LHumanité, 5 avril – Les deux chefs dÉtat sont à Paris au siège de lUnesco pour le dialogue des civilisations sur fond datteintes aux libertés en Iran et de répression contre la presse en Algérie.
Le président iranien Mohammad Khatami participe ce mardi, au siège de lUnesco à Paris, à une conférence sur le thème du « dialogue entre les cultures et les civilisations » dont lautre vedette devrait être le président algérien Abdelaziz Bouteflika. À cette occasion, et bien que leur visite ne soit pas une visite dÉtat, les présidents algérien et iranien devraient avoir chacun un entretien avec le président français Jacques Chirac.
Ces deux visites suscitent dailleurs bien des interrogations. Certes lAlgérie et lIran sont deux pays de grande culture représentatifs de civilisations brillantes : arabe et berbère pour lAlgérie, persane pour lIran et musulmane pour les deux. Il semble donc logique de les voir au premier rang du vaste dialogue entre les civilisations lancé par lUnesco après les attentats du 11 septembre 2001 pour conjurer les menaces de guerre des cultures et des religions que font planer sur le monde le terrorisme islamiste dun côté et limpérialisme américain, désormais teinté de messianisme, de lautre.
Mais les deux chefs de ces deux grandes nations arrivent avec une image entachée dun lourd passif en matière de respect des droits de lhomme et de la liberté dexpression.
Cest tout particulièrement le cas du président Mohammad Khatami, dont le pays est devenu lun des champions toutes catégories des exécutions, des emprisonnements de prisonniers politiques et de la répression. Le Mrap et le Mouvement de la paix organisent dailleurs une manifestation contre sa présence à Paris (1). Soulignant que la situation des droits de lhomme sest encore aggravée lannée dernière, le Mrap rappelle les résolutions adoptées par lONU en décembre et par le Parlement européen en janvier condamnant lIran. Le mouvement de la paix quant à lui condamne la volonté de lIran de se doter darmes de destruction massive.
Il est vrai que Mohammad Khatami, élu il y a huit ans sur des promesses de libéralisation du régime islamique, démancipation des femmes et de retour à la liberté dexpression, a renié toutes ses promesses. Il est devenu le président des espoirs déçus et pas grand monde en Iran ne regrettera la fin de son mandat, qui arrive à échéance en juin. Après un bref « printemps iranien » – à la fin des années quatre-vingt-dix – où lon avait vu fleurir toutes sortes de journaux et de magazines, la censure sest à nouveau abattue sur lIran. Au cours du second mandat de M. Khatami, 133 journaux ont été fermés et interdits, des centaines de journalistes emprisonnés et condamnés à de lourdes peines, dautres obligés de sexiler. Les arrestations politiques ont repris de plus belle après lété 1999 ainsi que les manifestations étudiantes dont Mohammad Khatami a personnellement ordonné la répression.
Les espoirs que beaucoup dIraniens, mais aussi dOccidentaux, avaient pu avoir sur la volonté démocratique de « Khatami le modéré » sont devenus désillusions, le président sétant révélé incapable de sopposer au diktat des conservateurs et de layatollah Khamenei. Aujourdhui en fin de parcours, le président Khatami ne se différencie plus guère de ses pairs, les mollahs et ayatollahs qui dirigent le pays. Il la encore montré en réaffirmant jeudi dernier devant des centaines de journalistes la volonté de lIran de poursuivre son programme denrichissement duranium, à un moment où lUnion européenne négocie avec Téhéran larrêt de ce programme pour satisfaire aux exigences du traité de non-prolifération nucléaire et aussi, bien sûr, à celles de Washington qui menace Téhéran de sanctions.
Cest sans doute de cela surtout quil sera question dans lentretien quaura le président Khatami avec Jacques Chirac. Et peut-être aussi de la situation au Liban où les pressions exercées par Washington pour le désarmement du Hezbollah inquiètent lIran, comme la répété samedi à Damas le ministre iranien des Affaires étrangères, Kharazi.
En ce qui concerne le président Bouteflika, il sera sans doute question entre lui et Jacques Chirac de la préparation du traité damitié que les deux pays doivent signer dans les mois à venir. Cela à un moment où la liberté de la presse est gravement violée en Algérie, avec les procès intentés à des journalistes, dont ceux du Matin, parmi lesquels Hassan Zerrouky. Le président français rappellera-t-il à son homologue que la liberté de la presse est une des libertés fondamentales et un droit humain sans lequel la démocratie est un vain mot et le dialogue des cultures un slogan vide de sens ?
Françoise Germain-Robin
Limage entachée de Mohammad Khatami et Abdelaziz Bouteflika
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