The Guardian, 18 décembre – Par Robert Tait à Téhéran – Les activistes étudiants iraniens qui ont organisé une manifestation contre le président Mahmoud Ahmadinejad la semaine dernière, se cachent craignant pour leur vie après que les partisans du président aient menacés de se venger.
Un étudiant a pris la fuite après avoir été photographié brandissant une pancarte où lon pouvait lire «président fasciste, lIUT nest pas pour toi », lors de la visite de M. Ahmadinejad à lUniversité Amir Kabir de Téhéran. Au moins trois autres se sont faits remarquer en brûlant sa photographie.
Les agents du groupe militant Ansar-e Hezbollah sont à leur recherche. En contraste avec les acclamations que M. Ahmadinejad a reçues dans de nombreuses apparitions récentes en Iran, il a été accueilli cette fois-ci par le slogan « Mort au dictateur », alors quil faisait un discours dans le
gymnase de luniversité la semaine dernière.
Plusieurs centaines détudiants sont entrés de force pour pouvoir exprimer leur colère concernant les mesures répressives appliquées dans les universités depuis quil est devenu président lannée dernière.
Tandis que ses conseillers ont sous-estimé lincident, le Guardian a appris les détails de cet événement violent et chaotique.
Ces révélations nous sont parvenues hier en même temps que les résultats préliminaires des élections du conseil qui ont eu lieu vendredi et qui indiquaient que les partisans radicaux de M. Ahmadinejad nétaient pas parvenus à prendre le contrôle de plusieurs autorités locales clés. Le taux de participation était estimé à environ 60% après que les réformateurs aient encouragé les électeurs progressistes à voter en grand nombre pour protester contre la politique du gouvernement.
La manifestation lundi dernier à luniversité a provoqué de violentes émeutes entre les activistes étudiants et les nombreux miliciens du Bassij, venus pour soutenir le président. Quelquun a lancé une chaussure sur M. Ahmadinejad pendant quun étudiant sest fait casser le nez par un conseiller membre du cabinet ministériel.
Les manifestants ont ensuite encerclé la voiture du président, ce qui a poussé un agent de sécurité à lancer une grenade paralysante. Quatre véhicules du convoi présidentiel sont entrés en collision dans leur départ précipité. Plus tard, le personnel de M. Ahmadinejad a insisté sur le fait quil était resté calme et quil avait donné lordre pour que les étudiants ne soient pas punis. Mais certaines personnes présentes affirment quil les a accusés dêtre payés par des agents des Etats-Unis qui seraient
poursuivis.
« Il nous a menacés directement, en disant que ce que nous faisions étaient contre la volonté de la nation », a déclaré Babak Zamanian, porte-parole du comité des étudiants islamiques de lUniversité Amir Kabir. « Ensuite, les étudiants ont manifesté de façon plus intense, le qualifiant de dictateur
religieux menteur et en criant Oublie lAmérique et pense un peu à nous ! »
« Nous avons scandé A bas Ahmadinejad ! et Ahmadinejad, élément de discrimination et de corruption. On pouvait lire sur son visage quil était très choqué. Il na pas étalé son sourire habituel et à un moment, jai cru quil allait pleurer. Il a demandé à ses partisans de répondre par un chant
religieux acclamant Ahmadinejad, mais il était tellement secoué quil la chanté lui-même. »
Un autre étudiant a déclaré : « Il essayait de garder son calme, mais on voyait très bien quil était en colère et bouleversé ».
Des témoins affirment que M. Ahmadinejad a également tenté de ridiculiser les étudiants en faisant référence au code disciplinaire de luniversité, selon lequel ceux qui accumulent trois points de pénalité nont plus le droit de venir en cours. « Il a suggéré de publier un décret présidentiel pour que ceux qui ont réuni trois étoiles soient enrôlés comme sergents dans larmée. Cela a rendu les étudiants vraiment furieux », a affirmé M. Zamanian.
Lusage controversé du code disciplinaire par les autorités universitaires aurait été à lorigine des manifestations de la semaine dernière. Environ 70 étudiants ont été suspendus et menacés dexpulsion pour activités politiques variées, dont la rédaction darticles critiques du gouvernement.
Le mois dernier, les autorités ont démoli deux bâtiments appartenant au comité des étudiants islamiques, groupement modéré représentant diverses opinions. Un organisme étudiant élu a également été dissout. Les étudiantes sont obligées de porter la tenue conservatrice et deffacer leur maquillage.
Cest dans ce contexte que les activistes de lUniversité Amir Kabir, foyer traditionnel dactivisme politique, ont considéré la visite de M. Ahmadinejad comme une provocation délibérée et ont décidé de protester.
Pendant que certains chantaient, dautres hissaient des bannières et brûlaient ses portraits, certains ignorant les instructions de masquer leur visage. Létudiant de 21 ans qui a brandi la pancarte « président fasciste » fait partie des personnes menacées dexpulsion. Il serait en grave danger après que certains médias étrangers, dont le Guardian, aient publié la photo de son geste. Ses amis disent quil est allé se cacher après avoir été confrontés à deux agents.
« Ils lui ont dit quils allaient sortir son père de sa tombe [ancienne menace persane »> », a affirmé un étudiant. « Il court un grave danger. Les agents frappaient aux portes de la résidence universitaire à sa recherche. » Les étudiants craignent maintenant des mesures plus sévères encore. « Nous pensons que [les autorités »> vont réagir encore plus violemment quavant », a déclaré Armin Salmasi, 26 ans, activiste. « Nous sommes déjà sous surveillance en permanence. Le mouvement étudiant en Iran va devenir clandestin, comme il létait avant la révolution. »