Le devoir : 18 novembre – Vienne — L’Iran a obtenu une quantité inconnue d’uranium de qualité militaire, ainsi qu’un plan pour fabriquer une arme nucléaire, du père de la bombe atomique pakistanaise, Abdul Qadeer Khan, a affirmé hier une organisation d’exilés iraniens qui, par le passé, a donné des informations exactes.
Le Conseil national de résistance de l’Iran (CNRI) a ajouté que l’Iran enrichissait secrètement de l’uranium dans un site qui n’a pas été déclaré à l’ONU, bien que Téhéran ait promis à la France, à la Grande-Bretagne et à l’Allemagne qu’il suspendait ses activités d’enrichissement.
Washington, qui a adopté une ligne dure envers l’Iran à propos du dossier nucléaire, a dit ne pas être en mesure d’évaluer les allégations du CNRI, mais il a relevé que ce groupe avait par le passé donné des informations exactes.
«Nous espérons que, comme l’Agence internationale de l’énergie atomique poursuit son enquête sur le programme nucléaire de l’Iran, elle prendra en compte toutes les informations crédibles sur les activités nucléaires de l’Iran, y compris ces informations, et qu’ensuite elle mènera une enquête sérieuse sur ces informations», a déclaré Adam Ereli, porte-parole du département d’État américain.
Le président iranien Mohammad Khatami a affirmé hier que son pays avait remporté «une grande victoire» en concluant un tel accord, soulignant que l’Irak ne renonçait pas aux activités d’enrichissement d’uranium mais les «suspendait». Ces propos sonnent comme une réponse aux «durs» de l’administration iranienne, qui ont exprimé mardi leur mécontentement à propos de ce compromis, qui signifie que les trois capitales européennes ne soutiendront pas les États-Unis s’ils cherchent à obtenir la saisine du Conseil de sécurité de l’ONU lors du prochain conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), le 25 novembre.
«[Abdul Qadeer »> Khan a donné aux Iraniens une certaine quantité d’uranium fortement enrichi en 2001, aussi en ont-ils d’ores et déjà», a assuré aux journalistes à Vienne Farid Soleiman, porte-parole du CNRI. «Je doute qu’il en ait donné suffisamment pour fabriquer une arme», a-t-il cependant ajouté.
Khan, a précisé Soleiman, a également donné à l’Iran un plan de tête nucléaire mise au point par les Chinois à un moment ou l’autre durant la période 1994-96. L’AIEA a déclaré que le réseau de Khan avait donné ce plan de bombe à la Libye, et l’organisation onusienne cherche à déterminer si l’Iran l’a acquis lui aussi, ce dont elle n’a pas la preuve.
Selon Soleiman, l’Iran enrichit actuellement de l’uranium dans un site situé dans le nord-est de Téhéran dans le cadre de la poursuite d’un programme secret d’armement nucléaire.
D’après lui, l’Iran a pour objectif de se doter de l’arme nucléaire à la mi-2005, soit deux ans avant la date à laquelle Israël pense que l’Iran aura une «capacité nucléaire».
Ce site, appelé le Centre de mise au point des technologies militaires de pointe, est dirigé par le ministère de la Défense et se trouve à Lavizan, près d’un autre site où, selon les États-Unis, l’Iran a procédé à des expériences nucléaires secrètes avant de démolir tous les bâtiments. Le matériel que comptait le site désormais rasé a été réinstallé dans le nouveau centre.
Ce site, a dit Soleiman, dispose d’une série de centrifugeuses, appareils qui purifient le minerai en tournant à des vitesses supersoniques, ainsi que d’autres équipements servant à l’enrichissement de l’uranium.
Le CNRI a adressé à l’AIEA une lettre sur le nouveau site en question voici plusieurs jours.
«Il existe actuellement d’autres sites qui contribuent à l’enrichissement d’uranium en Iran», a expliqué Soleiman, qui ne veut pas en dire plus tant que des sources à l’intérieur de l’Iran n’auront pas vérifié elles-mêmes ces informations.
Selon des diplomates en poste à Vienne qui suivent de près les dossiers de l’AIEA, le CNRI a été la meilleure source d’information jusqu’à présent sur les activités nucléaires de l’Iran.
Le CNRI avait affirmé en août 2002 que la République islamique n’avait pas déclaré à l’AIEA une importante usine d’enrichissement d’uranium à Natanz, pas plus qu’une installation à l’eau lourde à Arak. Ces accusations avaient été confirmées par la suite et l’Iran avait déclaré ces installations-là à l’AIEA.
Tout comme Washington, le CNRI accuse le gouvernement iranien de se servir de son programme nucléaire civil comme paravent à des activités militaires clandestines. Téhéran dément ces accusations.
Le CNRI est la branche politique d’un groupe d’exilés appelée l’Organisation des moudjahidines du peuple. Tous deux sont considérés par le département d’État comme des organisations terroristes.
Dans un nouveau rapport, l’AIEA estime que Téhéran n’a pas détourné de matériaux nucléaires déclarés vers un programme d’armement mais n’exclut pas la possibilité d’activités atomiques clandestines.