
La chercheuse analysait l’enjeu de la présence iranienne aux côtés de l’armée irakienne et des milices dans la reconquête de Tikrit, contrôlé par l’Etat islamique.
Depuis plusieurs jours, les forces gouvernementales irakiennes ont lancé une vaste offensive dans les environs de Tikrit, tombé en juin entre les mains de Daech. Cette offensive est menée particulièrement par l’armée irakienne et des miliciens chiites avec le soutien des gardiens de la révolution iraniens qui contrôlent ces milices. Des informations sur les exactions des milices chiites alertent de plus en plus l’opinion sur les réseaux sociaux et plusieurs ONG dont Amnesty International et Human Rigths Watch ont présenté des rapports alarmants sur leurs crimes.
Selon l’experte Myriam Benraad qui vient de publier Irak, la revanche de l’histoire (éd. Vendémiaire), « ce soutien (de l’Iran) donne une supériorité militaire aux milices chiites, qui ont en outre largement infiltré l’armée. Cette dernière est donc considérée par la majorité des sunnites de ces régions comme une force d’occupation et ils craignent les représailles. »
Soulignant la nécessité d’une solution politique, la politologue précise : « s’il n’y a pas une relance du processus politique et l’instauration d’un nouveau leadership sunnite, le gouvernement central dominé par les chiites ne pourra tenir ces régions. »
Interrogé sur la marge de manœuvre du gouvernement d’Haïdar al-Abadi, elle précise qu’il subit « de fortes pressions au sein même du camp chiite, aussi bien de la part des milices – dont il a besoin pour affronter l’EI –, de ses alliés politiques à Bagdad que de la part de l’Iran qui, du fait de son engagement militaire croissant sur le terrain, considère avoir désormais un droit de regard sur la composition du gouvernement et les affaires intérieures irakiennes. »
Selon Benraad « l’Iran mène clairement en Irak une politique de puissance cherchant à étendre ses canaux d’influence et à prendre le contrôle de ce pays. Cela s’est encore accru avec le prétexte de la lutte antiterroriste contre l’Etat islamique. Il faut en finir avec une vision manichéenne des choses, qui donne à la République islamique le beau rôle face à l’EI. De son côté, la politique des Etats-Unis n’est pas moins cynique. L’administration Obama a pris acte que l’Irak est sous domination chiite et préfère donner les clefs de l’Irak à l’Iran plutôt que de devoir faire face au chaos et à une extension de l’EI. »
La chercheuse estime que le calcul des américains est à très courte vue, « Cette stratégie est en train de recréer les conditions pour une reprise sur une vaste échelle de la guerre civile confessionnelle de la décennie précédente. Et par là même d’un retour en force d’un EI ou d’un groupe équivalent s’il était défait militairement dans les prochains mois. L’engagement de l’Iran ne fait qu’alimenter et crédibiliser les discours des groupes les plus radicaux du camp sunnite», estime-t-elle.