Libération, 13 juillet Par Christophe Ayad En s’appuyant sur le Hamas et le Hezbollah, ils disposent d’un moyen de pression direct sur Israël.
Les territoires palestiniens vont-ils finir par constituer la pointe septentrionale d’un «croissant chiite» qui traverserait tout le Moyen-Orient, depuis Téhéran en passant par Bagdad, Damas… et désormais Gaza ? La question peut surprendre au premier abord les musulmans des territoires palestiniens sont exclusivement sunnites , mais elle a politiquement un sens.
L’enlèvement, hier, de deux soldats israéliens par le Hezbollah apparaît clairement comme une tentative, pour le mouvement chiite libanais et ses deux «parrains», l’Iran et la Syrie, de peser encore un peu plus sur le conflit israélo-palestinien. Sans être une marionnette aux mains de la Syrie ou de l’Iran, le Hezbollah a toujours agi avec leur accord, sinon leurs encouragements. Malgré tout ce qui les sépare (l’obédience confessionnelle notamment), le Hamas et le Hezbollah ont tissé des liens depuis l’expulsion au Sud-Liban de plusieurs dizaines de cadres du Hamas au tout début des années 90.
ECHANGE
Depuis l’enlèvement du caporal Gilad Shalit, le 25 juin en lisière de la bande de Gaza, il semble bien qu’une des clés du problème se trouve à Damas, où réside Khaled Mechaal, le chef de file de l’aile la plus intransigeante du Hamas. Après avoir bloqué, selon des sources israéliennes, une libération rapide de Gilad Shalit, c’est lui qui a clairement posé, lundi, les termes de l’échange : le jeune caporal ne sera libéré que contre plusieurs centaines de détenus palestiniens. Sur cette base, le président égyptien avait tenté de mener une médiation.
L’escalade d’hier à la frontière israélo-libanaise remet tout en cause. Des «parties, que je n’identifierai pas, sont intervenues dans les contacts menés par l’Egypte, ce qui a créé des obstacles à l’accord imminent [entre Israël et les Palestiniens, ndlr »> », s’est emporté, hier, le raïs égyptien.
Pour Hosni Moubarak, le sabotage des efforts en cours porte la signature de l’Iran. La Jordanie, puis l’Egypte, deux des alliés les plus sûrs des Etats-Unis dans la région, se sont inquiétés des ambitions régionales de la République islamique, notamment en Irak mais aussi sur le plan nucléaire. Depuis son élection, le président Mahmoud Ahmadinedjad n’a de cesse, par ses appels à la destruction d’Israël, de radicaliser les opinions publiques arabes. Il a pu voir dans la victoire électorale du Hamas, en janvier, une confirmation de sa stratégie du pire. Et l’opportunité de disposer d’un moyen de pression direct sur Israël, principal obstacle aux ambitions nucléaires de Téhéran.
IRONIE
Quant à la Syrie, principale alliée de l’Iran dans la région, l’escalade actuelle permet au régime de Bachar al-Assad de desserrer l’étau international qui l’étreint depuis l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, en février 2005. Hasard ou suprême ironie : au moment où les combats faisaient rage dans le sud du Liban, le vice-président syrien Farouk al-Chareh s’entretenait à Damas avec Ali Larijani, le négociateur en chef iranien sur le nucléaire.