AFP: Par Jean-Louis de la VAISSIERE – Menaces de sanctions renforcées sur le nucléaire, accusations d’ingérence, affaire Clotilde Reiss : les relations entre l’Iran et la France se sont dégradées pour parvenir aujourd’hui à un degré de tension rarement atteint.
Le président Nicolas Sarkozy a déclenché cette semaine la colère de l’Iran, en déclarant que le peuple iranien "mérite mieux que ses dirigeants actuels" et en saluant le courage de "grands dignitaires du régime" ayant dénoncé les tortures infligées aux opposants.
"La France adopte des positions de plus en plus extrémistes", répondait mardi le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Hassan Ghashghavi, accusant Paris d’"ingérence" et de chercher à "créer l’insécurité".
De l’aveu de diplomates français, les relations "sont exécrables".
Ces différends s’inscrivent dans le contexte du conflit entre Téhéran et Occidentaux sur le dossier nucléaire.
Nicolas Sarkozy a déclaré vouloir soutenir des "sanctions sévères (…) au Conseil de sécurité et au Conseil européen", quelques jours seulement avant que l’Iran ne déclare avoir préparé de nouvelles propositions et espérer un nouveau cycle de négociations.
Le ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner a affirmé jeudi que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) n’avait pas communiqué tous les éléments dont elle disposait sur l’objectif militaire du programme nucléaire iranien. Il a demandé à son directeur général Mohamed ElBaradei de divulguer les annexes de son dernier rapport sur le sujet.
"Il est clair à la lecture des documents de l’AIEA qu’aucune question n’a trouvé de réponse", a ajouté le ministre, citant des "problèmes d’ogives, de transport, etc.".
Téhéran en veut à la France d’avoir sévèrement critiqué les conditions de l’élection présidentielle iranienne du 12 juin.
Ce qui déplaît au régime de Téhéran, observe Denis Bauchard, de l’IFRI (Institut français des relations internationales), "c’est qu’il peut avoir l’impression qu’on remet en cause l’élection d’Ahmadinejad".
"Parmi les pays occidentaux, la France est certainement celui qui a tenu très tôt les propos les plus critiques sur sa légitimité", juge-t-il.
Dans la foulée des manifestations ayant suivi l’élection, l’incarcération du 1er juillet au 16 août d’une universitaire française de 24 ans, Clotilde Reiss, a empoisonné les relations bilatérales.
Les autorités françaises ont obtenu sa remise en liberté, à condition qu’elle attende le verdict de son procès à l’ambassade de France. Elles défendent son innocence, alors qu’elle est accusée d’avoir participé à des manifestations, après avoir été accusée d’espionnage au moment de son arrestation.
Ces allégations sont des "fariboles", s’était emporté Bernard Kouchner, répondant sèchement aux assertions de l’ambassadeur d’Iran en France, Seyed Mehdi Miraboutalebi.
En critiquant le pouvoir iranien, la France affirme ne faire que défendre des valeurs. "Il ne sagit pas là dingérence mais de fidélité aux valeurs démocratiques", a affirmé le ministère des Affaires étrangères.
La semaine dernière, M. Sarkozy avait exprimé clairement son rejet de l’équipe au pouvoir : "Ce sont les mêmes dirigeants qui nous disent que le programme nucléaire est pacifique et que les élections ont été honnêtes. Qui peut bien les croire ?", avait-il ajouté.
Paris et Téhéran ont un dialogue "difficile", a récemment reconnu Bernard Kouchner. "Je téléphone toutes les semaines en Iran à mon homologue", Manouchehr Mottaki. "Est-ce que cela sert à quelque chose ? Non, non et non".
3 septembre 2009 (AFP)