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Les révélations de Montazeri et le crime de l’Iran contre l’humanité

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Les révélations de Montazeri et le crime de l'Iran contre l'humanité

Al Arabia – *Par Dr Majid Rafizadeh – « Vous [les responsables iraniens] serez à l’avenir gravés dans les annales de l’histoire comme des criminels. Le plus grand crime commis sous la République islamique, depuis le début de la Révolution jusqu’à maintenant, et qui sera condamné par l’histoire, est ce crime [des exécutions massives] que vous avez commis », prévient l’ayatollah Hossein Ali Montazeri la République islamique – les cadres du système judiciaire, du renseignement, le pasdaran ainsi que tous les autres fonctionnaires impliqués, dans un enregistrement audio récemment divulgué.

Le fils de Montazeri, Ahmad, un religieux modéré, a posté l’enregistrement audio sur son site web, mais il lui a été ordonné par le Renseignement de le retirer.

Né à Ispahan, en Iran, l’ayatollah Hossein Ali Montazeri a été l’un des pères fondateurs de la République islamique, un militant des droits de l’homme, un théologien islamique et le successeur désigné du Guide Suprême de la Révolution islamique, l’ayatollah Rooh Allah Khomeini, jusqu’aux derniers moments de la vie de ce dernier. Ses photos ont été affichées à côté des siennes dans les rues.

Beaucoup pensaient qu’il aurait pu rester silencieux, acquiescer et suivre le plan des dirigeants au pouvoir – parmi lesquels Khomeini, Rafsandjani, Khamenei, et les cadres supérieurs des Gardiens de la Révolution iranienne (pasdaran) – afin de bénéficier de la position religieuse et politique la plus élevée au sein de la République islamique. Mais Montazeri a estimé qu’il « n’avait aucune emprise sur le Jour du Jugement » et qu’il considérait cela comme son devoir de se prononcer et « de mettre en garde l’Imam [Rouh Allah Khomeini]. »

Le sort de Montazeri a radicalement changé. Il se sentait toujours obligé de se prononcer ; selon lui, la République islamique s’était sensiblement détournée des idéaux de la révolution, il trouvait que la religion interférait dans les affaires politiques de l’Etat, que l’image de l’Islam était en train d’être ternie par la République islamique, et à son avis le peuple devrait avoir plus d’emprise sur le gouvernement.

La chute de Montazeri de l’élite dirigeante a atteint son point culminant en 1989 juste avant la mort de Khomeini. Montazeri – le Grand Marja » et l’un des théologiens islamiques les plus compétents – a été remplacé par un jeune religieux du nom d’Ali Khamenei. Le pasdaran, qui avait passé le stade d’être un enfant parmi les pères fondateurs de la révolution avait apparemment besoin d’un leader de rang inférieur qui ne défierait pas l’armée et agirait surtout comme la marionnette de l’institution.

Une des tensions fondamentales entre Montazeri et l’élite dirigeante était sa critique selon laquelle la politique du gouvernement violait les droits inaliénables du peuple et aliénait leur liberté. Le fait que Montazeri ait fait émerger cet enregistrement audio a mis en lumière les piliers sous-jacentes de la République islamique dans la consolidation de son pouvoir et de sa gouvernance.

Une des tensions fondamentales entre Montazeri et l’élite dirigeante était sa critique selon laquelle la politique du gouvernement violait les droits inaliénables du peuple et aliénait leur liberté.

Dr Majid Rafizadeh

Crime contre l’humanité

En référence à l’une des pires exécutions massives dans l’histoire moderne du Moyen-Orient, perpétré par les responsables du gouvernement, Montazeri a déclaré : « Je suis une personne qui parle sans détours. Je ne tais pas ce qu’il y a au fond mon cœur. Contrairement à certains hommes qui font ce qui est politiquement opportun… Croyez-moi, je n’ai pas pu dormir et ce problème (les exécutions) occupe mon esprit pendant 2 à 3 heures chaque nuit … comment allez-vous répondre aux familles ? Combien est-ce que le Shah en a exécuté ? Comparez notre nombre d’exécutions au sien ! »

Quand un responsable lui a demandé s’il donnait son accord pour l’exécution de 200 personnes, il a violemment répliqué « Je ne donne aucunement mon accord. Je suis même contre le fait qu’une seule personne soit exécutée. »

Beaucoup parmi ceux qui ont été exécutés étaient dans le groupe d’opposition du MEK qui est actuellement dirigée par Maryam Rajavi. Amnesty International estime que, durant l’été de 1988, le nombre total de personnes exécutées était de 4.500. Selon certaines estimations, ce nombre irait jusqu’à plus de 30.000 personnes. Plusieurs d’entre ces estimations proviennent de la MEK.

« A mon avis, c’est (les exécutions massives) quelque chose que le Renseignement voulait, et y avait investi et Ahmad Agha, le fils de M. Khomeini, a toujours martelé depuis trois ou quatre ans.

« Les Moudjahidin, même ceux qui lisent leur journal, en passant par ceux qui lisent leur magazine, jusqu’à ceux qui lisent leurs déclarations – tous doivent être exécutés » et ensuite des gens qui chantent durant les prières du vendredi que les prisonniers monafeqin (Moudjahidin) doivent être exécutés… Et lorsque [les responsables iraniens du système judiciaire] veulent interroger l’Imam, au lieu de lui dire que [des exécutions] à une aussi grande échelle n’arrangent pas nos intérêts et causeraient des dommages, ils demandent si nous devrions les exécuter dans les provinces ou dans les villes !! » a déclaré Montazeri.

Montazeri souligne les éléments non islamiques, illégaux et injustes de ces exécutions parmi lesquels se trouvaient les exécutions des enfants et des femmes enceintes. « Donc, maintenant, sans qu’ils n’aient conduit de nouvelles activités (les prisonniers), nous allons les exécuter. Cela signifie que nous aurions tous merdé, notre système judiciaire tout entier serait injuste. N’est-ce pas ce que cela signifie ? Nous sommes entre nous ici. Je veux dire, nous voulons faire le point… ce garçon-là, son frère était en prison.

Finalement lorsque vous apprenez qu’il s’est fait prendre, il a été rapporté que sa sœur était également suspecte. Alors ils sont partis et ont amené la sœur. Ils ont exécuté le garçon. La sœur – cela faisait seulement deux jours qu’on l’avait amené – lorsqu’on l’a informée (de la mort du frère), elle a répondu, j’aimais ces gens. La sœur serait âgée de 15 ou 16 ans. Il a été dit, maintenant que son frère a été exécuté, et après ce qu’elle a répondu, exécutez-la aussi, et cela a été fait.

« A Ispahan, une femme enceinte se trouvait parmi eux [ceux qui ont été massacrés]. A Ispahan une femme enceinte a été exécutée…. [Dans la jurisprudence théocratique] l’on ne doit pas exécuter une femme, même si elle est un mohareb (ennemie de Dieu). J’ai rappelé cela à Khomeini, mais il a affirmé qu’elles doivent être exécutées. Au mois de Mouharram, surtout durant le mois de Mouharram, le mois de Dieu et du Prophète, cela ne devrait pas être comme ça. Ressentez au moins une certaine honte devant l’imam Hussein. Annuler toutes les réunions et s’engager tout d’un coup dans une telle boucherie, en les trainant dehors et Bang ! Bang !!! Cela se passe-t-il quelque part dans le monde ? … »

Montazeri a reconnu la foi des Bahaïs et fait valoir qu’ils devraient être traités sur un même pied d’égalité. Il a soutenu que l’on ne devrait pas répondre à l’opposition par des exécutions, mais en contestant leur idéologie.

« Les exécuter sans (qu’ils n’aient conduit) de nouvelles activités remet en question tous les juges et les jugements antérieurs. Comment justifiez-vous l’exécution de quelqu’un qui a été condamné à quelque chose de moins qu’une exécution ? Actuellement, nous avons coupé toutes les réunions et appels téléphoniques. Mais demain, quelle réponse pouvons-nous donner à leurs familles ? … En fin de compte, les Moudjahidin du Peuple d’Iran ne sont pas simplement des individus. Ils représentent une idéologie et un courant de pensée. Ils représentent une logique. Il faut répondre à la mauvaise logique en présentant la bonne logique. On ne peut pas résoudre cela grâce à la tuerie ; la tuerie ne fera que la propager et la répandre. »

Le gouvernement ne pouvait pas éliminer Montazeri comme il l’a fait avec d’autres leaders de l’opposition en raison de son autorité religieuse et du grand nombre de disciples qu’il avait. Il a été placé en résidence surveillée et ses discours et activités ont été fortement contrôlés.

Pouvoir et positions

Ironiquement, tous ces gens auxquels Montazeri s’adressent et qu’il met en garde sur l’enregistrement audio, tous ceux qui ont été impliqués dans ces crimes, semblent actuellement bénéficier de postes élevés. Mostafa Pourmohammadi était un représentant du ministère du Renseignement à la prison d’Evin, et il a récemment été nommé par le soi-disant président modéré Hassan Rohani à être ministre de la Justice. Ebrahim Raeisi était un procureur et est actuellement à la tête de Astan Qods Razavi, qui a des milliards de dollars de recettes.

Hussein Ali Nayeri était un juge et est maintenant l’adjoint de la Cour suprême de l’Iran. Dans son mémoire, Montazeri écrit qu’il a demandé à Nayeri d’arrêter les exécutions au moins durant le mois de Mouharram, mais Nayeri a déclaré : « Nous avons exécuté jusqu’à présent 750 personnes à Téhéran… nous finissons en [exécutant] 200 autres personnes et ensuite nous écouterons tout ce que tu diras.» Montazeri a également écrit plusieurs lettres à Khomeini pour l’avertir.

Ce qu’il est crucial de souligner c’est que, de façon réaliste, ces gens ne sont que quelques-uns de ceux qui seraient impliqués dans des crimes contre l’humanité à une si grande échelle. Ils ont obtenu des postes plus élevés, du pouvoir et de l’argent.

Montazeri a conseillé aux hommes politiques qui sont au pouvoir : « Prenez garde à ce que diront les gens dans 50 ans en portant un jugement sur le Guide [Khomeini] et affirmeront qu’il était un dirigeant assoiffé de sang, violent et meurtrier…. Je ne désire pas que l’histoire se souvienne de lui de cette manière… »

Les écrits, les messages ainsi que l’enregistrement audio de l’ex-héritier du Guide Suprême de l’Iran mettent en évidence la méthode systématique que les responsables de la République islamique ont utilisée pour traiter avec l’opposition. Les exécutions ou les châtiments violents à l’encontre de l’opposition sont devenus la pierre angulaire de l’élite politique iranienne. L’Iran se classe 1er dans le monde en ce qui concerne les exécutions par habitant.

L’enregistrement audio de Montazeri pointe l’un des pires crimes contre l’humanité commis dans l’histoire moderne et cela continue de se produire. Il souligne les moyens que le gouvernement utilise pour contrôler la population et le silence de l’opposition. Il souligne l’interdépendance de l’Islam chiite, du pouvoir et de l’autoritarisme, et il pointe vers la domination du pasdaran, du Renseignement, de Khamenei et de leurs partisans.

Il est important de noter que la révélation concernant cette exécution massive pointait un seul été sur les 37 ans de l’histoire de la République islamique. Qu’y a-t-il d’autre de cacher là dont nous ne sommes pas au courant ?

Enfin de compte, il incombe aux organisations des droits de l’Homme, à l’Organisation des Nations Unies et à la Cour pénale internationale (CPI) de mener des enquêtes rigoureuses et de traîner ceux qui ont commis et continuent de commettre ces crimes – et encore plus ceux qui officient actuellement à des postes élevés au sein de l’Iran – devant la justice. Les appels à ce que ces personnes soient traînés en justice augmentent.

Les organisations internationales et la communauté internationale ont fait cela auparavant, comme pour les membres des nazis. Tout individu ou institution qui commet des crimes contre l’humanité ne doit vivre confortablement sans être tenu responsable.

______________________
*Dr Majid Rafizadeh, un politologue irano-américain et chercheur de l’Université de Harvard, est président du Conseil international américain. Rafizadeh siège au conseil d’Harvard International Review à l’Université Harvard. Il est également membre du projet du Golfe à l’Université de Columbia. Rafizadeh a officié en tant que « senior fellow » à l’Organisation internationale de la non-violence basée à Washington DC. Il a été récipiendaire de plusieurs bourses d’études et associations, y compris de l’Université d’Oxford, de l’Université Annenberg, de l’Université de Californie à Santa Barbara, et du programme d’enseignement Fulbright. Il a servi comme ambassadeur du Conseil national irano-américain basé à Washington DC, a mené des recherches au Centre international Woodrow Wilson, et enseigné à l’Université de Californie à Santa Barbara à travers la bourse d’enseignement Fulbright. Il est joignable à [email protected], @Dr_Rafizadeh.

SourceAl Arabia

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