OpinionAnalyseBruits de bottes autour d'Achraf

Bruits de bottes autour d’Achraf

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  Par Jean Levert

A Achraf, le camp des réfugiés iraniens en Irak, la menace du démantèlement  par la force au 31 décembre vire à la torture psychologique et le pire est à craindre
 
C’est un véritable ultimatum de la part des autorités irakiennes : le 31 décembre, le camp d’Achraf – à 80 km de Bagdad en Irak – sera démantelé ! Et ce ne sont pas les promesses faites, la reconnaissance internationale embarrassée et les demandes de report de cette date butoir qui y changeront quelque chose en l‘état actuel.

Depuis près de trente ans, le camp abrite des réfugiés iraniens chassés par le régime théocratique de Téhéran, essentiellement des Moudjahidine du Peuple, principale force d’opposition au pouvoir des mollahs. La sécurité des habitants d’Achraf a basculé lorsque les forces américaines ont remis leurs pouvoirs sur le camp à l’Irak en 2009.

La menace est aujourd’hui très grande car à deux reprises récentes, des attaques des forces irakiennes ont provoqué la mort de dizaines de personnes tandis que des centaines d’autres ont été blessées.

PROVOCATIONS ET AGRESSIONS A REPETITION
 
Actuellement, c’est un vrai blocus qui est établi autour d’Achraf en attendant le 31 décembre avec toutes les pressions possibles. Ainsi, la semaine dernière, les Iraniens de la force Qods ont découpé la clôture pour pénétrer dans le camp mais les habitants ont neutralisé leur action. Puis, avec l’aide des Irakiens qui veulent incontestablement donner des gages au régime de Téhéran, des agents iraniens s’en sont pris à la centrale électrique tandis que depuis des mois, tout est fait pour empêcher les entrées de carburant pour l’alimenter. Des câbles de communication ont aussi été coupés tandis qu’une section du génie irakien a assis plusieurs positions autour du camp…

Selon certaines sources, le gouvernement irakien aurait aussi l’intention de faire intervenir un bataillon de l’armée irakienne qui a déjà joué un rôle majeur dans les deux massacres de juillet 2009 et avril 2011. Ce sont autant de signes alarmants qui laissent à penser que c’est un autre massacre qui se prépare à Achraf, le champ étant laissé quasiment libre à la force iranienne Qods qui interviendrait dans quelques jours.

PRESSIONS INTERNATIONALES INEFFICACES SUR L’IRAK

Sur la scène internationale, les Etats-Unis – dont les forces viennent de se retirer d’Irak – sont conscients de la menace et des milliers d’émigrés iraniens ont manifesté devant la Maison Blanche à l’occasion de la venue à Washington du Premier ministre irakien, al-Maliki, ces jours derniers.

De leur côté, l’Union européenne, l’ONU et le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) des Nations unies veulent empêcher le démantèlement et le déplacement forcé de la population pour que le HCR fasse son travail en vue d’un transfert des habitants d’Achraf vers d’autres pays, en particulier vers l’UE. Mais pour le moment, les pressions exercées sur le gouvernement irakien ne sont pas suffisant, al-Maliki restant sourd aux demandes internationales.

Les résidents quant à eux, continuent de demander l’annulation de l’ultimatum et veulent, au-delà de la cessation du blocus du camp, que le HCR puisse faire son travail d’inscription et d’entretiens auprès des habitants d’Achraf.

Les opposants iraniens et leur représentant à l’étranger ont toutefois annoncé mardi être prêts à se déplacer sous conditions au camp Liberty de Bagdad, en attendant un éventuel transfert vers des pays tiers.
Le camp Liberty, dans la banlieue ouest de Bagdad, a été un des principaux camps de garnison des forces américaines en Irak.

Dans une lettre adressée à Barack Obama et à Ban Ki-moon, la présidence du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI), Maryam Radjavi réclame « au minimum » une « surveillance permanente et indépendante des Etats-Unis et de l’ONU au camp Liberty », un « transfert des habitants d’Achraf au camp Liberty avec leurs véhicules et leurs biens meubles sous le contrôle de l’ONU, des USA et de l’UE » et l’absence des forces irakiennes à l’intérieur du nouveau camp et enfin, la fin du blocus et de toute persécution et de tout harcèlement des habitants.

Des négociations sont en cours entre l’ONU, les Etats-Unis et l’Irak pour trouver une solution pacifique à la crise.

Shahin Ghobadi, un porte parole du CNRI a assuré que l’ONU a pris l’engagement ferme de ne signer aucun accord sans l’aval des habitants d’Achraf et de leurs représentants à Paris.

Le camp d’Achraf, au nord de Bagdad, abrite quelque 3.300 réfugiés iraniens hostiles au régime de Téhéran. Il est contrôlé par l’Organisation des Moudjahidine du peuple iranien (OMPI), principale composante du CNRI.

Les Moudjahidine du peuple se sont installés en Irak en 1986 à l’époque de l’ancien régime irakien pour mener des actions armées contre l’Iran.

Après la chute de Saddam Hussein en 2003, ils ont été désarmés par les forces américaines, qui ont assuré la sécurité du camp avant de la transférer en 2009 aux forces irakiennes, dont les responsables entretiennent de très bonnes relations avec Téhéran.

 

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