Reuters, 27 mars – Le directeur général de Total Christophe de Margerie, mis en examen pour « corruption d’agents publics étrangers et abus de biens sociaux » dans une enquête sur un contrat gazier signé en 1997 par Total en Iran, a déclaré dans sa déposition avoir prévenu de paiements litigieux Thierry Desmarest, alors PDG du groupe.
Selon le texte de cette déposition publié mardi dans l’Est républicain, Christophe de Margerie, directeur de Total pour le Moyen-Orient à l’époque des faits, ne parle pas de corruption mais de « lobbying ».
« Il s’agissait d’un lobby de facilitateurs. L’Iran s’ouvrant aux compagnies étrangères, comme tout lobby, ces gens nous proposaient de développer nos affaires en Iran », a expliqué Christophe de Margerie au juge Courroye jeudi dernier.
Le juge a fondé sa mise en examen sur les 38 millions de dollars versés par Total au titre de ce prétendu « lobbying », qui pour le magistrat, constitue l’argent de la corruption visant à obtenir le contrat d’exploitation du site gazier off-shore de South Pars, inauguré en 2003.
« Lorsque j’ai décidé d’avoir recours à un contrat de lobby, c’est-à-dire en 1995/1996, j’ai prévenu mon supérieur hiérarchique, à savoir M. Thierry Desmaret », a expliqué au juge Courroye Christophe de Margerie.
« Je lui ai dit que dans le cadre de ce contrat de quatre milliards de dollars, si nous voulions avoir une chance d’avancer, de surcroît dans ce contexte politique difficile aussi bien en Iran qu’aux USA, il fallait se faire aider », a-t-il ajouté.
Christophe de Margerie a expliqué, en évoquant des problèmes administratifs, que Total n’avait conservé aucune trace de cette supposée mission de lobbying.
La société avec laquelle Total a traité pour son « lobbying » était un groupe d’Iraniens. « La personne qui était mon interlocuteur était Bijan Dadfar, qui était accompagné d’autres personnes dont une dont je refuse de donner le nom. Cette personne était un Iranien », a expliqué le DG.
Christophe de Margerie a dit avoir rencontré les « lobbyistes » plusieurs fois à Londres, dans un hôtel. Les paiements ont été adressés à « une société proposée par le Crédit Suisse et domiciliée aux Iles Vierges », a-t-il ajouté.
Le juge Courroye estime, au vu d’autres éléments de son dossier, que les paiements ont en fait profité à Mehdi Rafsandjani, fils d’Ali Akbar Hachemi Rafsandjani, président de l’Iran de 1989 à 1997. Comme contrôle judiciaire, il a interdit au DG de Total de rencontrer les deux hommes.
Christophe de Margerie a dit ne pas connaître l’ancien président mais a admis avoir déjà rencontré son fils.
« En Iran, il est connu sur la place publique et c’était en l’occurrence le patron d’un contracteur pétrolier que nous avons utilisé sur plusieurs projets », a-t-il dit, en ajoutant : « je ne connais pas les liens qui existent entre Bijan Dadfar et M. Rafsanjani ». Selon une autre déposition, Bijan Dadfar est l’ex-secrétaire de Mehdi Rafsandjani.