Les moudjahidines contre le terrorisme
L’Est Républicain : 13 sept – Pour le porte-parole du Conseil national de la résistance iranienne, l’inscription de son mouvement sur la liste noire marque la complaisance de l’Europe à l’égard des mollahs.
Interview recueillie par Sébastien MICHAUX
Aujourd’hui est un grand jour. Jour de rentrée pour les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne (UE) élargie. Jour de lutte pour les opposants au régime de Téhéran et plus largement pour tous les sympathisants à leur mouvement, l’Organisation des moudjahidines du peuple d’Iran (OMPI). Ainsi, à l’appel d’associations belges, relayé par une centaine de parlementaires européens, un grand rassemblement est organisé devant le siège de l’UE ce matin. Les organisateurs y attendent plus de 20.000 personnes réunies pour demander à ce que l’OMPI soit retirée de la liste des organisations terroristes de l’UE.
Le porte-parole du Conseil national de la résistance iranienne, le bras politique de l’OMPI, véritable parlement en exil, Afchine Alavi, s’en explique.
– En quoi cette date est-elle symbolique ?
– C’est au cours d’une réunion identique qu’il y a deux ans, l’OMPI a été classée sur la liste des organisations terroristes sur proposition de l’Espagne, présidant alors l’UE. C’était en fait pour répondre à l’une des trois exigences du gouvernement Khatami censé réformateur.
– Pourquoi les autres pays ont-ils suivi ?
– Il y a une réalité : l’UE a adopté une politique de complaisance à l’égard des mollahs sous prétexte de soutenir la fraction modérée du régime. En fait, une imitation de la politique américaine. En 1997 en effet, l’OMPI fut classée terroriste par les Etats-Unis, l’administration Clinton voulant donner un signe de rapprochement à l’arrivée au pouvoir des réformateurs. Or, sept ans après, la fraction modérée n’existe plus et la plus fascisante a profité des gages de respectabilité ainsi offerts pour reprendre le pouvoir en main.
– Enjeux géostratégiques à la base de cette étiquette terroriste qui colle à la peau de votre mouvement ?
– A l’époque du shah, les moudjahidines étaient reconnus par de nombreux intellectuels comme un mouvement de résistance démocratique et respectueux des droits de l’homme. Ces valeurs restent notre force. Dans le programme du CNRI, nous prônons la séparation de l’Eglise et de l’Etat et la liberté de la femme. Notre mouvement a 40 ans d’existence, il est né en 1965 de la mouvance issue du soutien à l’ancien Premier ministre Mossadegh (qui a nationalisé l’industrie pétrolière iranienne en 1951 et a été renversé par la CIA en 1955, NDLR). L’idée était de créer une organisation musulmane, progressiste, nationaliste et démocratique (1).
– Pourquoi cette réputation terroriste ?
– De même que les résistants français étaient taxés de terroristes par les nazis, la Savak (police secrète du shah créée en 1957 avec l’aide des Etats-Unis, NDLR), puis Khomeiny nous ont présentés comme tels afin de nous discréditer. Si à l’époque la population n’a pas pris à la lettre de telles allégations, les Etats, eux, pour approcher le régime, assoiffés de contrats juteux autour des mannes de pétrole et du gaz, ont accepté le chantage. Le peuple et la Résistance ont payé, mais l’Occident aussi en entrant dans ce jeu.
– Comment cela ?
– En devenant complices de la répression sanglante des mollahs, les Etats occidentaux ont facilité la propagation de l’intégrisme dans le monde. On le voit en Irak où le régime de Téhéran tente d’exploiter le chaos. Retirer l’OMPI de la liste des organisations terroristes est indispensable à la lutte contre le terrorisme, justement. En ce sens, l’UE opterait pour une politique ferme à l’égard du programme nucléaire iranien notamment. Car le régime des mollahs gagne du temps pour se procurer l’arme atomique dont il pourrait disposer mi-2005.
(1) A ce propos, « Moudjahidines du peuple : la résistance iranienne de Mehdi Abrichamtchi, éd. Jean Picollec, 30 . Il est le seul disponible en français traitant de l’histoire de la Résistance iranienne.