les conditions devraient être épouvantables, celles d’un ghetto. On leur propose une mort lente, mais certaine.»