New York Times, Téhéran De Michael Slackman Il y a tout juste deux semaines, lapproche combative du gouvernement iranien vis-à-vis de son programme nucléaire produisait de rares démonstrations de solidarité dans le pays. Maintenant, tandis que les hauts dirigeants restent résolus dans leur décision, des fissures apparaissent aussi bien à lintérieur quà lextérieur des cercles du pouvoir concernant ce dossier.
Certaines personnes occupant des positions de pouvoir commencent à insister sur le fait que la tactique offensive du président Mahmoud Ahmadinejad a leffet inverse et gêne, au lieu de faciliter, le développement du programme nucléaire de lIran.
Cette semaine, le Conseil de Sécurité des Nations Unies est réuni pour aborder le sujet du programme nucléaire iranien. Ce renvoi et, peut-être plus important encore, lincapacité de lIran à se rallier jusquà maintenant le soutien sans équivoque de la Russie pour ses projets, encourage les critiques de M. Ahmadinejad, selon des experts politiques ayant des liens étroits avec le gouvernement.
Un haut responsable iranien, qui a demandé à rester anonyme en raison de la nature sensible du dossier, a déclaré : « Je vous le dis, si ce quils faisaient marchait, on dirait cest bien ». Mais, a-t-il ajouté : « Pendant les 27 années qui ont suivi la révolution, lAmérique voulait renvoyer lIran devant le Conseil de Sécurité, sans résultat. Il na pas fallu six mois à Ahmadinejad pour le faire ».
Il y a un mois, le même haut responsable disait en riant que ceux qui pensent que cette approche radicale est un mauvais choix restaient silencieux parce quelle semblait fonctionner.
Comme dhabitude en Iran, on reçoit des échos différents et le gouvernement ne parle pas toujours de la même voix.
Mardi, aussi bien M. Ahmadinejad que le guide suprême de la nation, layatollah Ali Khamenei, ont insisté dans des discours publics sur le fait que leur pays ne reculerait jamais. Au même moment, les négociateurs iraniens sont arrivés à Moscou pour reprendre les négociations, à la demande de lIran, quelques jours seulement après que lIran ait rejeté une offre russe visant à résoudre le conflit.
Les Iraniens ne semblent pas généralement très rassurés à lidée de se voir imposer des sanctions par les Etats-Unis.
Depuis les rues de Téhéran jusquaux pistes de ski à lextérieur de la ville, certaines personnes ont commencé à plaisanter sur le slogan du gouvernement, qui répète avec désinvolture « Lénergie nucléaire est notre droit irréfutable ».
Les réformateurs, dont linfluence politique en tant que mouvement sest affaiblie après les dernières élections, ont aussi commencé à sélever. De plus, des personnes ayant des liens étroits avec le gouvernement affirment que les hauts dignitaires religieux se sont mis à dénoncer la position de lIran auprès de layatollah Khamenei, ce que lélite politique considère comme un choc sismique.
« Il ny a aucun signe indiquant quils vont reculer », a déclaré Ahmad Zeidabady, expert politique et journaliste. « Tout du moins, M. Khamenei na rien dit pouvant être interprété comme le signe dun changement futur dans la politique. »
Mais, a-t-il dit, « les critiques sont de plus en plus nombreuses alors quil devient évident que cette politique ne fonctionne pas, et elles proviennent essentiellement des membres de la première équipe de négociations ».
Il semblerait également que les négociateurs commencent à prendre leurs distances, même légèrement, avec cette stratégie à couteaux tirés et que ceux qui sopposaient au début au style du président, mais ne disaient rien, commencent à dire quils avaient raison et se manifestent.
Lancien président, Mohammad Khatami, a dernièrement critiqué publiquement cette approche agressive et a appelé à un retour à la stratégie de son gouvernement de construction de confiance avec lOccident.
« Léquipe précédente ressent maintenant quelle avait raison », a déclaré Nasser Hadian, professeur de sciences politiques à lUniversité de Téhéran et proche dun grand nombre de membres du gouvernement. « La nouvelle équipe sent quelle doit justifier ses actions. »
Layatollah Khamenei, qui a le dernier mot, a farouchement défendu la position de lIran mardi dernier.
« La République islamique dIran considère quun recul dans le programme nucléaire, réclamé par le peuple iranien, briserait lindépendance du pays et aurait de lourdes conséquences pour la nation iranienne », a-t-il dit.
« Lusage pacifique de la technologie nucléaire est absolument indispensable et nécessaire au progrès scientifique dans tous les domaines », a affirmé Khamenei. « Tout recul déclenchera une série dexigences et de compromis. Il sagit donc dun choix irréversible et notre politique étrangère doit défendre courageusement ce droit. »
Dans un discours prononcé dans le nord de lIran, M. Ahmadinejad a appelé la population à « être furieuse » contre la pression exercée sur lIran.
« Ecoutez bien », a déclaré le président à la foule qui scandait « mourrez » en levant leur poing vers le ciel. « Le programme nucléaire est notre droit irréfutable. »
Lorsque M. Ahmadinejad est entré en fonction, il a décidé dappliquer une décision déjà prise par les hauts dirigeants de provoquer une confrontation avec lOccident à propos du programme nucléaire. Depuis les coulisses, les opposants de M. Ahmadinejad sont restés généralement silencieux tandis que son capital politique grandissait.
La décision de lIran de redémarrer lenrichissement de luranium et de lever les scellés en janvier dans au moins trois usines nucléaires sans quil ny ait eu de conséquences immédiates, était considérée comme la validation de cette approche inflexible.
Mais un scientifique politique qui discute régulièrement avec les membres du ministère des Affaires étrangères a déclaré que lIran avait fondé une grande partie de sa stratégie sur le soutien de la Russie. Le scientifique politique a demandé à ne pas être identifié afin de ne pas compromettre ses relations avec les membres du gouvernement.
Celui-ci a également affirmé que certains négociateurs pensaient quen étant hostiles à lOccident, ils pourraient inciter Moscou à faire de Téhéran son bastion au Moyen-Orient. « Ils pensaient que la direction à suivre était celle de lest », a-t-il dit. « Ils en étaient convaincus et le voyaient dans lavenir. »
Il a ajouté : « Ils pensaient à 99 pourcent que la Russie saisirait cette opportunité et soutiendrait les dirigeants iraniens ».
La voie à suivre demeure vague tandis que lIran essaie de regagner du terrain.
Il y a un consensus ici autour de lidée que lIran a encore beaucoup datouts en main : son influence sur les chiites en Irak, ses liens étroits avec le Hezbollah libanais et la possibilité dutiliser le pétrole comme arme. Mais lincertitude quant à sa comparution devant le Conseil de Sécurité et la possibilité de sanctions poussent certaines personnes ici à reconsidérer le bien-fondé de la décision de combattre directement lOccident, selon les analystes.
Le Pr. Hadian a dit que selon lui, pour que lIran change fondamentalement sa politique, la situation pour le pays doit dabord empirer très fortement.
« Ils font tout pour que la situation reste calme », a affirmé M. Zeidabady, journaliste. « Nous avons reçu lordre de ne pas évoquer le renvoi du dossier au Conseil de Sécurité dans les médias. Bien que la situation soit très critique, ils veulent prétendre que tout est normal. Ils ne veulent pas montrer que le pays subit une pression et perd ses supporters. »
Nazila Fathi a contribué à la rédaction de cet article.