TV5 monde, 22 juin – Marjane Satrapi transpose avec brio sa bande dessinée autobiographique à succès « Persépolis », dans un film d’animation humoristique et tendre, co-signé avec Vincent Paronnaud, qui fait un récit critique de la révolution islamique de 1979 en Iran.
Couronnée d’un prix du jury au festival de Cannes ex-aequo avec « Lumière silencieuse » du Mexicain Carlos Reygadas, cette adaptation de la BD éponyme au trait épuré, en noir et blanc, sort mercredi dans les salles en France.
Enrichie d’une esthétique expressionniste et d’accents poétiques grâce à la touche du talentueux auteur de BD Vincent Paronnaud – qui signe ses albums du nom de Winshluss -, « Persépolis » fait le portrait vif et drôle d’une petite fille issue de la bourgeoisie de Téhéran, confrontée à la révolution islamique.
Le film n’en contient pas moins une charge contre le régime iranien, dépeint comme violemment répressif des libertés individuelles, en particulier celles des femmes forcées, du jour au lendemain, de se voiler et de déserter les lieux publics.
Tout juste adolescente, Marjie, fille d’opposants au régime du Shah renversé en 1979, est contrainte de s’exiler seule, en Autriche puis en France, après avoir vu sa famille persécutée et sa vie saccagée par les soubresauts politiques de son pays.
La guerre entre l’Iran et l’Irak et la répression exercée par les « gardiens de la révolution », l’armée idéologique du régime, rendent la vie invivable pour Marjane et ses proches, dont certains seront emprisonnés ou tués.
La petite fille fan de Bruce Lee se mue alors en une jeune adulte à la conscience politique aiguisée, qui se rebelle contre le voile et l’emprise exercée sur les femmes par les « gardiens de la révolution ».
« Même si ce film est universel, je tiens à le dédier à tous les Iraniens », avait déclaré Marjane Satrapi à Cannes en recevant son prix, le 27 mai.
Pendant le festival, où « Persépolis » était en lice pour la Palme d’or, elle s’était pourtant tenue à l’écart de la polémique lancée par le régime de Téhéran, qui avait protesté contre la sélection du film à Cannes.
« C’est un film humaniste, qui va à l’encontre de tous les clichés sur l’Iran », avait-elle affirmé dans un entretien à l’AFP.
« Je suis une vraie amoureuse de la liberté et une vraie démocrate ouverte à toutes les indignations, à toutes les protestations, à toute critique, et je pense qu’on ne peut construire que dans les critiques et la protestation ». « Il faut un dialogue ouvert », insistait-elle.
« Le vrai ennemi de la démocratie, ce n’est ni un régime, ni une personne, ni un gouvernement, le vrai ennemi de la démocratie, c’est la culture patriarcale », estimait encore Marjane Satrapi.
« De même que le père est le chef de la famille et qu’il a le dernier mot, le dictateur aussi a le dernier mot, donc la démocratie passe par l’émancipation des femmes, et l’émancipation n’est possible que par l’éducation, l’instruction et le travail », avait-elle expliqué.
Au lendemain du festival de Cannes, un conseiller culturel de la présidence iranienne, Mehdi Kalhor, avait qualifié le prix décerné à « Persépolis » de geste d' »islamophobie ».