AFP, Washington, 4 avril – A l’approche d’une nouvelle évaluation de la situation en Irak, l’administration Bush semble prise à son propre piège à vouloir isoler l’Iran, un acteur incontournable du conflit irakien et d’une solution politique, estiment des experts.
Si Téhéran a usé de son influence la semaine dernière en faveur d’un cessez-le-feu entre les milices chiites de l’Armée du Mahdi et les forces armées irakiennes, Washington ne donne aucun signe de vouloir impliquer l’Iran dans une solution politique à long terme, avancent ces mêmes experts.
« Il y a un intérêt pragmatique et stratégique de la part des Etats-Unis à engager un dialogue avec les Iraniens parce que ces derniers sont une partie incontournable du problème et de la solution en Irak », résume Suzanne Maloney à l’AFP.
« Mais je ne peux prédire que c’est exactement comme cela que ça va se passer au cours des auditions de la semaine prochaine », ajoute cette ancienne experte sur l’Iran pour le département d’Etat travaillant aujourd’hui pour la Brookings Institution.
La semaine prochaine, le général David Petraeus, plus haut gradé américain en Irak, et l’ambassadeur américain à Bagdad, Ryan Crocker, rendront compte devant le Congrès américain de la situation en Irak, un peu plus d’un an après l’augmentation du nombre de soldats américains déployés à Bagdad.
Suzanne Maloney estime qu’il ne serait pas forcément bienvenu, en pleine année électorale, que les parlementaires suggèrent de discuter avec l’Iran, « un gouvernement qui a nié l’Holocauste, menacé d’éradiquer Israël » et les intérêts et valeurs américains hors des Etats-Unis.
Le sénateur Joseph Biden, qui présidera les auditions par la commission sénatoriale des Affaires étrangères, s’est dit préoccupé mardi par le rôle de l’Iran au cours des affrontements entre milices et armée la semaine dernière en Irak. M. Biden s’est toutefois gardé de mentionner le nom de ce pays en recommandant une nouvelle approche en Irak.
Joseph Biden s’est ainsi interrogé sur l’existence d’une stratégie américaine pour stabiliser l’Irak dans les années à venir et sur le sort des 30.000 soldats supplémentaires envoyés en Irak début 2007.
« La première question est: +qu’est-ce que l’augmentation des troupes a permis d’accomplir?+ La deuxième étant: +à partir de là, que faisons-nous?+ », a commenté le parlementaire.
« Je pense simplement que (…) nous avons besoin d’impliquer d’autres puissances majeures, des voisins de l’Irak et les Nations unies dans la recherche d’une solution, ce qui a été proprement négligé par cette administration », a-t-il insisté.
En décembre 2006, le groupe d’études sur l’Irak, conduit par des spécialistes démocrates et républicains, avait recommandé, entre autres, que les Etats-Unis entament un dialogue avec l’Iran et la Syrie et que la majorité des troupes de combat soient retirées d’Irak d’ici 2008. L’administration Bush ne s’est jamais engagée dans cette voie.
Nombre d’experts, tels que Rohan Gunaratna de la Nanyang Technological University de Singapour, estiment que l’Iran est une des clés de la solution.
« Bien que le président de l’Iran semble être irresponsable (…) je pense qu’il est important que les Etats-Unis dialoguent avec l’Iran », a affirmé Rohan Gunaratna joint par téléphone par l’AFP.
S’il est vrai que des discussions entre les deux puissances ont existé à certains niveaux, elles n’ont jamais eu lieu dans les hautes sphères gouvernementales, même après l’appel sans précédent en 2006 de l’ayatollah Khamenei, souligne Suzanne Maloney.
Mais pour l’experte, l’Iran va de toute façon maintenant attendre l’arrivée d’une nouvelle administration aux Etats-Unis début 2009 avant de songer à engager un réel dialogue avec Washington.