IranDroits de l'hommeLa justice iranienne ou le triomphe de l'impunité

La justice iranienne ou le triomphe de l’impunité

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Reporters sans frontières : 23 novembre – Six ans après les assassinats en série d’intellectuels et de journalistes, les familles toujours dans l’attente.
Alors que les familles Kazemi, Forouhar, Charif, Mokhtari, Pouyandeh et Davani – pour ne citer qu’elles – attendent toujours de connaître la vérité sur le sort de leurs proches, intellectuels et journalistes assassinés, les auteurs et les commanditaires de ces meurtres s’apprêtent à célébrer les six années d’impunité dont ils ont bénéficié. Six longues années d’une impunité quasi totale et qui ne semble pas près de s’arrêter tant la justice iranienne a apporté maintes fois la preuve de sa complicité et de son hypocrisie dans ces affaires.
« L’interdiction faite aux familles des victimes de manifester pour marquer le sixième anniversaire des assassinats d’intellectuels et de journalistes reflète l’obstruction et la mauvaise foi de la justice iranienne, entre les mains des conservateurs au pouvoir », a déclaré Reporters sans frontières. « Dans l’affaire du meurtre de la photographe irano-canadienne Zahra Kazemi, la justice iranienne s’est encore illustrée par ses dénis de justice, ses manipulations et ses mensonges qui garantissent une impunité durable aux commanditaires, notamment quand ils exercent des fonctions au plus haut niveau de l’Etat. »
L’une des plus intolérables illustrations de cette impunité est sans conteste la nomination, en juin 2004, de l’ancien ministre des Renseignements, Ghorbanali Dorri-Najafabadi, au poste de procureur de la République par le chef suprême de l’autorité judiciaire, l’ayatollah Shahroudi. L’ancien ministre avait été directement mis en cause dans le dossier des assassinats en série, mais sans être jamais poursuivi.
Akbar Ganji, l’un des rares journalistes à avoir enquêté sur cette série d’assassinats à la fin des années 90, est incarcéré depuis le 22 avril 2000 à la prison d’Evine (nord de Téhéran). Il avait publié plusieurs articles sur ces affaires dans le journal Sobh-é-Emrouz mettant en cause le procureur du tribunal du clergé, Mohseni Egeie, ainsi que des responsables politiques de l’époque parmi lesquels Ali Fallahian ou Hashemi Rafsandjani, potentiel successeur de M. Khatami à la présidence de la République.
Quant à l’avocat des familles des victimes, Nasser Zarafshan, arrêté le 7 août 2002, il est toujours emprisonné. En mars 2004, un tribunal militaire l’a reconnu coupable de « divulgation des éléments du dossier » et l’a condamné à cinq ans de prison.
En novembre et décembre 1998, plusieurs intellectuels et opposants ont été assassinés en Iran, dont Darioush et Parvaneh Forouhar, figures emblématiques de l’opposition libérale, Majid Charif, éditorialiste pour le mensuel Iran-é-Farda, et les écrivains-journalistes Mohamad Makhtari et Mohamad Jafar Pouyandeh. Quelques mois auparavant, Pirouz Davani, rédacteur en chef de la revue Pirouz (« Victoire » en persan) disparaissait. Son corps n’a jamais été retrouvé. Cette vague d’assassinats et cette disparition avaient provoqué à l’époque la mobilisation d’une grande partie de la presse réformatrice.
En janvier 1999, le ministère des Renseignements avait reconnu officiellement l’implication de certains de ses agents et annoncé l’arrestation de dizaines de suspects. En janvier 2001, dans le cadre de l’enquête sur le meurtre des époux Forouhar, quinze agents du ministère des Renseignements ont été condamnés : trois à la peine de mort et douze à des peines de prison. Trois autres personnes soupçonnées d’être impliquées ont été acquittées. L’affaire a été renvoyée devant la Cour suprême qui a confirmé le verdict. Seules deux personnes ont été condamnées à quinze ans de prison. En ce qui concerne l’affaire Davani, les autorités n’ont jamais cherché à élucider cette disparition. Quant à Majid Charif, son meurtre n’a jamais donné lieu à une enquête.
De même, aucun des commanditaires des assassinats de 1998 n’a été inquiété. Les familles des victimes, que Reporters sans frontières soutient, ont porté plainte devant les instances judiciaires internationales.
Dans l’affaire Zahra Kazemi, photographe irano-canadienne décédée lors de sa détention en juillet 2003, la justice iranienne a encore une fois fait preuve d’une duplicité et d’une hypocrisie sans bornes. Interpellée le 23 juin 2003, alors qu’elle photographiait des familles de détenus devant la prison d’Evine, Zahra Kazemi est vraisemblablement décédée le 10 juillet. Après avoir tenté de dissimuler les causes de sa mort pendant près d’une semaine, les autorités iraniennes ont finalement reconnu qu’elle avait été battue à mort.
Suite à une enquête parlementaire iranienne et sous la forte pression du Canada et de la communauté internationale, la justice a désigné un agent des services de renseignements, l’un des interrogateurs de Zahra Kazemi pendant sa détention, comme responsable de sa mort. Celui-ci a été inculpé avant d’être innocenté après un simulacre de procès, le 24 juillet 2004. Les avocats de la famille de la victime avaient demandé, lors du procès, à voir comparaître Mohammad Bakshi, agent de la prison d’Evine sous l’autorité du procureur de Téhéran, Saïd Mortazavi, et cinq hauts responsables judiciaires présents lors de l’interrogatoire. Le tribunal de Téhéran a refusé cette demande et expédié le procès en deux jours. Pourtant, différentes commissions d’enquête iraniennes avaient mis en cause ces fonctionnaires. Quelques jours après cette parodie de procès, la justice iranienne revenait sur toutes les conclusions de l’enquête et déclarait que Zahra Kazemi était décédée de manière « accidentelle ».

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