AFP, Téhéran, 24 mai – par Hiedeh FARMANI – Le régime islamique iranien a repêché mardi les deux principaux candidats réformateurs à l’élection présidentielle du 17 juin, dans une apparente volonté de désamorcer au plus vite une crise naissante.
Le repêchage de Mostapha Moïn et Mohsen Mehralizadeh pourrait cependant ne pas faire les affaires de celui qui arrive en tête des sondages, l’ancien président Akbar Hachémi Rafsandjani, un conservateur réputé pragmatique auquel les deux réformateurs risquent de prendre des voix.
M. Moïn, ancien ministre du président Mohammad Khatami, et M. Mehralizadeh, vice-président, ont été disqualifiés en même temps que plus d’un millier de candidats par le Conseil des gardiens, une institution ultra-conservatrice non élue.
Les six religieux et six juristes qui composent le Conseil des gardiens n’ont retenu que six noms: ceux d’Akbar Hachémi Rafsandjani, de quatre ultras tous anciens membres de l’armée idéologique et d’un religieux réformateur modéré quasiment condamné à la défaite.
Cette censure annoncée dimanche a créé les conditions d’une grave crise politique. M. Moïn, en particulier, semble le seul à posséder quelques chances de disputer la victoire aux conservateurs. Devant une protestation grandissante et la menace d’un large boycottage, le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, a, avec une rapidité exceptionnelle, demandé lundi le réexamen des candidatures de MM. Moïn et Mehralizadeh.
Le Conseil des gardiens a alors tenu « une session extraordinaire » et, pour « nous conformer à votre demande », a « reconnu la compétence de MM. Moïn et Mehralizadeh », a écrit son chef, l’ayatollah Ahmad Janati, au Guide, selon la radio et la télévision.
Le Conseil des gardiens a lui aussi réagi avec une célérité rare dans cette affaire.
La sélection qu’il avait opérée a jeté les germes d’une protestation semblable à celle de 2004 quand le même Conseil des gardiens avait éliminé plus de 2.000 candidats aux législatives, dont la plupart des personnalités réformatrices.
A l’époque déjà, le Guide était intervenu auprès du Conseil des gardiens. Mais ce dernier avait à peine corrigé sa liste de candidats.
L’une des plus graves crises politiques qu’ait jamais connue la République islamique s’était soldée par la victoire des conservateurs mais aussi le plus fort taux d’abstention dans une consultation majeure (50,57% de participation officiellement).
Comme en 2004, le principal parti réformateur, le Front de la participation, qui présente M. Moïn, a annoncé qu’il boycotterait ce « simulacre d’élection ».
Le prix Nobel de la paix iranien, Shirin Ebadi, a annoncé elle aussi qu’elle ne voterait pas le 17 juin, alors que le régime, soumis aux pressions internationales, a fait de la participation un enjeu de légitimité.
L’université de Téhéran a connu dans la nuit de lundi à mardi sa première manifestation.
Les étudiants, au nombre de 300 selon l’agence officielle Irna, sont sortis de leurs dortoirs pour entreprendre une marche de protestation en scandant des slogans contre l’invalidation de la candidature de M. Moïn, ancien ministre de l’Enseignement supérieur, et contre le régime. Ils ont été arrêtés sans heurts par la police, ont indiqué des témoins.
Des dizaines de policiers, dont des membres des forces anti-émeutes, avaient été déployés pour prévenir des débordements dans cette université qui est le coeur battant de la revendication politique.
Auprès des étudiants et d’une partie du corps électoral, MM. Moïn et, dans une moindre mesure, Mehralizadeh pourraient tirer profit de leur requalification après leur disqualification.
Cela pourrait être au détriment de M. Rafsandjani. Les spéculations vont bon train sur l’approbation de sa candidature par le Guide suprême. Avec MM. Moïn et Mehralizadeh, ce sont autant de voix qui ne se porteront pas sur lui face aux adversaires ultra-conservateurs.