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Achraf est un foyer qui rayonne les valeurs démocratiques – Jean Ziegler

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« S’il y a quelque part un foyer, même réduit, qui rayonne les valeurs démocratiques, de la liberté, de la solidarité internationale, c’est intolérable pour chaque tyrannie, même la plus puissante, puisque c’est ce foyer-là qui détruit en permanence la légitimité du régime tyrannique », a déclaré Jean Ziegler le 11 aout à Genève.

Le vice-président Comité consultatif du Conseil des Droits de l’Homme s’exprimait dans une conférence de juristes et défenseurs des droits de l’homme à l’ONU, en présence de Maryam Radjavi, présidente élue de la résistance iranienne. Intitulée « le droit à la paix et le devoir de protéger », la conférence a souligné que 22 consultations juridiques montraient que le droit international, le droit humanitaire international et de multiples conventions internationales se prononçaient en faveur des Achrafiens. De même le soutien de la majorité des élus de 30 parlements et du Congrès américain, et de nombreux responsables et leaders politiques irakiens, demandant à résoudre de manière humaine et urgente la crise d’Achraf, apportent une véritable assistance à l’ONU dans ce domaine.

Voici les temps forts de l’intervention de Jean Ziegler :

Madame la Présidente du CNRI, Madame Radjavi, chers collègues, mesdames et messieurs, en tant que citoyen de cette République de Genève, je suis très honoré et je pense que la population genevoise est très honorée de la présence de Mme Radjavi. Elle nous rend visite et aussi elle l’a fait sur la place publique et pas seulement au Palais des Nations ou à l’Intercontinental, mais elle était sur la place publique au contact avec la population genevoise. Nous sommes extrêmement honorés de sa présence.

Plus personnellement encore, j’ai été ému par le fait qu’il y a deux jours, à Coppet, lieu même où mon ami Kazem Radjavi a été assassiné en avril, il y a 21 ans, Mme Radjavi, malgré son horaire chargé, son programme extraordinairement lourd, a pris le temps de se rendre sur ce lieu tragique où Kazem Radjavi a été assassiné par les tueurs de Téhéran. Kazem Radjavi – je le dis en deux mots pour ceux qui sont là et qui ne sont pas familiers avec l’histoire de la résistance démocratique iranienne – était professeur à l’Université de Genève, un des grands universitaires genevois, il était même membre du Parti socialiste genevois et surtout il était le délégué des Moudjahidine à la Commission des droits de l’homme qui a précédé le Conseil des droits de l’homme. Il a mené, au péril de sa vie – c’est le cas de le dire –, il a payé de sa vie son engagement infatigable. J’ai assisté vraiment de très près à son combat pour les Droits de l’Homme ici, dans ce Palais.
Nous étions, Madame, plusieurs à être très émus que vous ayez pris le temps de vous déplacer dans le Canton de Vaud, dans ce petit village, pour rendre hommage à cet homme totalement inoubliable qu’était Kazem Radjavi.

Maintenant, sur le fond, il y a un paradoxe tout à fait incroyable : les seuls qui ont compris l’importance d’Achraf, ce sont les mollahs. Ce sont les mollahs ! Les Nations Unies, le Conseil des Droits de l’Homme, Mme Pillay, etc., non, mais ce sont les mollahs et cela pour une raison très précise : il y a 3 400 personnes à Achraf, les mollahs écrasent de leur terreur d’état 83 millions d’Iraniens. Alors comment ce camp d’Achraf et ces 3 400 personnes peuvent-ils provoquer une telle hystérie meurtrière de la part des mollahs ? Parce que les mollahs annoncent leur crime, c’est cela qui est extraordinaire, ils annoncent leur crime – enfin c’est Maliki, leur agent à Bagdad – et ils disent : « Nous allons, avant la fin de l’année, nous allons en terminer avec Achraf ».

Il y a eu les deux premières attaques : 37 morts et plus de 200 blessés. Maintenant, le crime à nouveau est annoncé. Et il y a cette extraordinaire léthargie, extraordinaire léthargie que Mme Radjavi, grâce à sa visite ici, a réussi à briser un tout petit peu auprès des hauts fonctionnaires des Nations Unies, mais je ne leur fait pas tellement confiance.

 

C’est cela qui est extraordinaire. Il faut donc s’interroger : pourquoi Achraf met-il en transe ce régime puissant, ce régime terroriste qui tue dans le monde entier, ce régime qui est le 8ème producteur de pétrole du monde ? Pourquoi ? La réponse est celle-ci et c’est Che Guevara qui l’a formulée, dans le journal de Bolivie, dans le journal de guérilla de Bolivie, à savoir la théorie du faucon, la théorie du foyer. S’il y a quelque part un foyer, même réduit numérique, démographiquement, territorialement, un foyer qui rayonne les valeurs démocratiques, qui rayonne les valeurs de la liberté, qui rayonne les valeurs de la solidarité internationale, c’est intolérable pour chaque tyrannie, même la plus puissante, il est intolérable que ce foyer existe quelque part dans le monde puisque c’est ce foyer-là qui détruit en permanence la légitimité du régime tyrannique.

Les mollahs ont bien compris le danger que représente Achraf. Vous me faites l’amitié de m’envoyer tout le temps les publications du CNRI, publications qui sont très bien faites. J’ai lu avec horreur que plusieurs fois les mollahs ont pendu un père ou une mère qui ont rendu visite à leur enfant à Achraf, tout simplement. Le simple contact avec Achraf remet en question l’immense édifice terroriste des mollahs.

Les Nations Unies n’ont rien compris. Les mollahs, eux, si.  Nous sommes là pour mobiliser cette solidarité internationale et institutionnelle qui manque. Je vais le dire très vite, la situation normative du droit international est absolument claire : l’article 2 de la Charte des Nations Unies, puis l’organisation est fondée sur le principe de l’égalité souveraine des membres, donc respect absolu de la nationalité des membres, sauf dans un cas précis, à savoir lorsque la responsabilité de protéger. Il y a deux résolutions du Conseil de sécurité que vous connaissez par cœur, les résolutions 96 et 98.

La deuxième dit : « Quand une population souffre gravement des conséquences d’une guerre civile, d’une insurrection exercée par l’Etat ou de l’échec de ses politiques, et lorsque l’Etat en question n’est pas disposé ou apte à mettre un terme à ses souffrances ou à les éviter, la responsabilité internationale de protéger prend le pas sur le principe de la non-intervention ». Au niveau du droit international, normativement, il y a une clarté absolue. Achraf, c’est le cas où la responsabilité de protéger est engagée. Je sais que quelques auteurs disent : « Mais enfin, ce sont des résolutions du Conseil de sécurité ». Il est appuyé par notre Comité et par le Conseil des Droits de l’homme que les résolutions du Conseil de sécurité créent du droit international. Donc, au niveau du droit international, la responsabilité de protéger incombe à la Communauté internationale, ici représentée par les Nations Unies.

Nous sommes ici pour assurer qu’Achraf vive et continue de rayonner, pas à vivre dans la clandestinité, mais continue à rayonner, à témoigner. Ce témoignage est encore beaucoup plus important qu’il y a une année à cause des révolutions arables. Pourquoi ? Parce que vous avez là des résistants musulmans, des musulmans, non pas de paroles, mais simplement des hommes et des femmes de foi, profonde qui, au prix de leur vie, incarnent nos valeurs. Enfin, nos valeurs… J’ai même honte de dire que je suis européen quand je vois ce qui se passe à Bruxelles ou ailleurs. Ils incarnent les valeurs universelles de la démocratie, de la liberté et de l’auto-détermination.

Si Achraf devait ne pas vivre, par exemple, pour la révolution arable, pour les révolutionnaires arabes qui cherchent des références, qui cherchent des directives, qui cherchent des exemples – je le dis car je reviens d’une mission pour le Conseil en Afrique du Nord –,  il est tout à fait évident que de l’Egypte aux montagnes de Nafous en Lybie de l’Est et en Tunisie, tous les jeunes recherchent des références et des exemples à suivre. Je n’ose pas utiliser le terme de « guide » car vous êtes trop modeste pour revendiquer ce titre, mais c’est quand même cela : vous incarnez ce qu’ils recherchent.

Pour conclure, pour qu’Achraf vive, ce qui est de notre responsabilité de citoyen, deux choses doivent être obtenues immédiatement, c’est, d’une part, la présence physique des Nations Unies dans le camp et sur le territoire d’Achraf, c’est-à-dire pas des visites épisodiques de l’UNAMI comme c’était le cas jusqu’à présent, mais une permanence d’observateur à l’intérieur de la ville d’Achraf, avec le drapeau des Nations Unies et, d’autre part, une décision juridique du Haut Commissariat des Réfugiés pour reconnaître le statut de réfugiés – ce qui est l’évidence même – aux résidents d’Achraf et donc d’accorder, collectivement, la protection de la convention de 1952 sur les réfugiés à tous les résidents d’Achraf.

Ce sont deux décisions dont la première doit être prise par le Haut Commissaire, Mme Pillay et la deuxième est celle qui incombe à M. Gutierrez. Lorsque je regarde cette magnifique assemblée, je crois que nous sommes suffisamment puissants pour obtenir ces deux décisions qui constituent une exigence du droit, de la raison et de l’histoire.

Je vous remercie encore une fois infiniment de l’honneur que vous faites à ma ville, à ce Palais, par votre présence. Merci.

 

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