Trois membres de l’Association des écrivains d’Iran ont été emprisonnés le 26 septembre dernier après des condamnations prononcées par le tribunal révolutionnaire de Téhéran pour « propagande contre le régime » et « complot contre la sécurité du pays ». L’association proteste contre ces emprisonnements et réclame la libération immédiate de ses membres et celle de tous les prisonniers politiques et d’opinion.
Dans une interview accordée à la rédaction en persan de RFI, Ali Kakavande, poète et membre de l’Association des écrivains d’Iran, déclare que « la crainte du gouvernement iranien du mécontentement général le pousse à mettre en prison les écrivains indépendants et les défenseurs de la liberté d’expression. »
Accusés de « propagande contre le système » et d’« atteinte à la sécurité nationale », trois membres de cette association – Baktash Abtine, Reza Khandan-Mahabadi et Keyvan Bajan – viennent d’être envoyés à la prison d’Evine, à Téhéran. Il leur est reproché d’avoir publié le journal interne de leur association, « La pensée libre », et d’avoir participé, en 2015, à une commémoration de l’assassinat de deux écrivains perpétré, en 1998, par les agents des services secrets iraniens.
Pour Ali Kakavande, les lourdes charges prononcées contre ses amis « ne sont pas sans rapport avec les crises sociales et économiques que traverse actuellement le pays, et notamment la crainte du gouvernement iranien de voir émerger de nouvelles contestations semblables à celles qui ont bouleversé le paysage politique de l’Iran durant l’hiver 2017. »
Selon lui, les condamnations sont « révélatrices de la crainte d’un régime en grande difficulté, soucieux de faire comprendre à une population mécontente qu’elle ne sera pas libre d’agir et de dire son mal-être général. » Elles reviennent ainsi selon lui à déclarer aux Iraniens : « Nous ne vous laisserons pas agir et exprimer librement votre mécontentement. Et vous voyez bien que nous incriminons et emprisonnons déjà les écrivains pour avoir osé écrire et défendre la liberté d’expression. »
Mais les écrivains iraniens s’opposent-ils réellement au régime, comme le laissent entendre les autorités de Téhéran en s’en prenant aux gens de plume ?
« Nullement, répond Ali Kakavande. L’Association des écrivains n’a jamais eu une telle vocation depuis sa naissance, il y a plus de cinquante ans, souligne le poète iranien. L’arrestation de ses membres est dans la continuité des pressions exercées contre elle. »
Selon Ali Kakavande, « Les contestations sociales qui ont bouleversé le paysage politique en Iran depuis trois ans attisent la crainte du gouvernement iranien et le poussent à étouffer toute voix discordante ». « Le but, dit-il, est d’inverser la tendance en faisant peur à la population. » En effet, « plus le régime est craintif, soutient l’écrivain, plus il a tendance à se défendre bec et ongles pour rappeler à l’ordre les récalcitrants. » Mais il s’agit pour Ali Kakavand, d’« un mauvais calcul. La méthode du gouvernement produit l’effet inverse. »
Il rappelle que la seule et l’unique vocation de l’Association des écrivains d’Iran, depuis sa fondation, « est de lutter contre la censure et de défendre la liberté d’expression. La réprimer, affirme-il, [comme ce fut le cas en 1998 après l’assassinat de deux de ses membres] pousserait les jeunes écrivains à vouloir y adhérer en déclarant : » nous sommes tous des écrivains et la place de l’écrivain n’est pas la prison. » »
« C’est honteux, insiste Ali Kakavande, qu’on puisse encore au XXIe siècle emprisonner un écrivain au motif qu’il a osé écrire et défendre la liberté d’expression. » Il demande « à tous les écrivains, poètes et artistes d’être la voix des écrivains emprisonnés en Iran et d’exiger leur libération. »