The Guardian, 2 février – La crise provoquée par les ambitions nucléaire présumées de lIran est en train de sintensifier, comme en témoigne le ministre des Affaires Étrangères de la République Islamique qui a mis en garde contre des représailles rapides si, comme on lattend, le pays faisait lobjet dun renvoi devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies. Manouchehr Mottaki a saisi loccasion dune interview avec le Guardian aujourdhui pour menacer de « conséquences sévères », dont la fin des inspections à limproviste et de la coopération avec lAgence Internationale de l’Énergie Atomique. M. Mottaki a fait une déclaration similaire à celle de Jack Straw hier. Tout comme le commandant des Gardiens de la Révolution qui a menacé que lIran lance des missiles si le pays était attaqué, ceci était, et cest un euphémisme, absolument inutile.
La décision de dénoncer lIran auprès des Nations Unies a été prise par la totalité des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité, pour le pire et pour le meilleur en termes de légitimité internationale. LAIEA est lorgane de surveillance nucléaire de lONU. Le président Mahmoud Ahmadinejad est de mauvaise foi lorsquil accuse lOccident dagir comme le « seigneur du monde » en privant son pays de lusage pacifique de latome. La Russie et la Chine, presque vassaux de lAmérique, sont du même côté. Il ne sagit pas dune répétition de la crise irakienne. Du moins pas encore.
LAIEA, réunie à Vienne aujourdhui, est conviée à « transmettre » au Conseil de Sécurité des rapports crédibles et soulevant linquiétude au sujet de la nature du travail nucléaire de Téhéran (lun dentre eux, et qui ne présage rien de bon, est un document présentant des instructions pour mouler de luranium hautement enrichi dans le cur des têtes nucléaires). Ce langage nuancé est important car il reste encore plus dun mois avant la réunion de lAIEA le 6 mars qui pourrait demander une « comparution » formelle de lIran devant le conseil, ouvrant la voie pour des discussions sur limposition de sanctions. Plus simplement, bien que lon ait encore le temps de trouver une solution pour sortir de cette impasse, lIran fait monter les enchères de manière agressive.
Téhéran espère peut-être que lEurope, qui a essayé en vain de négocier un compromis avec lIran, va perdre son sang-froid et ne va pas se ranger du côté des États-Unis. Ou, plus probablement, le pays compte peut-être sur le fait quau moment de prendre leur décision, Moscou et Pékin vont faire bande à part avec les trois autres membres occidentaux des P5. LIran insiste sur le fait que lénergie nucléaire ne leur servira quà la génération délectricité civile, comme cela est son droit en vertu du Traité de non-prolifération. Mais le pays a beaucoup de mal à convaincre les autres nations que les 18 ans de mensonges sur ses projets sont derrière lui maintenant, même si la leçon à tirer de lIrak est que lon gagne à se méfier de dossiers douteux sur des armes de destruction massive.
Il est bon de rappeler que cette crise a été déclenchée lorsque lIran a manqué à sa promesse de suspendre lenrichissement duranium faite lors de négociations avec les 3E (la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne), dont lensemble des incitations offertes a été rejeté comme étant insuffisant. Elle a empiré à cause des remarques irresponsables du président Ahmadinejad à propos dIsraël et de lholocauste et des accusations sans fondement selon lesquelles la Grande-Bretagne soutient les séparatistes arabes dans la province pétrolière du Khuzestan. LIran est devenu furieux face au discours de lAmérique sur la démocratie (le discours sur létat de lUnion du président Bush a été traduit en farsi en simultané), tandis que les discussions explicites des néo conservateurs de Washington à propos dun changement de régime nont fait quencourager les mollahs les plus conservateurs à manuvrer pour arriver au pouvoir à Téhéran.
Nous navons pas lintention ici de nier que lIran a le droit légitime de se plaindre de la partialité des puissances nucléaires officielles, qui nont pas respecté leur obligation de se désarmer et qui ont donné leur assentiment aux bombes israéliennes, indiennes et pakistanaises. Ses inquiétudes concernant la présence des forces américaines en Irak et en Afghanistan peuvent être prises en charge en négociant des garanties de sécurité. Beaucoup plus defforts pourraient être investis dans le développement dune proposition pour enrichir luranium utilisé par lIran en Russie, sous la supervision de lAIEA. Bref, il y a encore beaucoup matière à discussion. Certains disent que le monde a choisi une querelle quil ne pouvait pas gagner puisque laction militaire est exclue (mais pas par les États-Unis et Israël) tandis que des sanctions imposées à un producteur de pétrole de lOPEC aussi important seraient économiquement impossibles et politiquement contre-productives. Cependant, linaction ne va pas résoudre le problème, ni calmer les fanfaronnades iraniennes.