IranIran (actualité)La carte maîtresse de Téhéran

La carte maîtresse de Téhéran

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The Los Angeles Times, 23 avril – Par Clifford Kupchan – L’Allié clé de l’Iran dans la crise nucléaire actuelle n’est pas la Russie ni la Chine. C’est le pétrole. Téhéran peut facilement faire augmenter les prix et a déjà commencé à le faire afin d’ébranler l’Occident. Tandis que la crise prend de l’ampleur, les partenaires diplomatiques de Washington vont devenir sérieusement préoccupés par leur alimentation en énergie. En fin de compte, le pétro pouvoir de l’Iran va probablement prendre le pas sur la diplomatie occidentale.

Regardez ce qui se passe : l’annonce provocatrice de Téhéran le 11 avril selon laquelle le pays maîtrisait la technologie nucléaire a attiré la critique des capitales du monde entier. Mais elle a également fait augmenter les prix du pétrole à plus de 70 dollars le baril de peur que les tensions grandissantes ou que des frappes militaires futures ne viennent perturber les exportations iraniennes et nuire aux économies occidentales. Les prix ont augmenté de plus de 8 dollars le baril en moins de trois semaines, principalement à cause de l’Iran.

L’influence de Téhéran d’un point de vue énergétique est indéniable, en raison de sa place en tant que quatrième plus grand producteur de pétrole au monde et son emplacement stratégique près du détroit d’Hormuz, par lequel transite 20% de la production mondiale. L’Iran produit 4 millions de barils de pétrole par jour, soit environ 5% de la production mondiale, et exporte 2,5 millions de barils. Le pays s’est aussi servi du pétrole pour construire un réseau de relations rendant certains pays clés dépendants à son pétrole.

Aujourd’hui, l’Iran fournit à la Chine 4% de son pétrole, 7% à la France, 9% à la Corée, 10% au Japon, 11% à l’Italie, 14% à la Belgique, 22% à la Turquie et 24% à la Grèce. Ces dépendances devraient créer un malaise croissant en raison des tentatives américaines répétées de faire pression sur Téhéran. Si les Etats-Unis continuent de chercher à imposer des sanctions économiques contre l’Iran dans la crise nucléaire, ou s’ils continuent à faire allusion à une éventuelle action militaire, Téhéran va se servir de plus en plus de son pétro pouvoir et ce de trois manières.

Premièrement, l’Iran va probablement réduire les exportations pour effrayer les marchés du pétrole. Les dirigeants iraniens, du président radical Mahmoud Ahmadinejad en passant par le ministre du Pétrole technocrate Kazem Vaziri-Hamaneh, ont déjà menacé de le faire. Au début, l’Iran pourrait temporairement retenir des volumes d’exportation symboliques (disons 300.000 barils par jour). Cela aurait pour effet d’augmenter les prix du pétrole plus que si c’était un autre pays qui le faisait, car étant donné la politique provocatrice de l’Iran pendant l’année passée, les marchés seront inquiets des prochaines mesures que Téhéran va prendre.
Si la crise s’aggrave, l’Iran va chercher à intimider les partenaires américains et à augmenter les prix mondiaux en rompant les contrats à long terme de fourniture de pétrole. Le japon est une cible particulièrement vulnérable et probable, mais les pays européens aussi.

La deuxième façon pour l’Iran de se servir de son pétro pouvoir serait de perturber la circulation des pétroliers dans le détroit. La menace seule serait suffisante pour faire augmenter les prix du pétrole, même si l’Iran ne prendrait une mesure aussi draconienne uniquement dans le cas où le pays subissait une attaque. L’Iran a récemment organisé des exercices militaires pendant sept jours baptisés Grand Prophète, avec la participation de 17000 soldats des Gardiens de la Révolution et la divulgation de plusieurs nouvelles armes, dont une torpille à grande vitesse indétectable au sonar. L’annonce de cette dernière a été généralement interprétée dans les cercles militaires comme une provocation, l’Iran pouvant perturber ou même fermer le détroit en menaçant de faire sombrer les pétroliers en transit.

Les compagnies qui assurent les pétroliers ont certainement pris note. L’Iran pourrait causer des ravages sur les prix et l’alimentation en portant à un prix prohibitif les assurances des pétroliers. Les prix du pétrole ont augmenté d’environ 3 dollars le baril pendant les exercices et ont encore monté depuis. Les nations clés ont compris le message elles aussi ; la Chine qui a grand besoin de pétrole a particulièrement peur de tout usage de la force qui pourrait perturber son alimentation. Des exercices similaires en Iran vont probablement avoir lieu, puisque ceux-ci ont clairement eu l’effet escompté. Troisièmement, même si l’Iran ne prend aucune autre mesure ouverte, le pays fait symboliquement étalage de sa force dans les marchés du pétrole chaque fois qu’il annonce une progression dans son programme nucléaire. L’annonce de Téhéran selon laquelle le pays avait enrichi de l’uranium a fait grimper les prix du pétrole de 1,82 dollars le baril en trois jours en raison de la crainte grandissante d’un conflit avec l’Occident. La politique iranienne de « mettre le pied au plancher » dans la maîtrise du cycle du combustible nucléaire va faire augmenter les prix du pétrole pendant l’année 2006. Si l’Iran, comme prévu, enrichit plus d’uranium et installe 3000 centrifugeuses à son usine de Natanz à l’automne prochain, les craintes internationales d’un conflit militaire vont s’intensifier et les prix du pétrole vont augmenter encore plus.

Avec ces trois options, Téhéran peut, et va presque certainement, construire un « mur du pétrole » face aux efforts américains pour s’assurer le soutien de partenaires internationaux afin d’empêcher l’Iran d’accéder à la capacité nucléaire.

Il existe des limites au pétro pouvoir iranien. Les menaces de fermeture du détroit ne sont qu’en partie crédibles, puisque les revenus du pétrole iraniens lui sont vitaux, comptant pour 80% des revenus des exportations et 50% du budget du gouvernement. De plus, les Etats-Unis pourraient faire usage de la force pour ouvrir le détroit. Et si l’Iran devait cesser les exportations ou faire monter en flèche les prix du pétrole, l’Arabie Saoudite pourrait accélérer sa production pour rattraper une partie de la différence. Toujours est-il que la capacité de Téhéran à manipuler les marchés et à causer des perturbations de l’alimentation demeure très grande.

La secrétaire d’Etat Condoleezza Rice a averti que les Nations Unies devaient bientôt prendre des mesures pour réfréner les ambitions nucléaires de l’Iran. Si l’ONU échoue, Washington va probablement chercher à constituer une « coalition de volontaires » pour ce travail. Mais pour y parvenir dans quelque forum que ce soit, les USA ont besoin d’un soutien fort au Japon, en Europe et même en Chine. Le pétrole de Téhéran pourrait bien forcer Washington à agir seul, s’il devait quand bien même agir.

(Clifford Kupchan est le directeur d’Eurasia Group, société de conseil en risque politique)

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