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PARIS – Les Européens se retrouvent confrontés à une impasse dans les négociations entamées il y a deux ans avec l’Iran pour tenter d’empêcher la République islamique de se doter de l’arme nucléaire en échange d’une coopération à long terme, selon des analystes.
« Il est clair que l’ensemble du compromis est par terre », déclare à l’AFP Georges Le Guelte, spécialiste du dossier, ex-secrétaire général du Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Signe de cette impasse, les Européens ont annulé une rencontre prévue le 31 août dans le cadre de leur offre de coopération, rejetée par les Iraniens.
« Il est très difficile d’avoir une négociation formelle quand on n’a pas de cadre de négociation et pas de base de négociation », relève un diplomate européen.
Ce diplomate fait valoir que les Iraniens ont rejeté l’offre détaillée de coopération nucléaire, commerciale et politique remise le 5 août à la République islamique, qui était la base de la négociation, avant de sortir de l’accord de Paris de novembre 2004, qui en était le cadre, en reprenant le 8 août la conversion d’uranium dans leur usine d’Ispahan (centre).
Les Iraniens soutiennent que cette reprise ne viole pas l’accord de Paris.
Jeudi, le nouveau responsable iranien chargé du nucléaire, l’ultra Ali Larijani, a mis en cause la légitimité du trio européen Royaume-Uni, France, Allemagne (UE3), qui avait entamé ses pourparlers à Téhéran en octobre 2003.
Paris a fait savoir le jour même que les Européens étaient prêts à examiner des propositions sur le nucléaire promises par le président Mahmoud Ahmadinejad et gardaient toujours « la porte ouverte » pour une éventuelle reprise des négociations.
Pour François Heisbourg, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), « les Iraniens disent: nous sommes sortis des accords de l’année dernière, mais on peut négocier ce dont nous ne sommes pas sortis ».
La troïka européenne est aussi victime d’un contexte politique et économique favorable aux Iraniens, selon Bruno Tertrais, chercheur au Centre de recherches et d’études Internationales (CERI) et à la FRS.
« La situation des Américains en Irak rend à leurs yeux l’option militaire peu probable, et le prix élevé du baril de pétrole le met du point de vue de la trésorerie dans une situation à court terme très favorable », face à d’éventuelles sanctions économiques, souligne-t-il.
Face à l’intransigeance iranienne, les Européens sont contraints d’envisager une saisine du Conseil de sécurité de l’Onu, vivement souhaitée par les Etats-Unis, mais qui confirmerait l’échec d’une solution européenne négociée.
« Les Européens ont décidé que si l’Iran ne restaure pas la suspension avant le 3 septembre, ils demanderont au Conseil des gouverneurs de l’AIEA de renvoyer l’Iran devant le Conseil de sécurité », assure Gary Samore, de l’International institut for strategic studies (IISS) de Londres.
L’UE3 ne veut toutefois pas se précipiter. « Dans l’intervalle, on ne ferme pas la porte à des contacts avec les Iraniens », dit le diplomate européen.
Mais pour Georges le Guelte, « si les Iraniens sont prêts à aller jusqu’au bout pour se procurer l’arme nucléaire, il faudra faire un choix entre deux solutions également mauvaises: ou bien laisser l’Iran acquérir ces armes, et il pourrait être suivi par au moins une demi-douzaine de pays, ou bien recourir à une solution militaire ».