Leblogfinance.com, 14 mai Par Elisabeth Studer Alors que l’Iran est courtisée plus ou moins ouvertement par la planète entière pour ses gigantesques ressources en hydrocarbures (pétrole et gaz), le ministre iranien du Pétrole a confirmé la semaine dernière la possibilité d’un report du rationnement d’essence en Iran, qui doit normalement entrer en vigueur le 22 mai.
Pour rappel, si certes le pétrole est loin de faire défaut à l’Iran à l’heure actuelle, le pays se voit contraint de recourir à l’importation d’essence pour satisfaire ses besoins, les raffineries installées sur le territoire s’avérant insuffisantes.
« Le rationnement de l’essence n’a pas encore été décidé », a dit Kazem Vaziri-Hamaneh, ministre iranien du Pétrole, sur la télévision d’Etat. Un responsable du Parlement en charge de l’énergie avait déjà déclaré lundi dernier que le plan de rationnement serait probablement repoussé à septembre.
Le système de rationnement qui doit être mis en place fonctionne avec des cartes à puce dont plusieurs millions ont déjà été distribuées aux automobilistes iraniens. De nombreux conducteurs n’ont pas encore reçu la leur.
Des commentateurs dans la presse ont aussi mis en cause le coût politique d’une telle mesure, mettant en doute la volonté du gouvernement d’engager une réforme perçue comme hautement impopulaire, mais aussi indispensable à cause de la dépendance de l’Iran aux importations d’essence.
Le rationnement de l’essence en Iran, prévu à partir du 22 mai, sera probablement repoussé à septembre, avait d’ores et déjà déclaré en début de semaine dernière un responsable du Parlement pour les questions d’énergie. « Le terrain n’est pas prêt pour appliquer le rationnement avec l’aide des cartes à puce, et nous devons donc donner une nouvelle chance au gouvernement » pour appliquer ce plan, avait déclaré le chef de la commission de l’énergie au Parlement Kamal Daneshyar.
M. Daneshyar a fait état d' »informations selon lesquelles les machines destinées à lire les cartes à puce se cassent rapidement, et des pompes marchent à l’envers, aspirant l’essence des réservoirs plutôt que de les remplir ». « Donc, a-t-il poursuivi, en attendant que ces problèmes soient résolus, le projet de rationnement doit être repoussé à la fin septembre, et le gouvernement doit demander la permission au Parlement d’importer pour deux milliards de dollars d’essence ». Ce qui est peut-être en réalité la raison première de toute l’ « affaire »….
Le projet de budget adopté par le Parlement pour l’année en cours (mars 2007 – mars 2008) a prévu une hausse du litre d’essence, actuellement de 800 rials (6 centimes d’euro), à 1.000 rials à compter du 22 mai.
Mais ce prix ne doit s’appliquer qu’à un certain quota, que le gouvernement est censé déterminer. Au delà, il revient au gouvernement de fixer le quota d’essence subventionnée attribuable à chaque automobiliste, ainsi que le prix de l’essence, hors quota, qui ne serait plus subventionnée.
L’Iran, quatrième producteur mondial de pétrole se voit néanmoins contrainte à importer massivement de l’essence. Les raffineries iraniennes ne produisent que 44,5 millions de litres d’essence par jour alors que la consommation quotidienne dans le pays est actuellement de 79 millions de litres, et ne cesse d’augmenter.
Selon le vice-ministre du Pétrole Mohammad Reza Nematzadeh, « la consommation moyenne quotidienne (…) devrait monter à 81 millions de litres ». Le responsable a critiqué le niveau de la consommation et son poids sur les finances publiques, en remarquant que « l’an dernier (mars 2006 – mars 2007, ndlr) le pays a importé pour cinq milliards de dollars d’essence, et si le rationnement n’est pas mis en oeuvre la note s’élèvera cette année à environ 9,5 milliards de dollars ».
« Le gouvernement tient à rationner l’essence afin de stabiliser les prix et d’éviter des problèmes économiques » », avait déclaré en janvier Mostafa Pourmohammadi au journal Tosea. Le parlement, lui, était alors favorable à un système de double tarification plutôt qu’à un rationnement, et proposait que l’essence importée soit vendue au prix du marché mondial.
Le président iranien avait d’ores et déjà indiqué lors de la présentation de son budget prévisionnel pour l’année civile iranienne courant de mars 2005 à mars 2006 qu’un des objectifs à moyen terme du gouvernement iranien était de diminuer progressivement la consommation d’essence et de produits pétroliers raffinés pour les remplacer par le gaz. « Nous produisons chaque année environ 70 milliards de dollars de pétrole, dont 25 milliards sont consommés à l’intérieur du pays. Nous consommons également 10 milliards de dollars d’essence par an ». Le nouvel objectif fixé était d’aboutir d’ici à cinq ans à ce que toutes les voitures roulent au gaz.
L’Iran importe en effet annuellement au moins 40 % de sa consommation d’essence, ce qui représente tout de même le dixième des exportations du pays, et la vend au quart de son prix d’achat.
Le litre d’essence est vendu 0,09 dollar en Iran, un prix très faible qui, selon certains experts, incite la population à une consommation excessive. Le prix, artificiellement bas de l’essence à la pompe ne s’explique que par les subventions colossales dont il est l’objet pour assurer la paix sociale, lesquelles s’élèvent à 83 % du prix payé à la pompe par le consommateur iranien, qui est par ailleurs confronté à une inflation annuelle galopante. Appliquées aux produits pétroliers, ces subventions porteraient sur près 8 milliards de dollars. Au total, elles pourraient représenter jusqu’à 10 % du PIB.
Sources : AFP, Reuters, Iran focus