Le Parisien, 6 mars – Le cinéaste iranien Jafar Panahi, condamné à de lourdes peines dans son pays, exclut de quitter l’Iran : « Ma place est ici », affirme-t-il dans un entretien publié lundi par la revue française La Règle du Jeu.
« Je suis sûr qu’ils (les autorités) fermeraient les yeux sur mon départ mais je ne le ferai pas. Ma place est ici », déclare-t-il à Téhéran à Jean-Louis Martinelli, directeur du Théâtre français des Amandiers, à Nanterre près de Paris. A 50 ans, le réalisateur a été condamné le 20 décembre à six ans de prison et 20 ans d’interdiction de travailler pour de premières images qui étaient encore loin de constituer un film, selon ses partisans. Il a fait appel et attend, assigné à résidence à Téhéran, la décision de la justice.
« Je vis là la pire des situations. A tout moment on peut venir me chercher pour me jeter en prison ».
« Certes je pourrais partir à l’étranger », ajoute-t-il en avançant que sa « mise en résidence surveillée répond à cet objectif ». Mais « en tant que cinéaste explique-t-il, je veux et je dois filmer l’Iran et les Iraniens dont je connais la façon de penser (…). Je ne fais pas de films politiques mais des films qui parlent de la réalité sociale », se défend-il.
« Que je le veuille ou non, je suis devenu malgré moi un symbole. Si je partais, tout le sens de mon travail serait perdu et je laisserais dans le désarroi tous ceux qui, ici, mènent un combat pour que la vie change », poursuit le cinéaste.
Jafar Panahi prévient aussi qu’il refuse par avance toute forme d’excuse à l’égard du pouvoir: « Je pourrais aussi faire repentance, par exemple en posant pour une photo avec (le président iranien) Ahmadinejab, mais cela je ne le ferai jamais », assure-t-il.
« Parlez, écrivez, témoignez de la façon dont vous pouvez et souhaitez le faire, c’est une des conditions de ma survie », plaide encore Jafar Panahi. « Ma situation ne peut pas être plus difficile. Le silence, c’est la mort ».
En dépit de la virulence des termes employés, le cinéaste a insisté auprès de la revue, fondée par le philosophe Bernard-Henry Lévy, pour que l’ensemble de ses déclarations soient publiées, a précisé à l’AFP la directrice, Maria de França.
La « Règle du jeu » publie l’entretien avec le quotidien français Libération.
Jafar Panahi a été arrêté à son domicile de Téhéran le 1er mars 2010 avec seize autres personnes, dont sa femme et sa fille, rappelle la revue.
Il a été libéré après le versement d’une caution de 200.000 dollars US, et après avoir entrepris une grève de la faim en prison notamment lors du Festival de Cannes.
Alors qu’il était incarcéré, le directeur de la prison l’a convoqué pour l’informer de la mobilisation très forte du Festival de Cannes sur son cas, en mai 2010 : sa chaise de juré avait été laissée vide sur la scène, et le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, avait lu une de ses lettres. Depuis, les festivals de Venise en Septembre et Berlin le mois dernier, ont fait de même.
Dans son entretien, Jafar Panahi revient également sur les motifs de son arrestation : « Ma condamnation a été établie à partir de mes propos. Au motif que j’étais en contact avec des personnes opposées au régime et que je pouvais donc être considéré comme un activiste dangereux », indique-t-il.
Il a été dit jusqu’ici que Panahi avait été arrêté pour un film qu’il projetait de tourner sur les manifestations hostiles au régime, lors de la présidentielle de 2009.