AFP, Téhéran, 20 juin – par Laurent LOZANO – Le régime iranien a annoncé lundi le maintien à vendredi du second tour de la présidentielle après avoir consenti à faire recompter une partie des bulletins du premier tour pour faire taire de virulentes accusations de fraude.
Après ce nouveau décompte, « il est apparu qu’il n’y avait pas eu de fraude », a indiqué le Conseil des gardiens, institution ultra-conservatrice qui supervise les élections.
« Le Conseil déclare donc le scrutin régulier, il annonce que le second tour aura lieu vendredi et que la campagne entre les deux candidats commence demain », mardi, a fait savoir sur la télévision d’Etat cette assemblée de six religieux et six juristes, pilier du système islamique.
Akbar Hachémi Rafsandjani devrait donc a priori disputer la présidence vendredi à l’ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad, dans un second tour imprévisible et inédit sous la République islamique. Celle-ci avait élu tous ses présidents au premier tour jusqu’alors.
La présence totalement inattendue de M. Ahmadinejad, maire de Téhéran, au second tour a provoqué chez ses adversaires des protestations indignées contre une élection « truquée », consistant à faire « sortir un candidat spécifique des urnes ».
C’est pour y couper court que le Conseil des gardiens, lui-même mis en cause par les éliminés du premier tour, a ordonné lundi que soient recomptés les bulletins dans 100 urnes prises au hasard à Téhéran, dans la ville sainte de Qom (sud de Téhéran), à Ispahan (centre) et Machhad (nord-est) parmi les 41.071 du scrutin.
Les récriminations ne visaient pourtant pas seulement d’éventuels bourrages d’urnes, mais aussi des achats de voix et l’immixtion dans le vote du Conseil des gardiens, de l’armée idéologique (Gardiens de la Révolution) et de la milice islamiste (bassidj).
Ils auraient mené à la dernière minute et dans le plus grand secret une vaste entreprise de mobilisation en faveur de M. Ahmadinejad dans l’armée et les organisations radicales, disent leurs accusateurs.
« Les résultats du premier tour de la 9ème présidentielle sont contraires à ceux d’une élection libre et juste, et de nombreuses informations indiquent que le vote et le décompte ont été truqués », a dénoncé Mostafa Moïn, que soutenait le principal parti réformateur au premier tour.
« Il y a eu une ingérence organisée des forces militaires avant, pendant et après le vote, ce qui remet en cause l’honnêteté de l’élection ».
« La campagne menée par des forces militaires se servant des fonds de l’Etat au profit de l’un des candidats a permis à celui-ci d’être au second tour », a-t-il insisté pour réclamer, vainement, le renvoi du second tour.
Un autre candidat réformateur, Mehdi Karoubi, a stigmatisé les mêmes agissements que M. Moïn et, explicitement, les « sommes d’argent versées dans les jours avant l’élection ».
Le ton virulent de M. Karoubi, parlant d’une opération « proche du coup d’Etat » de la part du Conseil des gardiens, a valu aux deux quotidiens Eghbal et Aftab d’être interdits de parution pour une durée indéterminée, parce qu’ils ont reproduit sa diatribe, a-t-on appris de sources réformatrices.
« Les apparences des élections ne cachent pas la cruauté organisée de l’Etat théocratique iranien », a fustigé la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice, « le moment est venu pour que la minorité non élue relâche son emprise sur les aspirations du fier peuple d’Iran ».
Le régime maintient le second tour vendredi malgré les accusations de fraude
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