Le Monde, 24 janvier – Déjà en butte, ces dernières semaines, à de vives critiques dans la presse iranienne, y compris la presse conservatrice et la télévision d’Etat, le président Mahmoud Ahmadinejad vient d’essuyer une nouvelle rebuffade contre sa politique étrangère et intérieure.
Cette fois, il s’agit de l’un des personnages à l’aura la plus incontestée d’Iran, l’ancien dauphin de l’ayatollah Khomeiny, fondateur de la République islamique, le grand ayatollah Hossein Ali Montazeri. Ecarté au profit du Guide actuel, l’ayatollah Khamenei, M. Montazeri, retiré à Qom, la ville sainte, passe aujourd’hui pour la référence intellectuelle de nombreux dissidents.
« Nous disons mort à l’Amérique, mais les Etats-Unis sont une puissance avec des moyens importants (…). Il faut agir avec raison face à l’ennemi et ne pas le provoquer », a-t-il dit récemment lors d’une rencontre avec des membres de l’opposition libérale, ajoutant, dans une référence explicite à la position de confrontation de M. Ahmadinejad sur le nucléaire et à sa gestion contestée de l’économie : « Les extrémismes ne servent pas les intérêts du peuple. » Et l’ayatollah d’expliciter : « Certains responsables disent que l’inflation ne dépasse pas les 13 % (…), mais lorsqu’on examine la question on voit que dans certains domaines comme le logement les prix ont augmenté de 50 % (…) On ne peut pas gouverner le pays avec des slogans. »
Depuis l’échec de la mouvance conservatrice qui lui est proche aux élections municipales ainsi qu’à l’Assemblée des experts, le 15 décembre, le président iranien est ouvertement contesté. L’adoption de sanctions, le 23 décembre, au Conseil de sécurité des Nations unies contre le programme nucléaire semble même avoir exacerbé les tensions. En effet, en dépit des démentis officiels, l’économie iranienne paye déjà au moins le coût des sanctions financières unilatérales américaines. Les banques iraniennes ont décidé depuis lundi de ne plus faire de virements en dollars vers l’étranger à cause des restrictions imposées.
Le 10 janvier, le quotidien conservateur Jomhouri Eslami avait vertement demandé au président de cesser de parler du nucléaire « à tout bout de champ » pour ne pas « fournir de prétexte » aux ennemis du pays.
« AVENTURISME DU PRÉSIDENT »
De leur côté, après avoir laissé prévaloir leurs rivalités aux municipales – une des raisons de leur échec -, les conservateurs, majoritaires au Parlement, prenant acte de leurs divisions, se sont scindés en deux groupes. De plus en plus de voix s’élèvent aussi contre la « dégradation » de l’image de l’Iran sur la scène internationale. Mardi, Akbar Alami, un député modéré très écouté, critiquant « l’aventurisme du président », a dénoncé « l’organisation de la conférence internationale sur l’Holocauste par le ministère des affaires étrangères ». Cette conférence sur la « réalité » de la Shoah qui s’est tenue à Téhéran, en décembre, fut une tribune pour les révisionnistes de nombreux pays et a suscité une vague de condamnations.
Les Etats-Unis ont fait circuler à l’Assemblée générale des Nations unies, mardi 23 janvier, un projet de résolution appelant les 192 Etats membres de l’ONU à « rejeter sans réserve toute négation totale ou partielle de l’Holocauste en tant qu’événement historique, et toute activité ayant cet objectif ». Le texte ne mentionne aucun pays, mais vise notamment les déclarations révisionnistes iraniennes. Le jour même, M. Ahmadinejad a qualifié une nouvelle fois la Shoah de « fabrication », prédisant que l’Etat d’Israël allait « tomber en morceaux ». L’Assemblée générale de l’ONU devrait voter, vendredi, sur le texte américain.