Iran and its NeighboursIrakIran-Irak - La police irakienne : un problème mortel

Iran-Irak – La police irakienne : un problème mortel

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Time, Bagdad, 21 mars – par Christopher Allbritton – (exclusif web) – Certains blâment le ministre de l’Intérieur Bayan Jabr d’avoir transformé les forces entraînées par les Américains en de violentes troupes de choc chi’ites.

Les corps ont commencé à faire leur apparition la semaine dernière. Lundi, 34 cadavres ont été trouvés. Dans l’obscurité de mardi matin, 15 hommes de plus, âgés entre 22 et 40 ans, ont été retrouvés à l’arrière d’une camionnette dans le district d’al-Khadra, à l’ouest de Bagdad. Ils ont été pendus. Au point du jour, 40 corps de plus ont été retrouvés dans la ville, la plupart présentant des marques de torture avant d’être exécutés. La découverte la plus épouvantable est celle d’un charnier de 5 mètres sur 7 dans les bidonvilles chi’ites de Kamaliyah à l’est de Bagdad contenant les corps de 29 hommes, vêtus uniquement de leurs sous-vêtements, les mains liées et du ruban adhésif sur la bouche. Les résidents locaux l’ont remarqué lorsque le sol a commencé à suinter de sang. En tout, 87 corps ont été découverts en deux jours à Bagdad.

L’horreur de cette découverte macabre, la dernière en date, est peut-être le signe effrayant que l’Irak s’enfonce de plus en plus dans la boucherie, et très probablement dans la guerre civile. Mais ce qui est aussi inquiétant, c’est l’accumulation de preuves indiquant que ces massacres et d’autres du même type sont tolérés et même encouragés par les forces de police de l’Irak à majorité chi’ite, commandées par le ministre de l’Intérieur irakien, Bayan Jabr. Sous sa supervision, des milices sectaires viennent gonfler les rangs des unités de police et, selon les sunnites, se servent de leur statut pour se venger et perpétrer des massacres contre les sunnites. En laissant une milice entraînée par l’Iran pendre le contrôle du ministère, disent les critiques, Jabr a donné son aval pour des meurtres ciblés d’hommes sunnites et fait obstruction aux enquêtes sur les escadrons de la mort du ministère de l’Intérieur. Nous avons tenté à plusieurs reprises de les contacter, mais ni Jabr ni les porte-parole du ministère de l’Intérieur n’ont accepté de commenter cet article.

La réputation violente grandissante de Jabr et de ses forces survient à un moment particulièrement inopportun pour l’administration Bush qui voudrait transmettre aussi vite que possible la responsabilité de la sécurité à ces mêmes unités de police. Ce qui laisse réellement croire, chose inquiétante, que les Etats-Unis entraînent et arment en fait un camp du conflit qui semble empirer chaque jour. « Les milices sont l’infrastructure de la guerre civile », a déclaré dernièrement l’ambassadeur américain Zalmay Khalilzad au TIME. Khalilzad a publiquement condamné Jabr et a affirmé que les nouveaux ministères de la sécurité sous le prochain gouvernement irakien permanent devaient être dirigés par des personnes compétentes n’ayant aucun lien avec les milices et étant « non sectaires ». L’aide américaine pour l’entraînement de la police et de l’armée en dépend, a-t-il ajouté.

Mais depuis que Jabr a été nommé ministre de l’Intérieur après que les élections de janvier 2005 aient amené au pouvoir une coalition religieuse chi’ite, d’après ce que prétendent les Sunnites, il a commencé à faire de la Police nationale paramilitaire des troupes de choc chi’ites. En tant que membre du Conseil suprême pour la révolution islamique en Irak (SCIRI), soutenu par l’Iran, Jabr a fui en Iran dans les années 1970 afin d’éviter les mesures de répression de Saddam. Jerry Burke, ancien conseiller civil de la police au ministère de l’Intérieur, a expliqué que l’expérience de Jabr du gouvernement de Saddam l’avait rendu amer et méfiant de toutes personnes suspectées d’avoir des liens avec l’ancien régime, ce qui englobe évidemment les anciens membres des Forces spéciales de Saddam Hussein et ses Gardes républicains qui représentaient à l’origine la majeure partie de la Police nationale lorsque Jabr est entré en fonction.

Afin de faciliter la transformation des forces de police, Jabr s’est assuré l’assistance de la branche armée du SCIRI, l’Organisation Badr. Les membres de cette milice sont de plus en plus présents dans la Police nationale, qui est composée maintenant de neuf brigades et de 17500 membres répartis entre les Commandos spéciaux de la police, les brigades de l’Ordre public et une brigade motorisée qui sera bientôt transférée au ministère de la Défense. « Le commandement des commandos a été délégué à Badr », a déclaré Matt Sherman, ancien conseiller de l’Autorité provisoire de la coalition au ministère de l’Intérieur. « Et les nouvelles recrues viennent principalement de Badr. »

En effet, devant le ministère, des bannières portant des messages de solidarité avec l’Imam Hussein, une des figures saintes chi’ites, flottent dans la brise du printemps aux côtés, et parfois à la place, du drapeau irakien. La plupart des gardes portent une barbe invariablement taillée dans le style coupé ras iranien, ce qui les distingue à Bagdad où les barbes sont moins courantes.

Comme tellement de choses en Irak actuellement, cela ne devait pas se passer ainsi. En décembre 2003, David Gompert, ancien conseiller à la sécurité nationale pour l’Autorité provisoire de la coalition, s’est aperçu du danger que représentent les milices sectaires pour la stabilité en Irak. Pendant le déclin de l’Autorité provisoire de la coalition, le vice-roi américain L. Paul « Jerry » Bremer a émis l’arrêt 91 qu visait à démobiliser ou intégrer neuf milices comptant pour 100.000 hommes dans les forces de sécurité irakiennes. Mais le pesh merga kurde et la branche armée du SCIRI, l’Organisation Badr, existent toujours aujourd’hui parce que cet arrêt n’a jamais été totalement et efficacement appliqué.

Gompert rejette complètement la responsabilité de cela sur le gouvernement irakien d’Iyad Allawi ainsi que sur l’ambassade américaine. Avec l’armée américaine engagée dans plusieurs opérations majeures en 2004 et le gouvernement passant de l’Autorité provisoire de la coalition à une présence diplomatique plus traditionnelle avec l’arrivée de l’ambassadeur américain John Negroponte fin juin, Gompert déclare que ni Allawi ni les Etats-Unis n’ont fait du programme de réintégration une priorité. Les programmes de formation professionnelle menés par le ministère du Travail d’Allawi ont été annulés pour des raisons personnelles et les programmes de retraite et les autres aspects du programme DDR de « démilitarisation, démobilisation et réintégration » sont passés de mains en mains.

Ce qui rend les choses pires encore, c’est que la police, contrairement à l’armée irakienne qui est encore sous le commandement et la supervision des USA, a été ignorée pratiquement depuis le début de l’occupation, selon Burke. Le peu d’attention accordée tout de même à la police nationale provenait des officiers du renseignement militaire américain, non des conseillers civils de la police.

Cette grave omission, provenant de la méconnaissance de l’armée des méthodes de la police civile et aussi de son refus d’apprendre, a conduit à de nombreux abus et peu de châtiments pour ceux-ci. Le département d’Etat américain, dans un rapport publié il y a deux semaines, a listé de nombreux incidents survenus en 2005, remontant à mai lorsque Jabr a été nommé ministre de l’Intérieur et lorsque des Sunnites ont été exécutés par la police du ministère de l’Intérieur ou par les milices chi’ites. Pour chaque cas, Jabr a donné l’ordre de mener l’enquête, et pour chaque cas, les conclusions de l’enquête n’ont jamais été transmises.

En partie en raison de l’immobilisme du ministère de l’Intérieur, d’après Burke, ancien conseiller au ministère de l’Intérieur, Jabr a été au moins indirectement responsable de la mort de centaines d’hommes sunnites en âge de faire leur service militaire, dont les corps ont été retrouvés à la station d’épuration des eaux usées dans le sud-est de Bagdad fin décembre. Des hommes en uniformes de police et des véhicules circulaient de manière régulière dans la ville en plein jour traînant derrière eux des cadavres à l’arrière de camions à destination de cette station d’épuration, explique-t-il. Des prisonniers disparaissaient fréquemment, d’après Burke, car ils venaient les chercher la nuit et personne ne pouvait dire précisément qui était arrêté et où ils étaient emmenés. « Les Commandos spéciaux de la police, dit-il en les appelant par leur ancien nom, sont de manière quasiment définitive incontrôlables ».

La réputation de la police nationale est tellement sombre qu’après l’attentat du 22 février dans la mosquée Askariya de Samarra, un grand nombre de Sunnites ont affirmé que les responsables étaient les troupes du ministère de l’Intérieur qui cherchaient un prétexte pour déclencher une guerre civile. Leurs craintes ont été renforcées dans les deux jours sanglants qui ont suivi l’attaque où l’Irak est devenu un vaste abattoir sectaire. Au lieu de protéger les citoyens les uns des autres, les unités de la police nationale restaient là à ne rien faire pendant que les émeutiers chi’ites, et les miliciens rivaux de l’armée Mahdi de Moqtada al-Sadr, prenaient d’assaut les mosquées sunnites et envahissaient en masse les quartiers sunnites, selon de nombreux témoignages dont certains ont été confirmés par le général américain George Casey, commandant des forces américaines en Irak.

Les efforts des Américains pour tenter de contenir ce sectarisme meurtrier n’amélioreront probablement pas la situation et pourraient même dans certains cas aggraver le problème. Au lieu d’augmenter le nombre de conseillers civils pour les forces de police locales en Irak, la porte-parole du Commandement Multi National de Transition de la Sécurité en Irak a déclaré qu’un plus grand nombre d’officiers de la police militaire et de l’armée des Etats-Unis seraient désignés pour les former. Les Equipes de transition de la police spéciale sont le modèle à suivre. « Les Equipes de transition de la police spéciale sont très efficaces dans leurs missions », a affirmé la porte-parole. Aucun changement n’est prévu dans le programme de supervision de la police nationale.

Gompert fait remarquer : « Je me souviens avoir dit ‘S’il doit y avoir une guerre civile, ce sera entre les insurgés sunnites et les milices chi’ites’ ». Et tant que Jabr sera à la tête du ministère de l’Intérieur et de ses forces de police, on peut être à peu près certain de qui dans le conflit aura la loi, et l’entraînement des Américains, de son côté.

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