Reuters, 30 mars – L’Union européenne a affiché sans roulements de tambour sa solidarité avec le Royaume-uni afin d’inciter l’Iran à relâcher rapidement 15 marins et fusiliers-marins capturés il y a une semaine.
Les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept sont réunis pour deux jours à Brême, en Allemagne, afin d’évoquer la relance des négociations sur le dossier nucléaire iranien qui vaut à Téhéran d’être frappé par des sanctions internationales.
Mais la crise des marins britanniques arrêtés dans les eaux irakiennes selon Londres et dans ses eaux territoriales selon l’Iran a complètement bousculé le déroulement de la rencontre.
« Il est clair qu’un message de solidarité avec la Grande-Bretagne doit être envoyé d’ici », a déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères, Karl-Walter Steinmeier, dont le pays préside actuellement l’Union européenne.
Les chefs de la diplomatie européenne entendent toutefois le formuler de manière diplomatique pour ne pas aggraver des tensions exacerbées par les « aveux » d’un marin britannique diffusés vendredi par l’agence de presse iranienne Irna.
Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a expliqué que les Vingt-Sept ne voulaient pas entrer dans une spirale qui affaiblirait les modérés à Téhéran.
« Même si nous sommes totalement solidaires avec le Royaume-Uni, nous devons tout faire pour installer les garde-fous nécessaires afin d’éviter que tout explose », a-t-il déclaré à la radio allemande Deutschlandfunk.
PAS D’HUILE SUR LE FEU
La décision de Londres de geler tout contact bilatéral avec l’Iran ne sera donc pas étendue à toute l’Union européenne, alors que des sources britanniques avaient affirmé que c’était l’objectif poursuivi par la Grande-Bretagne à Brême.
« Nous devons être prudents pour ne pas donner dans la surenchère réciproque avec des sanctions contre l’Iran et des discussions sur le gel des relations », a ajouté Asselborn.
La ministre britannique Margaret Beckett n’a d’ailleurs pas évoqué une telle demande à son arrivée à la réunion et n’a pas non plus publiquement déploré la teneur très modérée de la déclaration adoptée jeudi par le Conseil de sécurité de l’Onu.
La Russie s’est opposée à un texte qui aurait exigé une libération immédiate des militaires et les membres européens du Conseil de sécurité – Royaume-Uni, France, Belgique, Slovaquie et Italie – se sont rencontrés à Brême avant une autre réunion de ce forum qui est prévue vendredi à New York.
« Nous sommes heureux d’avoir obtenu une indication claire de l’Onu que les gens voudraient voir cela résolu le plus pacifiquement et le plus rapidement possible », a-t-elle dit.
Jeter de l’huile sur le feu risquerait en effet de ruiner toute chance de sortie de la crise des marins britanniques.
« Je pense que nous devons être prudents », a expliqué la commissaire européenne aux Relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner. « Nous sommes dans un moment très délicat. »
Les premiers signes d’une possible négociation sont apparus.
Le ministère des Affaires étrangères iranien a envoyé à l’ambassade de Grande-Bretagne à Téhéran un message demandant les « garanties indispensables que la violation des eaux iraniennes ne se répètera pas » et une porte-parole du Foreign Office a déclaré que Londres l’examinait.
REPRISE DES NÉGOCIATIONS POSSIBLE
En 2004, l’Iran avait détenu pendant trois jours huit militaires britanniques, à une période où les tensions avec les pays occidentaux étaient moindres, et les avait libérés.
Les ministres des Affaires étrangères de l’UE veulent maintenir leur « double approche » de la carotte et du bâton pour inciter l’Iran à renoncer à l’enrichissement de l’uranium.
L’affaire des militaires capturés intervient parallèlement au renforcement, par le Conseil de sécurité de l’Onu des sanctions contre l’Iran, répondant au refus de Téhéran de mettre un terme à ses activités nucléaires sensibles.
En s’en prenant au Royaume-Uni, l’Iran s’attaque à l’un des trois pays de l’Union européenne qui, avec la France et l’Allemagne, a consenti le plus d’efforts pour trouver une solution négociée sur ce dossier depuis des années.
Le porte-parole de la politique extérieure de l’UE, Javier Solana, estime qu’il est possible de résoudre la crise des militaires britanniques et de reprendre les négociations.
Solana, qui mène depuis des mois les pourparlers avec Téhéran au nom de l’UE, a repris langue mercredi à Ryad avec le ministre iranien des Affaires étrangères Manouchehr Mottaki lors d’un sommet de la Ligue arabe et entend rencontrer bientôt le négociateur iranien pour le nucléaire, Ali Larijani.
Il a toutefois précisé que, faute d’accord, le deuxième train de sanctions adopté le 24 mars en annonçait un troisième, qui risque d’affecter les intérêts économiques de l’Iran.
Les pays occidentaux pensent que le programme nucléaire iranien vise à fabriquer des armes atomiques et non exclusivement, comme l’affirme l’Iran, à produire de l’électricité.