Sans rencontrer de véritable résistance, le Hezbollah a pris le contrôle de Beyrouth-Ouest à majorité sunnite. Les résidences de Saad Hariri, leader sunnite de la majorité parlementaire et du leader druze Walid Joumblatt, ont été encerclées. Les médias progouvernementaux ont été réduits au silence. Plusieurs axes routiers, et, surtout, l’aéroport, ont été bloqués. Que cherche le Hezbollah? Pourquoi? Comment? Eléments de réponses.
POURQUOI CE «COUP DE FORCE»? Le Hezbollah a construit sa puissance et sa popularité au-delà des seuls chiites en se substituant à l’Etat dans de nombreuses situations, avec l’aide financière de l’Iran et de la Syrie. Le parti distribue des aides sociales et des pensions aux familles des «martyrs» de la lutte contre Israël. Libérateur du Liban-Sud occupé en 2000, il s’arme en prévision d’un nouveau conflit. Il avait mis en place un réseau de téléphonie qui aurait joué un rôle capital dans l’échec militaire d’Israël au Liban-Sud en 2006. En demandant son démantèlement et le limogeage du directeur de la sécurité de l’aéroport, un prosyrien soupçonné d’avoir laissé le Hezbollah espionner le trafic à l’aide de caméras, le premier ministre Siniora a «agressé» l’Etat bis du Hezbollah.
QUELLE STRATÉGIE? Cela ressemble à un coup d’Etat mais il s’agit d’une guerre d’usure. Après le gel des deux décisions, obtenu grâce à la médiation de l’armée restée neutre, le Hezbollah a accepté de retirer ses hommes mais maintient son appel à la désobéissance civile et notamment le blocage des routes et de l’aéroport. L’armée, elle, s’est déclarée hier prête à interdire toute présence armée.
DANS QUEL BUT? S’il est, comme les autres partis libanais d’accord sur le nom de Michel Souleïmane, chef de l’armée, pour donner un président au Liban après six mois de vacance à ce poste, le Hezbollah ne cache pas qu’il y met des conditions: obtenir pour lui et Amal, l’autre parti chiite, un droit de veto au sein du futur gouvernement. Car son objectif numéro un est de faire tomber l’actuel gouvernement. A plus long terme, le parti chiite veut un rééquilibrage politique prenant en compte la démographie. Les accords de Taef qui ont mis fin à la guerre du Liban en 1990 avaient réservé beaucoup de pouvoir aux sunnites, qui ne représentent plus que 20% de la population, tandis que chrétiens et chiites représentent chacun 35% des 4,5 millions de Libanais.
QUELS INTÉRÊTS ÉTRANGERS? La vive réaction de l’Arabie saoudite, accusant hier l’Iran de mener en sous-main «le coup d’Etat» du Hezbollah, est une nouvelle preuve de la «guerre d’influence» des deux pays, inspirateurs du sunnisme et du chiisme, sur la région, au Liban comme en Irak. Certains commentateurs expliquent aussi cette «offensive» comme un moyen pour l’Iran de «solidariser» la Syrie, après la révélation de pourparlers secrets sur la rétrocession du Golan par Israël. Le président américain George Bush a pour sa part mis en garde l’Iran et la Syrie contre toute tentative de mettre la main sur le Liban.