Le Figaro, 7 octobre – Par Georges malbrunot –
MOYEN-ORIENT Les Anglais accusent le régime de Téhéran d’apporter une aide logistique aux groupes armés irakiens.
Après les Etats-Unis et l’Arabie saoudite, Londres accuse l’Iran d’aider la rébellion en Irak. «Il y a de nouveaux engins explosifs utilisés, et pas seulement contre les troupes britanniques», a déclaré hier Tony Blair. Le premier ministre a pointé du doigt «des éléments iraniens» ou du «Hezbollah» libanais, soutenu par Téhéran.
La veille, un haut responsable britannique avait déjà révélé l’existence «de preuves que les Iraniens sont en contact avec des groupes sunnites» proches de l’insurrection. Pour Londres, les Gardiens de la révolution iraniens auraient fourni de la technologie permettant d’améliorer la performance des explosifs employés dans de récentes attaques mortelles contre des soldats britanniques.
Régulièrement accusé de s’immiscer dans les affaires irakiennes, Téhéran dément systématiquement. Aujourd’hui, il somme les Anglais de montrer leurs preuves. Placé sur l’«axe du Mal» par George W. Bush, l’Iran n’a pas intérêt à ce que les Américains réussissent dans l’ancienne Mésopotamie. L’émergence d’une démocratie chiite à Bagdad, où leurs coreligionnaires sont majoritaires, risquerait en effet de fragiliser le régime des mollahs, en gonflant la contestation populaire à Téhéran.
Depuis le renversement du régime ennemi de Saddam Hussein, «les Iraniens se constituent une capacité de nuisance en Irak, qui leur sera utile dans les négociations sur le nucléaire», analyse un diplomate français au Moyen-Orient. Mais, selon un autre expert à Téhéran, ils ne l’auraient encore que peu utilisée. «Malgré les nombreuses attaques antichiites en Irak, l’Iran refuse encore de s’impliquer fortement en Irak», dit-il.
La République islamique dispose de nombreuses cartes chez son voisin. Téhéran a abrité des responsables chiites, actuellement au pouvoir à Bagdad, notamment ceux de l’Assemblée suprême pour la révolution islamique en Irak (Asrii). Jusqu’en 2003, l’Iran a entraîné et financé la milice de l’Asrii, la Force Badr, qui fait actuellement de l’entrisme dans les forces de sécurité irakiennes.
Depuis leur retour à Bagdad, les dirigeants chiites irakiens cherchent à établir des liens privilégiés avec leurs anciens parrains iraniens. Et ce, quitte à soulever la colère des responsables sunnites, comme le ministre de la Défense.
Jusqu’à une date récente, le renforcement des liens entre Téhéran et les chiites au pouvoir à Bagdad n’inquiétait pas outre mesure Washington. «Lorsque nous les mettions en garde, explique le diplomate, les Américains nous répétaient que les chiites irakiens sont arabes et non perses, qu’ils ont combattu avec l’Irak contre l’Iran, bref qu’ils sauront se détacher le moment venu de l’Iran.»
Aujourd’hui, ce discours a changé. Une nouvelle pièce du puzzle est apparue cet été : l’appui iranien à des groupes armés, notamment sunnites. D’où les critiques, en août, de Donald Rumsfeld, le patron du Pentagone, selon lequel «sans aucune ambiguïté» des armes venant d’Iran ont été retrouvées en Irak.
A Bagdad, Téhéran ne tient pas à mettre tous ses oeufs dans le même panier. Un appui politique aux dirigeants chiites proaméricains n’empêche nullement une aide logistique aux miliciens chiites antiaméricains du trublion Moqtada Sadr. Ce dernier s’est déjà targué de représenter «la branche armée du Hezbollah» entre Tigre et Euphrate. Après la guerre, des experts du Parti de dieu se seraient rendus en Irak pour encadrer les miliciens sadristes. La découverte d’explosifs similaires à ceux utilisés par le Hezbollah contre l’armée israélienne au sud-Liban ne serait donc pas fortuite.
Hostile à un état fédéral en Irak, Téhéran veut pouvoir influer sur une entité autonome chiite qui verrait le jour dans le sud du pays. C’est là que les Iraniens étendent leur influence, en s’appuyant sur un réseau associatif religieux très dense.
Appui logistiqueTéhéran se constitue une capacité de nuisance